Intervention de Philippe Bas

Réunion du 16 mars 2016 à 14h30
Protection de la nation — Article 1er

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Je répondrai individuellement aux auteurs de ces amendements, qui ont tous invoqué des motifs différents pour proposer la suppression de l’article 1er.

Mme Assassi a souligné qu’il fallait développer d’autres types d’actions que celles qui sont mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence. C’est tout à fait exact ! Mais cela n’exclut pas la nécessité de garantir l’ordre, de rechercher les malfaiteurs qui pourraient s’associer pour commettre des attentats, de les punir, mais aussi de développer des actions internationales. Je ne crois pas que cela constitue un motif suffisant pour refuser l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution.

M. Malhuret a indiqué que le texte dont nous sommes saisis ne comporte pas de garantie supplémentaire par rapport à celles qui sont prévues, et éventuellement insuffisantes, dans la loi de 1955, plusieurs fois modifiée. C’est exact. Et c’est la raison pour laquelle la commission des lois s’est mise au travail pour que, si cette révision constitutionnelle n’est pas réellement justifiée par une nécessité impérieuse pour donner au Gouvernement les moyens de la lutte contre le terrorisme, elle soit au moins utile pour nous garantir contre des abus de pouvoir dans la mise en œuvre de l’état d’urgence.

C’est ainsi que nous avons ajouté un certain nombre de garanties concernant notamment les pouvoirs du Parlement : la capacité pour lui de faire cesser à tout moment l’état d’urgence s’il en décide ainsi, y compris hors des sessions ; l’exigence que la loi sur l’état d’urgence et les mesures de l’état d’urgence soient strictement adaptées, nécessaires et proportionnées, sous le contrôle, pour les unes, du juge administratif, et, pour les autres, du juge constitutionnel ; la référence à l’article 66 de la Constitution : il ne pourra pas être dit que l'on peut y déroger pendant la mise en œuvre de l’état d’urgence. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant !

La crainte de notre excellente collègue Sophie Joissains qu’un futur gouvernement ne puisse se servir de cette disposition constitutionnelle pour porter atteinte aux libertés ne me semble pas fondée. Si nous adoptons les amendements que la commission des lois m’a demandé de présenter, c’est exactement le contraire qui se produira !

Aujourd’hui, aucune garantie constitutionnelle n’est expressément posée dans la Constitution contre des abus qui pourraient être créés par des modifications de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence. Je souhaite que la loi sur l’état d’urgence devienne demain une loi organique, afin que sa conformité à la Constitution soit obligatoirement examinée par le Conseil constitutionnel. Ainsi, à supposer qu’il y ait une majorité de parlementaires en faveur de mesures que l’on qualifierait de liberticides, le législateur ne pourra plus les prendre, du fait des garanties qui figureront dans la Constitution !

C’est la raison pour laquelle je souhaitais vous faire revenir sur votre amendement de suppression. En réalité, les garanties se trouvent plutôt du côté de la constitutionnalisation. C’est tout le sens du travail que nous avons réalisé ensemble au sein de la commission des lois.

Madame Benbassa, nous travaillons ici malgré l’état d’urgence, librement et sans contrainte. Rien ne peut nous empêcher de faire vivre notre démocratie pendant l’état d’urgence. Au contraire ! Montrons à la face du monde que la vie démocratique continue ! Et la vie démocratique, ce sont les élections régionales, qui se sont tenues quelques semaines après ces terribles attentats de Paris et de Saint-Denis, mais c’est aussi le fait de continuer à légiférer dans tout domaine. Aucune raison ne justifie que nous ne puissions pas également réviser la Constitution, comme l’a souhaité le chef de l’État.

Sachez-le bien, si nous adoptons les amendements que la commission a retenus, nous entérinerons des garanties supplémentaires face au risque que pourrait comporter un usage abusif de l’état d’urgence. C’est la raison pour laquelle la commission est hostile à l’ensemble de ces amendements.

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