Le présent projet de loi constitutionnelle permet au législateur, cela a été dit, de proroger plusieurs fois l’état d’urgence, mais il ne conditionne pas cette prorogation à la persistance de circonstances exceptionnelles de niveaux d’urgence et de gravité comparables à ceux qui ont justifié son instauration. Il est pourtant nécessaire d’apporter cette condition, notre collègue l’a rappelé, afin d’écarter la possibilité que des prolongations successives de l’état d’urgence puissent intervenir et conduire à une installation durable de cet état d’urgence, avec les dérogations au droit commun qui vont de pair, alors que les circonstances ne le justifieraient plus.
Au moment où nous sommes appelés à réviser la Constitution, notre responsabilité est de ne pas céder à la tentation qui existe parfois au sein du couple exécutif-majorité parlementaire de prendre des mesures qui répondraient davantage à une opportunité politique qu’à la nécessité. La Constitution a précisément pour vocation de nous prémunir contre les décisions prises pour complaire à l’esprit du temps et qui entreraient en contradiction avec les droits et libertés fondamentaux que notre État de droit protège au long cours.
Dans son avis publié le 14 mars dernier, la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite « Commission de Venise », tout en se félicitant de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, a justement tenu à préconiser l’inscription dans la Constitution des limites formelles, matérielles et temporelles qui doivent le régir. Cet amendement vise donc à contribuer à répondre à cet impératif global.
J’ai bien pris note de l’accueil réservé sur le fond à cet amendement hier matin par la commission des lois, monsieur le président Bas, et j’ai procédé à sa rectification sur la forme pour répondre à vos préconisations, que je partage. Je propose par conséquent cette rédaction : « Si les conditions de l’état d’urgence demeurent réunies, cette prorogation peut être renouvelée selon les mêmes modalités. »