Séance en hémicycle du 17 mars 2016 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • d’urgence
  • l’état d’urgence
  • prorogation

La séance

Source

La séance est ouverte à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, le 10 mars dernier, lors du scrutin n° 176 portant sur l’amendement n° 120 rectifié, présenté par le Gouvernement à l'article 3 quater de la proposition de loi pour l'économie bleue, M. Albéric de Montgolfier a été inscrit comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. On avait bien remarqué que ce n’était pas normal…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Acte est donné de cette mise au point, monsieur Buffet. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (projet n° 395, rapport n° 447).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er, dont je rappelle les termes.

Après l’article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :

« Art. 36 -1. – L’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

« La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.

« Pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit.

« L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. Les règlements des assemblées prévoient les conditions dans lesquelles le Parlement contrôle la mise en œuvre de l’état d’urgence.

« La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée, qui ne peut excéder quatre mois. Cette prorogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 10, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai par le Gouvernement des mesures prises au titre de l’état d’urgence. À leur demande, le Gouvernement leur transmet toute information complémentaire relative à ces mesures.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’amendement n° 10 présente cette différence par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale qu’il ne renvoie pas aux règlements des deux assemblées.

En effet, il a semblé à la commission des lois qu’un tel renvoi n’était pas utile et ne présentait pas de valeur ajoutée par rapport à la rédaction que nous proposons à travers cet amendement : que les deux assemblées « [soient informées] sans délai par le Gouvernement des mesures prises au titre de l’état d’urgence ». À cet égard, je veux rendre hommage au souci permanent du Gouvernement depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence d’informer les deux assemblées.

Il s’agit en outre de préciser que, à la demande de ces dernières, le Gouvernement transmet au Parlement toute information complémentaire relative à ces mesures ; cela suffit, nous n’avons pas besoin en outre d’un renvoi aux règlements des assemblées.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement a eu plusieurs fois l’occasion de préciser qu’il était extrêmement favorable au contrôle parlementaire et donc à son introduction dans la Constitution. Il a d’ailleurs montré depuis le début du présent état d’urgence, Philippe Bas vient de l’indiquer, combien il était vigilant sur l’information régulière du Parlement. En effet, tant le ministre de l’intérieur que le Premier ministre reçoivent les présidents de groupe et les présidents des deux chambres pour les tenir informés des différentes évolutions de la situation.

Par ailleurs, j’ai dit hier, à propos de l’un des derniers amendements que vous ayez examinés, que le Gouvernement était réservé sur l’introduction dans la Constitution d’éléments relevant de la procédure parlementaire. C’est dire s’il est donc favorable à l’amendement présenté par Philippe Bas, qui permet de revenir à la quintessence de la précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je veux simplement préciser que notre groupe s’abstiendra sur cet amendement.

En effet, d’un côté, il vise à mentionner à l’alinéa 5 que l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai par le Gouvernement des mesures prises au titre de l’état d’urgence et que, à leur demande, le Gouvernement leur transmet toute information complémentaire relative à ces mesures.

Vous le savez, mon groupe fait une différence assez précise entre ce qui relève de l’information du Parlement et ce qui relève du contrôle qu’il exerce – nous sommes pour notre part favorables au renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement et non pas seulement de son information. Or j’ai participé, sur l’invitation du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, aux réunions de suivi de l’état d’urgence et nous avons bien constaté, à cette occasion, que cela ne relevait pas d’une mission de contrôle, mais qu’il s’agissait simplement de nous informer de l’état d’avancement des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence.

En revanche, d’un autre côté, je partage l’idée de supprimer le renvoi aux règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat, parce que ceux-ci sont différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je partage aussi l’idée qu’il convient de ne pas renvoyer aux règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je voterai donc en faveur de cet amendement visant à introduire cet alinéa mais, cela étant, je veux tout de même souligner que cette rédaction relève du vœu pieu. Il s’agit de préciser que l’Assemblée nationale et le Sénat sont tenus informés par le Gouvernement mais dire cela ou ne rien dire, c’est la même chose.

En effet, le Gouvernement peut mal informer, estimer que cela n’est pas très important ou faire semblant de l’estimer. Dès lors, il n’y a pas d’information totale sur le sujet. Ainsi, cela est peut-être positif en théorie mais, si l’on a affaire à un Gouvernement faisant preuve d’une certaine mauvaise volonté, je ne suis pas persuadé que l’alinéa 5 ainsi rédigé ait une très grande portée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi, votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Celle-ci en fixe la durée qui ne peut excéder trois mois. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à prévoir que les textes prorogeant l’état d’urgence devront être votés dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Considérant l’importance des pouvoirs exceptionnels prévus par l’état d’urgence et le champ étendu des conditions permettant son déclenchement, il est nécessaire que ces lois de prolongation soient soutenues par les deux chambres.

De surcroît, nous ne souhaitons pas que la durée de l’état d’urgence puisse excéder trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et dans la stricte mesure où la situation l’exige

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Avec cet alinéa 6 de l’article 1er, nous abordons la question de la prorogation de l’état d’urgence. Nous savons tous qu’il peut y avoir un risque, qui existait d’ailleurs déjà dans la loi du 3 avril 1955 – d’où l’intérêt de constitutionnaliser l’état d’urgence –, de se retrouver, de prorogation en prorogation, dans une situation d’état d’urgence permanent.

Comment éviter la réalisation de ce risque ? La première idée consisterait à essayer de quantifier la prorogation, mais on voit très vite qu’il n’y a pas plus de raison de limiter ce nombre à deux, trois ou quatre prorogations. Cette réponse n’est donc pas adaptée.

J’ai alors cherché un moyen de montrer que la prorogation devait être exceptionnelle, ce qui conduit assez vite aux questions de proportionnalité. Cette question a été traitée hier lors de nos débats pour ce qui concernait les mesures pouvant être ordonnées dans le cadre de l’état d’urgence. J’ai essayé de réintroduire cette idée dans le principe de la prorogation de l’état d’urgence cette fois-ci, dans une logique très claire de protection des libertés publiques.

Cela conduirait à une première phrase de l’alinéa 6 de l’article 1er ainsi complétée : « La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi et dans la stricte mesure où la situation l’exige. » Il me semble que cette précaution est rédigée dans des termes qui, à la fois, ne prêtent pas à un débat juridique et garantissent efficacement la limitation du droit de prorogation, lequel reste bien sûr de l’appréciation souveraine du Parlement mais doit être limité par une forme de proportionnalité. D’où la formulation suggérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 11, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6, deuxième phrase

Remplacer les mots :

quatre mois

par les mots :

trois mois

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement est tout simple.

Deux fois, nous avons prorogé de trois mois l’état d’urgence. La représentation nationale estime que ce rythme ne doit pas être plus lent car si, comme l’a fait l’Assemblée nationale, on prévoit quatre mois, cela diminuera la périodicité du contrôle exercé par le Parlement sur l’état d’urgence. Or trois mois, nous y parvenons : nous l’avons fait ! Ce serait donc ajouter aux garanties que nous souhaitons prévoir dans la Constitution que de limiter la prorogation à une durée de trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par M. Duran, Mme Bonnefoy, MM. Leconte et Cabanel, Mmes Khiari et Lienemann et M. Durain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Si les conditions de l’état d’urgence demeurent réunies, cette prorogation peut être renouvelée selon les mêmes modalités.

La parole est à M. Alain Duran.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Le présent projet de loi constitutionnelle permet au législateur, cela a été dit, de proroger plusieurs fois l’état d’urgence, mais il ne conditionne pas cette prorogation à la persistance de circonstances exceptionnelles de niveaux d’urgence et de gravité comparables à ceux qui ont justifié son instauration. Il est pourtant nécessaire d’apporter cette condition, notre collègue l’a rappelé, afin d’écarter la possibilité que des prolongations successives de l’état d’urgence puissent intervenir et conduire à une installation durable de cet état d’urgence, avec les dérogations au droit commun qui vont de pair, alors que les circonstances ne le justifieraient plus.

Au moment où nous sommes appelés à réviser la Constitution, notre responsabilité est de ne pas céder à la tentation qui existe parfois au sein du couple exécutif-majorité parlementaire de prendre des mesures qui répondraient davantage à une opportunité politique qu’à la nécessité. La Constitution a précisément pour vocation de nous prémunir contre les décisions prises pour complaire à l’esprit du temps et qui entreraient en contradiction avec les droits et libertés fondamentaux que notre État de droit protège au long cours.

Dans son avis publié le 14 mars dernier, la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite « Commission de Venise », tout en se félicitant de la constitutionnalisation de l’état d’urgence, a justement tenu à préconiser l’inscription dans la Constitution des limites formelles, matérielles et temporelles qui doivent le régir. Cet amendement vise donc à contribuer à répondre à cet impératif global.

J’ai bien pris note de l’accueil réservé sur le fond à cet amendement hier matin par la commission des lois, monsieur le président Bas, et j’ai procédé à sa rectification sur la forme pour répondre à vos préconisations, que je partage. Je propose par conséquent cette rédaction : « Si les conditions de l’état d’urgence demeurent réunies, cette prorogation peut être renouvelée selon les mêmes modalités. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en prenant en compte les résultats du contrôle par le Parlement de la mise en œuvre de l’état d’urgence

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Cet amendement s’inscrit toujours dans la même logique, celle qui consiste à essayer de trouver des garanties en matière de libertés publiques pour que l’état d’urgence ne puisse en aucun cas devenir une situation de droit commun. J’indiquais précédemment que l’on ne pouvait pas quantifier arithmétiquement un nombre de prorogations et j’ai fait une première proposition à travers l’amendement n° 40 rectifié bis, qui, je l’espère, recueillera l’avis favorable de la commission des lois.

Par l’amendement n° 42 rectifié, j’ai tenté – de manière un peu malhabile, je le reconnais – de soutenir l’idée que c’était en fonction des résultats du contrôle du Parlement que l’on devait décider ou non de la prolongation de l’état d’urgence. Ce contrôle vient d’ailleurs d’être confirmé, complété, conforté par l’adoption de l’amendement n° 10 de la commission des lois.

Tel est le sens de l’amendement n° 42 rectifié, qui vise à compléter la dernière phrase de l’alinéa 6 de l’article 1er par les mots « en prenant en compte les résultats du contrôle par le Parlement de la mise en œuvre de l’état d’urgence ». J’indique immédiatement au président de la commission des lois, rapporteur, que je ne suis pas totalement fier de la rédaction un peu inaboutie de cet amendement et que je serai attentif à ses préconisations tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut être mis fin à l’état d’urgence par la loi ou par décret délibéré en conseil des ministres.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La constitutionnalisation de la prolongation de l’état d’urgence par la loi impose de préciser qu’il pourra y être mis fin à tout moment par décret en conseil des ministres. Cette possibilité, prévue par les lois de prolongation de 2005 et 2015, permettrait de conserver une certaine souplesse pour le Gouvernement.

Par ailleurs, après discussion en commission des lois, cet amendement a été rectifié pour prévoir que le pouvoir législatif puisse, par une nouvelle loi, revenir sur une durée de prorogation et mettre ainsi fin à l’état d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 60, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un projet de loi ou une proposition de loi adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat peut mettre fin à tout moment à l’état d’urgence.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

La question – fondamentale selon vous, mes chers collègues – que nous abordons à travers cet amendement n’a pas été évoquée de manière totalement explicite ou, en tout cas, pas suffisamment.

En effet, lors du débat sur cet article 1er a été annoncée plusieurs fois, et comme étant quasi acquise, la possibilité pour les parlementaires, par le biais du vote d’une proposition de loi, de mettre un terme à l’état d’urgence, et ce à tout moment. Le groupe communiste républicain et citoyen est assez surpris du caractère feutré du débat sur cette question, alors qu’il s’agit d’une question essentielle pour permettre au Parlement d’exister face à l’exécutif durant cette période d’état d’exception.

Il n’est pas inutile de rappeler, comme l’a fait M. le rapporteur Philippe Bas dans son rapport, que, avant 1960, c’est le Parlement qui déclarait par la loi l’état d’urgence, conformément à la version originale de la loi du 3 avril 1955. La question peut donc légitimement se poser, puisque le caractère présidentialiste de la Constitution de 1958 n’a peut-être pas vocation à perdurer de manière éternelle.

À la page 84 de votre rapport, monsieur Bas, vous affirmez qu’« Il apparaît […] que l’intérêt de cette réunion de plein droit du Parlement pendant la durée de l’état d’urgence consiste, au-delà de la mise en œuvre du contrôle parlementaire, en la possibilité qui serait donnée au Parlement d’examiner et d’adopter une proposition de loi qui mettrait fin à l’état d’urgence ». Pourriez-vous nous préciser, monsieur le rapporteur, sur quelle base constitutionnelle cette proposition de loi pourrait voir le jour puisque, dans la Constitution, sont seulement prévus le pouvoir pour le Gouvernement de décréter l’état d’urgence et le pouvoir pour le Parlement de voter sa prorogation ?

Nous approuvons cette évolution car, rappelez-le-vous, nous avons été bien seuls le 20 novembre dernier, lors du vote de prorogation du présent état d’urgence, à exiger un vrai contrôle parlementaire conférant au Parlement le pouvoir d’interrompre cet état d’urgence, en particulier face à des dérives manifestes. Nous proposons donc d’inscrire noir sur blanc ce pouvoir du Parlement dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le sous-amendement n° 79, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Amendement n° 60, alinéa 3

Remplacer les mots :

Un projet de loi ou une proposition de loi adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat

par les mots :

La loi

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce sous-amendement est l’occasion, pour moi, de solliciter une explication.

En effet, depuis hier, nous avons examiné plusieurs amendements faisant référence, dans leur dispositif, à une loi « votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat ». Je n’avais jamais vu de dispositions de ce type.

Je ne comprends pas très bien : pour qu’une loi soit promulguée, il faut bien qu’elle soit adoptée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat ! Dès lors, je me demande si cette expression ne constitue pas un pléonasme malvenu. C’est déjà suffisamment compliqué comme cela… N’en rajoutons pas !

En revanche, si cette précision est fondée, je suis curieux d’en connaître l’explication. Celle-ci améliorera ma connaissance des mécanismes juridiques et profitera à d’autres parlementaires, qui se posent probablement la même question que moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je réserve mon avis sur les amendements n° 52 rectifié et 60 ainsi que sur le sous-amendement n° 79 pour la fin de mon intervention.

Au travers de l’amendement n° 40 rectifié, Philippe Bonnecarrère souhaite préciser que la prorogation de l’état d’urgence n’est possible que dans la stricte mesure où la situation l’exige. Mon cher collègue, j’en conviens : cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. §C’est la raison pour laquelle, même si la commission a délibéré en sens contraire, je prends sur moi d’émettre, à titre personnel, un avis favorable sur cet amendement, qui vise à garantir que l’état d’urgence ne sera pas renouvelé si la situation ne l’exige plus. Il appartiendra au Conseil constitutionnel, si celui-ci est saisi de la loi de prorogation, de s’assurer de ce point.

Nous avons avantage à ce que le texte de la Constitution soit clair, car nous n’y reviendrons pas avant longtemps – du moins faut-il le souhaiter. Par conséquent, au moment d’exercer notre rôle de pouvoir constituant, nous avons raison de vouloir prévoir un certain nombre de garanties.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 35 rectifié bis.

Monsieur Bonnecarrère, je sollicite le retrait de votre amendement n° 42 rectifié – j’ai cru comprendre que vous vous y étiez préparé, compte tenu de l’avis exprimé par la commission sur votre amendement…

M. Philippe Bonnecarrère opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… que vous avez souhaité encadrer davantage à travers l’amendement n° 40 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’amendement n° 53 rectifié bis soulève une question très intéressante.

En vérité, l’état d’urgence est créé par décret ; le législateur se borne à le proroger. Si le Gouvernement veut mettre fin à l’état d’urgence, alors même que le Parlement a prorogé celui-ci, il a le droit de le faire, puisque c’est lui qui a déclenché sa mise en œuvre. Conformément au parallélisme des formes, le décret, qui permet de faire naître l’état d’urgence, est aussi l’instrument qui permet d’y mettre fin.

Cela dit, il ne me paraît pas inutile de préciser dans la Constitution que le Parlement peut lui aussi mettre fin à tout moment à l’état d’urgence. Il y aurait donc deux voies possibles pour mettre fin à l’état d’urgence : le décret – cela va de soi –, mais aussi la loi. Nos deux assemblées se verraient ainsi ouvrir la possibilité de débattre d’une proposition de loi mettant fin à l’état d’urgence si, sur la base des informations qui leur sont données et, d’ailleurs, de leurs propres investigations, elles estiment que les conditions de l’état d’urgence ne sont plus réunies, alors même qu’elles ont accepté de proroger celui-ci pendant un délai maximal de trois mois.

Cette possibilité constitue une garantie supplémentaire, raison pour laquelle la commission des lois, après avoir demandé à Mme Benbassa d’en faire évoluer le dispositif – ce qu’elle a accepté, et je l’en remercie –, a émis un avis favorable sur cet amendement de clarté juridique, qui vise à bien poser les garanties.

La commission est défavorable aux amendements n° 52 rectifié et 60 ainsi qu’au sous-amendement n° 79. Nous avons travaillé sur les garanties à apporter afin que l’état d’urgence ne puisse être prorogé si les conditions ne sont pas réunies, sous le contrôle du juge constitutionnel. Il ne convient pas, en cette matière, de déroger à la procédure législative ordinaire, en prévoyant l’obligation d’une adoption des textes relatifs à l’état d’urgence dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement considère que la proposition formulée par Mme Benbassa au travers de l’amendement n° 52 rectifié – un vote conforme des deux chambres pour proroger l’état d’urgence – ne paraît ni utile ni opérante. Comme nous avons pu le constater, en novembre 2015, les chambres se sont mises d’accord pour prolonger l’état d’urgence et même pour modifier son régime juridique, défini dans la loi de 1955. Elles se sont de nouveau mises d’accord, en février dernier, pour le proroger une nouvelle fois. Si cet accord ne devait pas intervenir, le Gouvernement ne voit pas l’intérêt de modifier l’équilibre institutionnel prévu par la Constitution.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour ce qui concerne l’amendement n° 40 rectifié, dans la mesure où la précision que M. Bonnecarrère souhaite ajouter lui semble d’ores et déjà figurer implicitement dans la rédaction actuelle du texte. Nous n’en voyons donc pas la plus-value. Cependant, si cette précision ne lui paraît pas indispensable, le Gouvernement ne serait pas marri si le Sénat décidait de le voter…

L’amendement n° 11 vise à substituer un délai de trois mois au délai de quatre mois proposé par l’Assemblée nationale. Sur le principe, le Gouvernement a indiqué qu’il souhaitait que le Parlement se prononce dans un délai raisonnable. Quatre mois, trois mois, ce sont des délais raisonnables ! Le Gouvernement s’en remet donc, sur ce point, à la sagesse du Sénat.

Le Gouvernement considère que les amendements n° 35 rectifié bis et 42 rectifié sont satisfaits. Il en sollicite donc le retrait, faute de quoi il émettra un avis défavorable. En effet, de notre point de vue, le Parlement exerce pleinement sa compétence. Il n’est donc pas nécessaire de préciser qu’il vérifie à chaque prorogation que les conditions de déclenchement de l’état d’urgence sont à nouveau réunies. Sur ce point, la rédaction actuelle de la loi nous paraît largement satisfaisante.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 53 rectifié bis, puisque, au-delà du progrès que représente la constitutionnalisation de l’état d’urgence pour la sécurisation du régime, mais aussi pour l’encadrement de l’action du Gouvernement lors de la mise en œuvre de ce dispositif, il lui semble préférable de laisser au législateur le choix de décider d’une telle délégation à l’occasion de chaque prorogation, plutôt que de prévoir une délégation systématique à l’exécutif.

Le Gouvernement estime que le sous-amendement n° 79 est satisfait, dans la mesure où il va de soi qu’une proposition de loi peut mettre fin à tout moment à l’état d’urgence, compte tenu des dispositions de l’article.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 60, le Gouvernement ne souhaite pas qu’il puisse être mis un terme anticipé à l’état d’urgence selon une procédure différente de la procédure législative ordinaire, qui réserve le dernier mot à l’Assemblée nationale en cas de désaccord entre les deux chambres.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur l’amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Le groupe communiste républicain et citoyen votera cet amendement, mais il le fera sans illusions.

Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

La possibilité, offerte par l’article 1er, de renouveler autant de fois que souhaité la période d’état d’urgence constitue un accompagnement mal dissimulé de la possibilité d’établir un état d’urgence permanent. Le fait de limiter cette prolongation dans la durée ne change pas grand-chose au danger fondamental.

La constitutionnalisation de la possibilité de prolonger indéfiniment l’état d’urgence est d’autant plus regrettable que le droit d’interrompre cet état d’exception ne sera pas inscrit dans la Constitution, même si une loi d’application pourrait éventuellement le prévoir, ainsi que M. le rapporteur l’a évoqué.

Le pouvoir pour le Parlement – majorité ou groupe majoritaire comme groupe minoritaire ou d’opposition – de stopper un état d’urgence m’apparaît fondamental. Tout aménagement de la durée de l’état d’urgence sans introduire ce droit du Parlement restera anecdotique.

Nous voterons cependant la réduction de quatre mois à trois mois du délai maximal de la période d’état d’urgence, en précisant néanmoins que cela ne risque pas de nous empêcher de voter contre l’article 1er dans sa globalité.

Marques d’ironie sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce texte est justifié par les problèmes que pose le terrorisme et par les multiples attentats terroristes auxquels nous sommes confrontés.

Je comprends difficilement cet amendement, car j’estime que, face au terrorisme, il ne faut pas chipoter, il ne faut pas bricoler, il ne faut pas prendre de demi-mesures ni avancer de trois pas pour reculer de deux. Ce n’est pas de cette manière que l’on se battra contre le terrorisme.

À cet égard, vouloir faire passer de quatre mois à trois mois le délai maximal de prorogation de l’état d’urgence par le législateur, donc réduire la portée des mesures et les moyens des pouvoirs publics, c’est, comme je l’ai dit hier soir, un très mauvais signal qui est donné aux terroristes. Face au terrorisme, notre société ne doit pas faire preuve de faiblesse. Elle doit donner au Gouvernement et à l’ensemble des pouvoirs publics les moyens de réagir.

Au reste, cet amendement n’a pas de portée pratique énorme – comme, d’ailleurs, l’ensemble des dispositions dont nous débattons depuis hier. En revanche, sa dimension symbolique est importante et, de ce point de vue, il me semble regrettable. Je ne le voterai donc pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Bien évidemment, les membres du groupe du RDSE soutiendront cet amendement, qui constitue l’une des contributions les plus importantes du Sénat au développement des garanties que l’on peut apporter aux citoyens durant l’état d’urgence.

D’ailleurs, je remarque que, d’après le Gouvernement, la constitutionnalisation a pour objet d’augmenter les garanties. Cependant, on fait passer en douce la durée maximale de prorogation de l’état d’urgence par le législateur de trois à quatre mois… Curieuse façon de respecter le principe annoncé !

Pour faire écho aux propos de Jean Louis Masson, il m’est revenu qu’Hannah Arendt, que nous avons largement évoquée hier, soutient que les méthodes utilisées par les États totalitaires pour faire face aux problèmes qu’ils rencontrent survivent à leur défaite.

J’ai l’impression que vouloir régler des problèmes tels que le terrorisme uniquement en renforçant diverses contraintes, notamment policières, n’est pas la voie suivie par les démocraties. Certes, il ne faut pas se bercer d’illusions et il convient se doter d’outils d’exception pour faire face aux défis exceptionnels. Le problème réside précisément dans l’institutionnalisation de ces outils car, à partir de ce moment-là, c’est le régime ordinaire !

Le travail d’équilibre que nous essayons de réaliser est difficile. Son résultat est, à mon avis, insuffisant. On peut penser qu’il manque quelque peu de logique. Toutefois, sur le plan démocratique, il marque déjà un mieux par rapport au texte que nous a transmis l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

À la différence de certains collègues, nous ne considérons pas que la réduction de quatre à trois mois du délai de prorogation maximal de l’état d’urgence constitue une garantie parmi les plus consistantes, sachant que la loi actuelle de 1955 ne prévoit aucun délai et que l’histoire a connu des durées de renouvellement diverses. D’ailleurs, dès l’instant où la faculté est donnée au Gouvernement et, surtout, au Parlement de proposer un arrêt anticipé de l’état d’urgence, le choix de la périodicité de départ – trois ou quatre mois – n’est pas décisif.

Malgré tout, par souci de conciliation et pour montrer notre bonne volonté, nous voterons cet amendement, sur lequel nous aurons sans doute encore l’occasion de revenir au cours de la navette.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je ne comptais pas intervenir, mais je veux réagir aux propos de Pierre-Yves Collombat.

En effet, et je le dis avec tout le respect que j’ai pour notre collègue, qui est un grand républicain

M. Michel Mercier le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre républicain, la sécurité républicaine, cela a du sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’autorité de l’État, c’est le fondement de l’égalité ; c’est le fondement de la sécurité des personnes.

Un État qui n’a pas d’autorité, qui ne peut s’appuyer sur aucune mesure, ni dans la Constitution ni dans la loi, pour régler l’urgence, c’est un État faible, qui ne peut pas rassurer les citoyens. C’est alors la porte ouverte à tous les excès, à tous les extrémismes, à toutes les organisations locales de type milices.

MM. Gérard Larcher et Bruno Sido opinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je préfère que, de manière républicaine, la représentation nationale et le gouvernement de la République organisent l’état d’urgence, prévoient un certain nombre de mesures, demandent à la police de la République, à l’armée de la République, à la gendarmerie de la République d’assurer l’ordre. Je préfère cet ordre républicain au désordre des extrêmes, lequel poussera à des communautarismes.

M. Gérard Larcher opine de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je n’étais pas forcément favorable à l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution.

Toutefois, il est bon que l’état d’urgence existe en lui-même, que d’autres mesures, y compris dans la Constitution telles que l’état de siège, existent. Pouvoir exercer ces mesures, sous le contrôle du Parlement, c’est la force d’une démocratie. C'est la raison pour laquelle, sans aucun problème, je voterai cet amendement.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l’amendement n° 42 rectifié n’a plus d'objet.

La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote sur l’amendement n° 53 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Nous voterons cet amendement eu égard à la dernière rectification intervenue.

À l’origine, l’amendement n° 53 conférait explicitement au seul conseil des ministres la possibilité d’interrompre, par décret, l’état d’urgence.

Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous avons demandé, depuis le 20 novembre dernier, lors du débat sur la première prorogation de l’état d’urgence, le droit pour le Parlement d’interrompre cet état d’exception. Comment parler d’un vrai pouvoir de contrôle s’il n’est pas accompagné d’un pouvoir de sanction ?

Nous avons déposé un amendement – l’amendement n° 60 qu’a défendu notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin voilà quelques instants – qui prévoit expressément la possibilité de voter une proposition de loi ayant pour objet de mettre fin à l’état d’urgence.

Il semblerait qu’un consensus se dégage sur cet amendement n° 53 désormais rectifié, ce qui marque un progrès significatif.

Toutefois, nous persistons à penser que le fait de ne pas inscrire précisément la possibilité d’interrompre l’état d’urgence par une proposition de loi risque de poser un problème d’interprétation, voire de limiter cette prérogative, dans le futur, aux seuls projets de loi. Nous aurions donc préféré que notre rédaction soit retenue, quitte à l’améliorer.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l’amendement n° 60 et le sous-amendement n° 79 n'ont plus d'objet.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Pour beaucoup d’entre nous, l’examen de ce projet de loi constitutionnelle est délicat.

Il a été présenté comme une réponse aux attentats de janvier et novembre 2015 – ce qu’il ne peut pas être –, dont le souvenir douloureux ne nous a pas quittés.

Différentes versions du projet de loi constitutionnelle se sont succédé. Aujourd’hui, c’est au tour du Sénat et de chacun des sénateurs d’assumer sa part de pouvoir constituant. Aussi, je tiens à faire connaître ma position et mon vote sur l’article 1er relatif à la constitutionnalisation de l’état d’urgence.

Mes chers collègues, j’ai fait le choix, comme d’autres membres de mon groupe, de voter en faveur d’un certain nombre d’amendements qui améliorent très nettement le texte transmis par l’Assemblée nationale, autant que faire se peut.

Il s’agit de modifications qui visent à apporter de plus grandes garanties à l’exercice des libertés individuelles et publiques, auxquelles je suis très attachée. Des garanties juridictionnelles, en aménageant un rôle plus important au Conseil constitutionnel, et surtout au juge judiciaire, véritable gardien des libertés individuelles. Des garanties procédurales également, par le renforcement des pouvoirs de contrôle et d’information du Parlement, comme rempart aux dérives autoritaires.

Une fois de plus, le travail du Sénat est synonyme d’amélioration et de protection des libertés. Mes votes sur plusieurs des amendements que nous venons d’examiner avaient pour principal objectif de le souligner.

Toutefois, il m’est impossible d’approuver maintenant l’article 1er, même profondément amendé et amélioré par notre Haute Assemblée.

En effet, je suis fermement opposée au principe même de cette entreprise constitutionnelle qui m’apparaît inutile et inefficace. Je fais partie de celles et ceux qui considèrent que les dispositions prévues à l’article 1er n’ont pas leur place au sommet de notre hiérarchie des normes.

Il me semble en effet que la rédaction actuelle de la Constitution nous permet d’emprunter le chemin des lois ordinaires pour apporter les réponses aux attentes de nos concitoyens, qu’il s’agisse du renforcement de leur sécurité, de la garantie de leurs libertés ou de la poursuite des responsables d’attaques terroristes.

À l’heure actuelle, l’état d’urgence est déjà une réalité juridique dans notre pays, en application de la loi du 3 avril 1955. J’ai d’ailleurs voté ici même pour son instauration, le 20 novembre 2015, puis pour sa prorogation, le 9 février dernier. Par conséquent, vous l’aurez compris, je voterai contre cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Comme je l’ai dit hier, ce qui est important, si l’on veut vraiment lutter contre le terrorisme, c’est de réagir très fortement et très durement contre tous les communautarismes.

Il importe en premier lieu que les responsables politiques locaux ne se servent pas du communautarisme musulman comme d’un fonds de commerce électoral

Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… mais, hier, sur les quatre terroristes présumés dont M. le ministre de l’intérieur a annoncé l’arrestation, l’un était franco-marocain et les trois autres franco-turcs ! Voilà qui prouve bien que j’avais raison en soulignant les problèmes liés à la binationalité, qui favorise le communautarisme et facilite dans ces milieux le recrutement par les terroristes et les extrémistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Cet article 1er, à mon avis, est tout à la fois insuffisant et symbolique. Je le voterai cependant, car il marque un pas en avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Pour ma part, je voterai cet article 1er.

Je considère, comme cela a été dit par plusieurs sur ces travées, que la République ne se conçoit pas sans ordre, un ordre démocratique, et elle doit bien sûr se donner les moyens de l’assurer.

Je voudrais simplement exprimer quelques réserves, dans l’esprit de ce que j’ai eu l’occasion de dire dans le cadre de la loi de prorogation de l’état d’urgence.

Je considère en effet que le climat dans lequel nous sommes amenés à débattre commence à poser indiscutablement des problèmes. Prenons garde de ne pas donner à cette poignée de criminels un rôle qu’ils ne méritent pas.

J’ai entendu le Premier ministre nous dire que leur intention était de détruire ce que nous sommes. Certes, mais ils n’en ont pas le pouvoir, et à aucun moment la République ne peut se sentir réellement menacée dans ce qu’elle a d’essentiel par ce qu’ils peuvent représenter.

Sans doute la sécurité de chacun d’entre nous, de chaque Français est-elle mise en cause par leur attitude et par la menace qu’ils représentent, mais la République elle-même en a vu d’autres et elle doit le dire.

Si j’exprime ces réserves, c’est aussi que je m’inquiète quelque peu du climat de peur et d’angoisse dans lequel ce débat répété peut nous enfermer. La crainte, la peur sont mauvaises conseillères ; elles encouragent le repli. Elles expliquent sans doute pour une part les réticences de nos concitoyens à l’égard du devoir de générosité que nous avons envers les réfugiés.

Nous devons au contraire tourner la France vers d’autres objectifs que simplement ramasser, remâcher cette menace, sur laquelle elle doit naturellement se montrer sans faiblesse et qu’elle doit frapper également sans faiblesse.

Mais la préoccupation des pouvoirs publics, notre préoccupation, doit être d’exprimer une vision plus ambitieuse, plus forte et tournée vers l’avenir, de ce qu’est la République. Elle n’a pas pour seule mission de sanctionner et de frapper. Elle a d’abord pour mission de rassembler et d’emmener les Français vers l’avenir. La République, c’est un projet avant d’être simplement un maintien de l’ordre, auquel nous sommes, les uns et les autres, parfaitement attachés.

Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. David Rachline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

À la lecture du texte et du rapport du président Bas, il n’apparaît aucune nécessité de constitutionnaliser l’état d’urgence.

Comme vous l’indiquez, monsieur le rapporteur, les récentes décisions du Conseil constitutionnel soulignent que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sont parfaitement compatibles avec notre Constitution. Vous écrivez ainsi que la « constitutionnalisation de ce régime juridique ne s’imposait pas ».

Monsieur le rapporteur, vous justifiez votre approbation de la démarche non par une nécessité juridique, qui pourtant devrait être la seule qui compte lorsque l’on envisage de toucher à la Constitution, texte suprême dans notre droit, mais par un souci d’unité nationale.

Or cette unité nationale est bien artificielle quand on voit la violence des propos d’un certain nombre de ministres, par exemple, à l’égard des millions de Français qui ont voté pour notre mouvement lors des dernières échéances électorales.

En réalité, cette réforme de la Constitution est juste une affaire de communication pour masquer les errements du Gouvernement depuis des mois, et particulièrement durant les neuf mois ayant séparé les deux attaques tragiques qui ont touché notre capitale.

Pour être en sécurité, la France a besoin non pas de se chamailler sur un changement constitutionnel, mais d’une politique ferme, qui passe, je le rappelle une nouvelle fois, par des mesures fortes : contrôles systématiques aux frontières, arrêt de l’accueil des migrants, politique pénale forte, expulsion des délinquants étrangers, réforme du code de la nationalité, etc.

En clair, nous ne cautionnons pas cette nouvelle opération de communication et nous voterons contre cet article.

J’ajoute qu’il n’est pas besoin de réforme constitutionnelle pour expulser les imams salafistes radicaux, ce que vous ne faites pas. Il n’y a pas besoin de réforme constitutionnelle pour fermer les mosquées salafistes, ce que vous ne faites pas non plus, ou si peu – vous en avez fermé deux ou trois.

Bref, vous n’avez pas pris le taureau par les cornes. Vos réactions – particulièrement celle du Gouvernement – ne sont malheureusement pas du tout à la mesure des attaques que nous avons subies. D’ailleurs, l’immigration est toujours très importante dans notre pays. Il n’y a strictement aucun contrôle – je ne fais pas de lien direct –, ce que je déplore.

Bref, vous ne prenez pas les mesures à la hauteur de la situation et je le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous étions nombreux, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, à douter de l’intérêt d’une constitutionnalisation de l’état d’urgence.

Grâce aux travaux menés depuis quelques mois, aux auditions et aux analyses, nous avons acquis la conviction qu’il est nécessaire, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une simple péripétie, d’entourer le recours à l’état d’urgence de garanties inscrites dans la Constitution.

Nous avons, me semble-t-il, travaillé de façon particulièrement efficace, notamment hier soir : proportionnalité des mesures, prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle… Nous avons également su peaufiner, et même ciseler, le contrôle permanent du Parlement quant à l’exécution de l’état d’urgence.

Je crois sincèrement que le travail mené au Sénat depuis quelques heures, aboutissement d’un long travail en amont, nous honore. Il s’agit d’un véritable travail de constituant. Il me semble légitime que le plus grand nombre de sénatrices et de sénateurs possible, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, vote cet article 1er.

Mme Jacqueline Gourault et M. Bruno Retailleau applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J’ai eu l’occasion d’exposer hier, lors de la discussion générale, les raisons de notre opposition à cet article 1er.

Je tiens cependant à rendre hommage au bon travail du président et rapporteur de la commission des lois, ainsi qu’à celui de l’ensemble de nos collègues. Il est vrai que certains des amendements que vous avez proposés, monsieur le rapporteur, tendent à améliorer ce texte, à l’instar d’autres amendements défendus par les sénateurs siégeant sur nos travées.

Cela étant dit, je le répète, nous sommes persuadés que cet article 1er n’est ni nécessaire ni utile et qu’il est même dangereux à maints égards.

Plutôt que de mal traiter notre Constitution, nous aurions mieux fait de dresser un état des lieux de l’arsenal législatif à notre disposition pour, peut-être, constituer un bloc législatif allant, pour une fois, dans le bon sens, c’est-à-dire conciliant le respect de la sécurité avec le respect des libertés, ce qui n’est pas le cas ici.

Le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je reste sur la position personnelle que j’ai exprimée hier. Nous avons voté les excellents amendements de la commission des lois et du président Bas, mais je voterai contre l’article 1er.

Nous sommes une assemblée politique, et il est bon que nous le restions, mais que de postures… Ne soyons pas dupes.

Je me rappelle les propos de notre excellent collègue et ami le président Guillaume, selon lequel il ne peut pas y avoir de réforme constitutionnelle s’il n’y a que l’article 1er. Certains disent qu’il faut supprimer l’article 2. D’autres soutiennent que, s’il n’y a que l’article 1er, celane sert à rien. On ne saurait donc mieux démontrer que cet article 1er ne sert à rien !

Sourires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La question fondamentale n’est pas de savoir si l’état d’urgence doit ou non être appliqué – le Gouvernement prend ses responsabilités, sous le contrôle du Parlement –, mais de savoir s’il doit être constitutionnalisé. Nous, nous considérons, majoritairement et c’est notre approche – que cela ne sert strictement à rien, en dépit de tout ce que l’on a essayé de nous expliquer savamment en matière de droit.

Les symboles, c’est extrêmement intéressant, mais faisons plutôt du droit. Il est évident que la constitutionnalisation n’apporte rien. Et s’il ne restait que l’article 1er, cela servirait encore moins à quelque chose, je ne vous le fais pas dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je souhaiterais formuler trois observations.

La première porte sur l’état d’urgence. Nous avons entendu des critiques de fond sur ce mécanisme. Nous voterons bien évidemment l’article 1er, comme nous y a invité le président Zocchetto. En effet, nous pensons fondamentalement que l’état d’urgence, c’est encore l’état de droit, et qu’il n’y a pas d’opposition entre l’ordre public et les libertés publiques.

La Constitution et la loi ont prévu plusieurs dispositions : l’état de siège ; les pouvoirs exceptionnels de l’article 16. L’état d’urgence, quant à lui, a été défini par la loi de 1955.

Sur le fond, nous n’avons aucun problème à aborder ces questions. Nous l’avons d’ailleurs prouvé à deux reprises. À cet égard, je tiens à rendre hommage au travail rapide et remarquable effectué par le président de la commission des lois du Sénat et par l’ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale lors de la première prorogation de l’état d’urgence, en novembre dernier. Je pense, monsieur Urvoas, que vous vous en souvenez parfaitement. Sur le fond, il n’y a donc pas entre nous la moindre divergence d’appréciation.

Ma deuxième observation concerne le travail effectué par la commission. L’état d’urgence ne se justifie, et c’est une tradition constitutionnelle de notre pays, que s’il est strictement nécessaire, proportionné, provisoire et contrôlé. Et sur l’ensemble de ces questions, comme nous l’avons vu hier, le travail de la commission a été beaucoup plus consensuel que certains ont voulu le faire apparaître. Je voudrais remercier les sénateurs, y compris des sénateurs des groupes de gauche, qui ont apporté leur voix à des amendements importants.

J’en viens à ma troisième observation. De prime abord, nous n’étions pas convaincus de la nécessité de constitutionnaliser l’état d’urgence. Le Conseil constitutionnel avait en effet rappelé que la loi fondamentale de 1958 n’avait pas abrogé la loi de 1955. Il n’y avait donc pas besoin de constitutionnaliser ce dispositif pour le faire fonctionner. Par ailleurs, la Constitution, dans ses articles 42 et 48, mentionne déjà l’état de crise, même si elle ne mentionne pas de l’état d’urgence.

Mais nous considérons que c’est aussi une main tendue, et le respect du pacte de sécurité proposé à Versailles par le Président de la République. Mes propos font écho à ceux qui ont été prononcés hier par le Premier ministre, qui a voulu, en provoquant notre Haute Assemblée avec des mots très durs, indiquer que nous avions fait un pas. L’article 1er en est un exemple : la constitutionnalisation de l’état d’urgence nous laissait perplexes, mais nous allons l’adopter. Je le répète, c’est une main tendue, après avoir entendu les propos du Président de la République et ses engagements devant le Congrès à Versailles.

Applaudissements sur la plupart des travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Luche et Hervé Maurey applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

J’ai déposé hier un amendement de suppression de l’article 1er et expliqué que cette révision constitutionnelle était à mon avis une mauvaise idée. C’est un mauvais coup de changer la Constitution pour une simple manœuvre politicienne, alors que, tout le monde le sait désormais, cela ne sert à rien.

J’ai cosigné voilà quelque temps, avec un certain nombre de mes collègues députés et sénateurs, une tribune dans un journal, où nous affirmions que nous ne voterions pas la révision constitutionnelle. J’aurais donc du mal aujourd'hui à voter en faveur de cet article 1er !

Je ne reprendrai pas les arguments développés tout à l’heure par M. Jacques Mézard, avec lequel je suis totalement d’accord. Ma conclusion diffère toutefois légèrement de la sienne. En effet, il faut bien le reconnaître, les votes intervenus dans le cadre de la discussion que nous avons eue hier soir et ce matin, ainsi que les efforts de la commission des lois et de son rapporteur ont amélioré la version issue de l’Assemblée nationale, en introduisant un certain nombre de garanties. Plusieurs de mes amendements ont même été repris, notamment s’agissant de la consultation des présidents des assemblées pour ce qui concerne les lois organiques. Le travail du Sénat a donc été tout à fait considérable.

Par conséquent, si je ne peux pas voter pour cet article, je ne peux pas non plus voter contre, ce qui reviendrait à dire que je préfère le texte de l’Assemblée nationale à celui du Sénat. Or, dans le cadre des navettes qui auront lieu, je ne veux pas affaiblir la position du Sénat. Je m’abstiendrai donc sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J’interviendrai très brièvement. Notre groupe a de nombreuses raisons de voter en faveur de cet article 1er. En effet, nous étions tous convaincus que le fait d’insérer l’état d’urgence dans la Constitution, en le réglementant, c'est-à-dire en lui fixant des bornes, constituait un progrès de l’État de droit et qu’il était cohérent de conforter le pouvoir de la République de se défendre, mais en instaurant le maximum de sécurité s’agissant de la défense des droits individuels. De ce point de vue, l’objectif est atteint.

Le débat, d’autres orateurs l’ont dit, a permis aux uns et aux autres de voir des points de vue se rapprocher et le Gouvernement, là comme ailleurs, a adopté une attitude de dialogue et de recherche de rapprochement. Je ne crois pas, à la différence du président Retailleau, que cette attitude se limite à l’article 1er. Le Gouvernement, et le Premier ministre l’a expliqué avec beaucoup de clarté, cherche une solution qui rassemble des majorités dans les deux chambres du Parlement, donc en tenant compte des apports des uns et des autres.

C’est une bonne étape d’avoir franchi de façon constructive cette discussion sur l’article 1er. Il me semble que l’essentiel de ce qu’ont été les apports du Sénat, même si certains sont un peu formalistes et redisent des choses qui étaient déjà dans le texte – il n’est jamais souhaitable de trop alourdir un texte constitutionnel – recueillera un accord de l’Assemblée nationale.

Nous voterons donc collectivement, sans difficulté, cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je partage entièrement ce que vient de dire Alain Richard. Si j’interviens, c’est parce que nous ne pouvons pas, mes chers collègues, laisser sans réponse les propos qui ont été tenus il y a quelques instants par notre collègue Jean Louis Masson.

Monsieur Masson, vous vous appuyez sur l’arrestation, hier, d’un criminel binational pour conclure à une prédisposition des binationaux au terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous êtes un scientifique, monsieur Masson, et je m’étonne que vous puissiez tenir un tel langage ! Il est impossible de ne pas réagir à de tels propos. En effet, ce raisonnement, que l’on entend trop souvent, consiste à dire que tous les binationaux doivent être suspectés, dans la mesure où une personne binationale se révèle coupable. Hélas, il y a des criminels binationaux et il y a des criminels nationaux !

Une telle extrapolation est totalement inacceptable. Je pense aux cinq millions de nos compatriotes binationaux. Il est odieux de faire un amalgame de ce type, je tenais à le dire.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi et M. Christian Favier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Que les choses soient claires !

Monsieur Karoutchi, je ne mets absolument pas en doute la nécessité d’avoir des outils pour faire face aux difficultés de l’existence politique de la vie d’une nation.

Simplement, je ne voterai pas cet article parce que j’estime qu’il ne nous donne pas d’outils supplémentaires. D’ailleurs, nombre de nos collègues vont le voter en se demandant à quoi cela sert. Si ces dispositions servent à quelque chose, ce n’est pas forcément ce pour quoi elles sont faites.

Par ailleurs, monsieur Jean Louis Masson, je veux vous rappeler que l’efficacité, en démocratie, demande un certain nombre de précautions que d’autres régimes, qui peuvent paraître, sur ce plan, beaucoup plus efficaces, n’ont pas à prendre.

Enfin, monsieur Retailleau, il n’y aurait pas, selon vous, d’opposition entre état d’urgence et libertés individuelles. Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Entre ordre public et libertés individuelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L’état d’urgence est une réduction des libertés qui se justifie par les circonstances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il faut l’ordre public pour garantir les libertés individuelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout à fait ! Sauf que les libertés sont réduites par l’état d’urgence. Autrement, il n’y aurait pas besoin d’un état d’urgence. Constitutionnaliser l’état d’urgence – il ne s’agira donc pas d’une réaction à une situation précise et assignable, comme c’est le cas, notamment, dans le cadre de l’article 16 –, c’est rendre pérenne ce qui doit rester exceptionnel. C’est la deuxième raison pour laquelle je ne voterai pas cet article 1er, tout en reconnaissant que le texte a été amélioré, à la suite du travail réalisé par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mon groupe, dans sa majorité, a demandé la suppression de cet article. Nous reconnaissons les améliorations qui y ont été apportées, grâce aux travaux menés par la commission et son rapporteur, M. Bas, que je salue.

Nous ne sommes pas convaincus par la constitutionnalisation opérée à l’article 1er. En effet, nous y voyons plutôt des inconvénients, surtout une éventuelle pérennisation de l’état d’urgence, qui peut s’avérer, à la longue, dangereux.

Et je n’évoque pas la posture politique que représente cette constitutionnalisation ! Il serait inopportun d’y participer, surtout dans la mesure où cette mesure, qui ne sera pas votée à l’identique dans les deux chambres, risque avant l’été d’être renvoyée aux calendes grecques.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :

Nombre de votants346Nombre de suffrages exprimés339Pour l’adoption301Contre 38Le Sénat a adopté.

MM. Gérard Longuet et Francis Delattre applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 62, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 16 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À travers cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’article 16, une innovation de la Constitution de 1958, mise en œuvre une seule fois, à l’occasion du putsch des généraux du 21 avril 1961. Il représente une véritable épée de Damoclès au-dessus de notre démocratie.

En effet, l’article 16 confère les « pouvoirs exceptionnels » au Président de la République. S’il avait une résonance historique en 1958, seulement dix-huit ans après la débâcle, en 1940, du pouvoir politique, il apparaît aujourd'hui pour ce qu’il est, à savoir un moyen dangereux de permettre à un homme seul ou une femme seule de capter les pleins pouvoirs, au prétexte de tel ou tel événement.

Les conditions non cumulatives fixées par la Constitution sont en effet très larges : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances […]. »

C’est seulement au bout de trente jours qu’un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre de l’article 16 peut être engagé. Trente jours de suspension de la vie démocratique, cela peut être très long ! Le Président de la République accapare durant cette période le pouvoir législatif.

L’article 16 constitue donc le symbole de la toute-puissance du chef de l’état dans notre pays. Longtemps, la gauche, toute la gauche, s’y est opposée. À sa tête se trouvait François Mitterrand, avec son livre Le Coup d’état permanent, que les partisans actuels de la présidentialisation du régime, qu’ils soient à l’Élysée, à Matignon ou dans cet hémicycle, devraient relire avec un certain intérêt.

Évoquer l’article 16 dans le cadre de ce débat n’est pas inopportun. Il ne s’agit pas d’un « cavalier constitutionnel », pour peu qu’une telle notion existe. Alors qu’on propose de renforcer le pouvoir exécutif en introduisant l’état d’urgence dans la Constitution, il serait souhaitable de retirer cet article 16, d’un autre âge, dangereux pour la démocratie, qui pourrait à l’avenir être lourd de dangers pour la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je n’opposerai pas la notion de cavalier à un tel amendement, car il est naturel, s’agissant d’une révision constitutionnelle, d’aborder toute question relevant, aux yeux de nos collègues, de la Constitution. S’agissant de l’article 16 de la Constitution, nous sommes sur un sujet à l’évidence connexe à celui que nous traitons, à savoir l’état d’urgence.

Pour autant, la commission et moi-même ne sommes pas favorables à cet amendement, pour des raisons qui ne sont pas de forme.

L’article 16, c’est la clause de survie de la République, qui s’en remet au chef de l’État, face à des menaces, ultimes et de très haut niveau, parfaitement caractérisées par les dispositions en question.

Naturellement, le recours à l’article 16 doit être scrupuleusement pesé et rester parfaitement exceptionnel, au point d’ailleurs qu’il est souhaitable de ne jamais avoir à l’utiliser. §Mais pourquoi la République se priverait-elle de ce moyen de se défendre, si elle était attaquée dans des conditions qui ne laisseraient pas d’autre recours que l’appel au chef de l’État pour rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, l’intégrité du territoire ou l’indépendance de la Nation ?

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Depuis Rome, la chose est entendue : lorsque les circonstances deviennent exceptionnelles, le droit devient dérogatoire.

À Rome, un sénatus-consulte assez sobre disposait d’ailleurs que, lorsque la République était menacée, les consuls devaient la protéger. C’est le sens de l’article 16 de la Constitution.

Long débat !… René Capitant, cet éminent juriste qui fut garde des sceaux, disait de l’article 16 que « c’est la constitutionnalisation de l’appel du 18 juin 1940 » : à circonstances exceptionnelles, réaction exceptionnelle.

L’article 16 a servi cinq mois sous la Ve République.

Nous en mesurons évidemment la sensibilité. La révision constitutionnelle de 2008 a d’ailleurs amélioré la protection des libertés lorsque s’exercent les pouvoirs exceptionnels de l’article 16 : dorénavant, après trente jours d’exercice de ces pouvoirs exceptionnels, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier si les conditions de sa mise en œuvre sont toujours réunies. Au terme de soixante jours d’exercice de ces pouvoirs, le Conseil constitutionnel peut se saisir lui-même de plein droit pour procéder à cet examen de la constitutionnalité des éléments générateurs.

L’article 16 est dans la Constitution, il fut utile : le Gouvernement n’est pas favorable à sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je ne peux pas entendre l’argumentaire développé par nos amis communistes sans y retrouver quelque écho du discours tenu par la gauche, à une certaine époque, sur ce que représente l’article 16.

Un président de la République, que j’ai eu l’honneur de servir, parlait de « coup d’État permanent ». Mais c’était avant qu’il ne devienne président, et n’ait à exercer les responsabilités afférentes à cette fonction. §Néanmoins, pour un socialiste et pour un homme de gauche, l’idée de confier les pleins pouvoirs – car c’est ça, l’article 16 ! – à une personnalité, fût-elle élue au suffrage universel, ne peut pas ne pas poser problème.

On peut bien entendu faire confiance à sa sagesse, mais n’est pas Cincinnatus qui veut : les Romains auxquels faisait allusion Jean-Jacques Urvoas exerçaient le pouvoir pour le quitter aussitôt !

Nos présidents peinent au contraire à retourner à leur charrue : lorsqu’ils perdent le pouvoir, ils aspirent à y revenir le plus vite possible, si j’en juge par l’actualité politique à laquelle nous sommes confrontés.

Sourires et applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je m’abstiendrai donc sur l’amendement n° 62, par respect du sens de l’État auquel le Gouvernement souhaite rester attaché, mais en même temps par fidélité à un temps où notre culture politique était plus exigeante, en matière démocratique, qu’elle ne l’est devenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je voterai contre cet amendement de suppression de l’article 16, ce qui ne vous surprendra pas, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je voudrais profiter de cette intervention pour répondre à la mise en cause de notre collègue Jean-Pierre Sueur.

Il m’a accusé de faire des calculs « mathématiques » et d’en conclure que les hypothétiques 5 millions de binationaux seraient tous des terroristes. Je n’ai jamais dit ça !

J’ai au moins autant de compétences en mathématiques que M. Sueur ; et lorsqu’on a fait un peu de mathématiques, on ne se vante pas, comme lui, de faire des « statistiques », ou plutôt des raccourcis, comme il les fait.

Je voudrais vous lire ce que j’ai dit l’autre jour au sujet du communautarisme musulman

Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Voilà ce que je disais alors : « Il est affligeant que, sous l’influence de la pensée unique, on refuse de regarder la vérité en face. Ainsi, les médias, les grands partis politiques et les soi-disant intellectuels bien-pensants prétendent qu’il ne faut pas faire d’amalgame » – ce dont M. Sueur m’a accusé – « et qu’il ne faut surtout pas parler des racines de ce terrorisme.

« Cela n’a pas de sens, car personne ne pense un seul instant que tous les musulmans sont des terroristes » – et je ne pense pas non plus que tous les binationaux sont des terroristes ! – « ou que toutes les personnes issues de l’immigration sont dangereuses.

« En revanche, il faut avoir le courage de dire que les récents attentats terroristes ont été absolument tous commis par des musulmans extrémistes, lesquels étaient quasiment tous issus de l’immigration. » C’est la vérité ! La vérité mathématique !

« Il faut aussi cesser de travestir la vérité en prétendant que ces actes terroristes ne seraient le fait que de quelques illuminés. En effet, partout dans le monde, des pays sont mis à feu et à sang au nom de l’extrémisme musulman », et au nom de Mahomet !

« Ce ne sont donc pas des cas isolés, comme le prouvent aussi bien les attentats du 11 septembre aux États-Unis que ce qui se passe aujourd’hui au Mali, en République centrafricaine, au Tchad, au Cameroun […].

« En France aussi, rappelez-vous les attentats contre Charlie Hebdo : au cours de la semaine qui a suivi, des milliers […] de collégiens ou de lycéens issus des quartiers »

Mme Éliane Assassi proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

« C’est bien la preuve qu’il s’agit d’un problème beaucoup plus profond que de simples actes isolés. »

Et si, à l’exemple de M. Sueur

MM. Daniel Raoul et Bernard Lalande ainsi que Mmes Bariza Khiari et Esther Benbassa frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Masson, si vous voulez l’ordre, commencez par appliquer le règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il faut rappeler que, si l’article 16 a été introduit dans la Constitution, c’est parce que le général de Gaulle, ayant vécu la débâcle de 1940, avait retenu la leçon de l’histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les dispositions de l’article 16 sont très précises : l’indépendance de la Nation menacée, le fonctionnement régulier des institutions interrompu, ce ne sont pas des dangers communs, ou de simples calamités !

Aussi, je considère que cet article peut tout à fait demeurer dans notre Constitution. Seul petit problème : l’article 16 a été conçu pour de grands hommes, des hommes d’État. En existe-t-il encore ? Je n’en suis pas certain…

Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

À cette réserve près, je crois qu’il faut conserver l’article 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le débat sur l’article 16 n’est pas récent. Lors de la préparation de la révision constitutionnelle de 2008, le Président Sarkozy avait demandé s’il serait possible de trouver une majorité pour supprimer l’article 16 – il souhaitait d’ailleurs que nous remettions également en cause les dispositions constitutionnelles relatives à l’état de siège.

Nous nous étions alors rendu compte qu’une telle suppression serait extrêmement complexe à mettre en œuvre, et poserait de très sérieux problèmes. Le Président de la République y avait donc renoncé.

Certes, depuis 1958, ces dispositions n’ont quasiment jamais été appliquées – quelques mois pendant la guerre d’Algérie, mais jamais depuis. Même en 1968, période troublée s’il en fut, certains imaginaient le pouvoir vacant – ce qu’il n’était pas – et le revendiquèrent ; ni l’article 16 ni l’état de siège ne furent pourtant mis en œuvre.

Je reviens, à ce propos, à l’échange que nous avons eu tout à l’heure avec M. Collombat : le fait qu’un dispositif ne soit pas utilisé ne le rend pas inutile ! Il y va au contraire, précisément, de la capacité pour la République, pour un État démocratique, de se doter des armes nécessaires pour faire face à une agression réelle ou à une difficulté impérieuse : même si elles ne servent pas, nous savons que nous pouvons en avoir l’usage !

Je reconnais volontiers, madame la présidente Assassi, que je m’étais opposé, à l’époque, à l’abrogation de l’article 16. La démocratie, en effet, est fragile : l’agression qu’elle subit peut être brutale. Lorsque la crise est là, il est trop tard pour s’apercevoir que les dispositifs manquent pour y faire face, et plus encore pour les voter !

Mme Éliane Assassi en doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On me rétorquera peut-être : quid d’un régime non démocratique ? Mais si un régime n’est pas démocratique, ce n’est plus la Constitution de la Ve République !

Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l'amendement n° 62.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :

Le Sénat n'a pas adopté.

À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42 et au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après le mot : « crise », sont insérés les mots : « prévus aux articles 36 et 36-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, nous allons gagner du temps : mon amendement, qui visait à supprimer l’article 1er bis, était un amendement de coordination avec mon amendement de suppression de l’article 1er. Je pense d’ailleurs que l’article 1er bis serait tombé de lui-même si nous n’avions pas voté l’article 1er.

Dès lors que nous insérons un article 36-1 dans la Constitution, l’amendement n° 29 rectifié bis n’a plus lieu d’être : je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

L’article 1er bis présente un intérêt tout à fait marginal. Il se comprenait de lui-même. Cependant, à force d’ajouter des modifications à des modifications, nous allons finir par créer des moutons à neuf pattes dans la Constitution !

Il conviendrait, selon moi, de nous centrer, d’une part, sur l’état d’urgence et de lui consacrer spécifiquement un article – l’article 1er – et, d’autre part, de prévoir un deuxième article relatif à la déchéance de nationalité, y compris bien entendu la déchéance de nationalité des binationaux, à laquelle je suis très attachée – je le redis pour mes collègues de gauche qui se plaignaient tout à l’heure…

Il est très important de se concentrer sur cet aspect de la question. Je m’abstiendrai donc sur l’article 1er bis et j’attendrai les débats sur l’article suivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Ma démarche est identique à celle de M. Malhuret. Dans la mesure où l’article 1er n’a pas été supprimé, l’amendement n° 47 que j’ai déposé à l’article 1er bis n’a plus lieu d’être : je le retire également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 29 rectifié bis est présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam, M. Barbier et Mme Goy-Chavent.

L'amendement n° 47 est présenté par Mme Joissains.

L'amendement n° 54 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Monsieur Favier, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Cet amendement n’ayant plus de sens, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 17 est retiré.

Les amendements n° 29 rectifié bis et 47 ont été précédemment retirés.

Madame Benbassa, l'amendement n° 54 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 54 rectifié est retiré.

L'amendement n° 13, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 42 de la Constitution, les mots : « relatifs aux états de crise », sont remplacés par les mots : « et propositions de loi relatifs aux états de crise prévus aux articles 36 et 36–1 ».

II. – Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après le mot : « crise », sont insérés les mots : « prévus aux articles 36 et 36–1 ».

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il s’agit d’un amendement de coordination, en cohérence avec le vote intervenu à l’article 1er.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n° 55 rectifié et 63 sont identiques.

L'amendement n° 55 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

L'amendement n° 63 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution est complété par les mots : «, ou lors de la mise en œuvre des articles 16, 36 ou 36-1 ».

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution prévoit actuellement qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

Cet amendement vise, de manière cohérente, à préciser qu’une révision constitutionnelle est impossible en cas d’application de l’article 16, de l’état de siège ou de l’état d’urgence.

Les circonstances qui mènent à ces états d’exceptions, qui doivent rester exceptionnels et brefs, ne peuvent être l’occasion de remettre en cause la représentation nationale ni de modifier la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l'amendement n° 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement cet amendement et le suivant. Ces deux amendements visent, comme celui de notre collègue Esther Benbassa, à préciser qu’une révision de notre Constitution est impossible en cas d’application de l’article 16, de l’état de siège ou de l’état d’urgence, situations dans lesquelles il peut être porté atteinte à l’intégrité du territoire.

En effet, sous un régime exceptionnel, imposé sous la pression sécuritaire, la Constitution devrait demeurer « intouchable ». Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution prévoit d’ailleurs qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

Or je rappelle que l’état d’urgence a été déclaré en raison des attentats et que l’article 412-1 du code pénal prévoit que « constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ».

Un attentat se caractérise donc par une atteinte à l’intégrité du territoire national. Or une telle atteinte constitue un motif d’impossibilité d’engager ou de poursuivre une révision constitutionnelle. Il y a là une question à se poser. Elle se double de la possibilité donnée ou non au Conseil constitutionnel, qui s’en est dégagé à deux reprises – pour la dernière fois en 2003 –, de contrôler le principe de la révision.

La question est d’importance et a donné lieu à bon nombre de réflexions sérieuses, notamment à celle de Guy Carcassonne. Dans l’un de ses textes, il expliquait que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, interrompu par une crise d’une gravité telle que députés et sénateurs soient dans l’impossibilité de se rendre à Paris, pouvait donc se conjuguer au vote d’une révision constitutionnelle menée dans des conditions très brutales, et qu’aucun moyen ne permettrait de contrôler.

Monsieur le ministre, vous nous rétorquerez sans doute qu’il faut en « rester au cadre tel qu’il est défini » et ne pas ouvrir trop de problématiques avec ce projet de loi constitutionnelle. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler, au nom du groupe CRC, que la constitutionnalisation de l’état d’urgence n’est pas anodine : il s’agit d’un tournant crucial pour notre pays. Toutes les questions doivent donc être posées.

En l’occurrence, l’état d’urgence étant un état d’exception, il apparaît justifié et conforme aux principes démocratiques d’écarter toute révision de la Constitution durant cette période, qui place le pouvoir exécutif en position de force.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Pendant l’état d’urgence, la démocratie continue de fonctionner. La preuve : les élections régionales se sont tenues tout à fait normalement, nous n’avons cessé de légiférer, le Gouvernement peut engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale, l’Assemblée nationale peut être dissoute et le Parlement peut réviser la Constitution. C’est d’ailleurs ce que nous sommes en train de faire. Or nous ne le faisons pas sous la menace !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous le faisons parce que nous participons au pouvoir constituant souverain !

Il faut être très attentif. Étendre les situations dans lesquelles nous n’aurions plus le droit d’exercer notre pouvoir souverain, notamment celui de réviser la Constitution, serait une mesure privative des droits fondamentaux de la représentation nationale.

Il est certes légitime que le général de Gaulle et le pouvoir constituant en 1958 aient interdit toute révision de la Constitution en cas d’atteinte à l’intégrité du territoire. Qui envisagerait, sous le coup d’une occupation étrangère, de réviser sa constitution pour créer une dictature ? Mais dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui, nous devons veiller à ne pas hypothéquer par avance notre droit souverain de réviser la Constitution.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Les arguments du Gouvernement ne sont pas différents de ceux de la commission.

Durant les situations exceptionnelles, comme celles que nous vivons, la vie parlementaire fonctionne. C’est la preuve qu’il est parfaitement possible de réviser la Constitution. Avis défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution est complété par les mots : « ni pendant la durée de l’état d’urgence ».

Cet amendement a été précédemment défendu, et la commission comme le Gouvernement ont donné leur avis.

Je le mets aux voix.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.