À travers cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’article 16, une innovation de la Constitution de 1958, mise en œuvre une seule fois, à l’occasion du putsch des généraux du 21 avril 1961. Il représente une véritable épée de Damoclès au-dessus de notre démocratie.
En effet, l’article 16 confère les « pouvoirs exceptionnels » au Président de la République. S’il avait une résonance historique en 1958, seulement dix-huit ans après la débâcle, en 1940, du pouvoir politique, il apparaît aujourd'hui pour ce qu’il est, à savoir un moyen dangereux de permettre à un homme seul ou une femme seule de capter les pleins pouvoirs, au prétexte de tel ou tel événement.
Les conditions non cumulatives fixées par la Constitution sont en effet très larges : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances […]. »
C’est seulement au bout de trente jours qu’un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre de l’article 16 peut être engagé. Trente jours de suspension de la vie démocratique, cela peut être très long ! Le Président de la République accapare durant cette période le pouvoir législatif.
L’article 16 constitue donc le symbole de la toute-puissance du chef de l’état dans notre pays. Longtemps, la gauche, toute la gauche, s’y est opposée. À sa tête se trouvait François Mitterrand, avec son livre Le Coup d’état permanent, que les partisans actuels de la présidentialisation du régime, qu’ils soient à l’Élysée, à Matignon ou dans cet hémicycle, devraient relire avec un certain intérêt.
Évoquer l’article 16 dans le cadre de ce débat n’est pas inopportun. Il ne s’agit pas d’un « cavalier constitutionnel », pour peu qu’une telle notion existe. Alors qu’on propose de renforcer le pouvoir exécutif en introduisant l’état d’urgence dans la Constitution, il serait souhaitable de retirer cet article 16, d’un autre âge, dangereux pour la démocratie, qui pourrait à l’avenir être lourd de dangers pour la cohésion sociale.