Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement cet amendement et le suivant. Ces deux amendements visent, comme celui de notre collègue Esther Benbassa, à préciser qu’une révision de notre Constitution est impossible en cas d’application de l’article 16, de l’état de siège ou de l’état d’urgence, situations dans lesquelles il peut être porté atteinte à l’intégrité du territoire.
En effet, sous un régime exceptionnel, imposé sous la pression sécuritaire, la Constitution devrait demeurer « intouchable ». Le quatrième alinéa de l’article 89 de la Constitution prévoit d’ailleurs qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Or je rappelle que l’état d’urgence a été déclaré en raison des attentats et que l’article 412-1 du code pénal prévoit que « constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ».
Un attentat se caractérise donc par une atteinte à l’intégrité du territoire national. Or une telle atteinte constitue un motif d’impossibilité d’engager ou de poursuivre une révision constitutionnelle. Il y a là une question à se poser. Elle se double de la possibilité donnée ou non au Conseil constitutionnel, qui s’en est dégagé à deux reprises – pour la dernière fois en 2003 –, de contrôler le principe de la révision.
La question est d’importance et a donné lieu à bon nombre de réflexions sérieuses, notamment à celle de Guy Carcassonne. Dans l’un de ses textes, il expliquait que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, interrompu par une crise d’une gravité telle que députés et sénateurs soient dans l’impossibilité de se rendre à Paris, pouvait donc se conjuguer au vote d’une révision constitutionnelle menée dans des conditions très brutales, et qu’aucun moyen ne permettrait de contrôler.
Monsieur le ministre, vous nous rétorquerez sans doute qu’il faut en « rester au cadre tel qu’il est défini » et ne pas ouvrir trop de problématiques avec ce projet de loi constitutionnelle. Permettez-moi néanmoins de vous rappeler, au nom du groupe CRC, que la constitutionnalisation de l’état d’urgence n’est pas anodine : il s’agit d’un tournant crucial pour notre pays. Toutes les questions doivent donc être posées.
En l’occurrence, l’état d’urgence étant un état d’exception, il apparaît justifié et conforme aux principes démocratiques d’écarter toute révision de la Constitution durant cette période, qui place le pouvoir exécutif en position de force.