Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 16 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Article 41

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Monsieur le ministre, l'article 41 n'apporte que des réponses très partielles à la question du droit à l'exercice de la médecine par les 6 000 praticiens étrangers actuellement en activité dans les hôpitaux français : ils exercent, mais ils n'ont pas le droit de le faire...

Sans eux, bien des hôpitaux de proximité fermeraient. Sans eux, à peu près aucun service d'urgence ne fonctionnerait. Sans eux, les Français seraient souvent privés de soins aujourd'hui et, sans eux, surtout, ils auront de plus en plus de mal à être soignés dans un proche avenir.

Je rappelle que, d'après les statistiques publiées par votre ministère, l'hypothèse admise est que le nombre de médecins en activité en France sera passé de 205 200 en 2002 à 186 000 en 2025 ; il ne restera plus que 283 médecins pour 100 000 habitants en 2025, à comparer aux 335 médecins pour 100 000 de 2002.

Pourquoi s'obstiner dans la discrimination à l'encontre de médecins à doctorat étranger, dont le diplôme est reconnu pour donner des soins, pour assumer la responsabilité réelle d'un service et pour former des jeunes médecins, mais pas pour obtenir le droit d'exercer ni pour être convenablement rémunéré ? Est-ce l'intérêt de la population française ? Est-ce juste envers ces 6 000 médecins ?

À notre avis, ce blocage est destiné à ne pas aggraver davantage le déficit des hôpitaux, objectif qui, semble-t-il, suppose pour le Gouvernement de maintenir 6 000 praticiens à doctorat ou à diplôme étranger dans la précarité statutaire et la sous-rémunération.

Je citerai un exemple parmi d'autres, mais qui me touche particulièrement parce que je représente les Français de l'étranger.

« Citoyen français né à l'étranger, titulaire d'un doctorat en médecine algérien et diplômé en santé publique, j'ai exercé pendant six ans en Algérie en tant que clinicien et chef d'un service d'épidémiologie », m'écrit un correspondant. « J'exerce depuis 1994 en France, où je dirige un département de santé publique et coordonne plusieurs projets de santé. J'ai également des activités d'enseignement hospitalo-universitaire dans une faculté, mais je n'ai pas le droit d'exercer la médecine en France. »

Invraisemblable situation !

Que proposez-vous, monsieur le ministre, à ce médecin et à ses milliers de confrères qui, très généralement, sont des citoyens français ?

Vous nous présentez un texte qui est très en retrait sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne, laquelle, dans un arrêt du 14 septembre 2002, a statué qu'« un ressortissant communautaire dont le diplôme a été acquis hors de l'Union européenne a le droit de faire valoir ses titres et ses expériences acquis tout au long de sa carrière afin de se voir reconnaître l'exercice plein et entier de la médecine ».

C'est cette reconnaissance des acquis de l'expérience qui fait le plus défaut dans ce projet de loi.

Mais celui-ci est également très en retrait par rapport aux solutions adoptées le 28 avril 2004 par le Conseil national de l'ordre des médecins.

Enfin, il est très insuffisant au regard de l'avis formulé par la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dans sa délibération n° 2005-56 du 27 février 2005, avis repris et précisé dans sa délibération du 6 novembre 2006.

Les deux reproches que formule la HALDE sur l'article 41 sont les suivants : « il ne permet pas de prendre suffisamment en compte l'expérience des praticiens acquise en France » - c'est donc le même grief que celui que l'on peut formuler en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne - et « il ne permet pas de palier les carences de la procédure discrétionnaire soumise à une décision non motivée ».

La HALDE, qui aurait dû être consultée pour avis sur ce texte, ne l'a pas été. Elle avait jugé, dès le 27 février 2005, que le dispositif faisant participer les praticiens hospitaliers diplômés hors de l'Union européenne à l'exercice de la médecine sans possibilité de l'exercer pleinement « constituait une discrimination fondée sur l'origine, prohibée dans la fonction publique et dans l'accès aux professions libérales ».

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