Intervention de Philippe Bas

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Demande de priorité, amendement 14

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

L’appartenance à la nation française, quelle que soit la source de la nationalité française que l’on détient, transforme, comme le disait Bruno Retailleau, l’individu en citoyen. Cette citoyenneté, évidemment indissociable de la nationalité française, n’est pas comme toutes les autres. C’est la raison pour laquelle notre tradition républicaine reconnaît la trahison, l’enrôlement dans une armée étrangère ou encore la commission d’un crime particulièrement grave, en particulier d’un crime terroriste, comme des motifs légitimes pour ôter à un Français sa nationalité.

Il existe un large accord, tant au sein de cette assemblée qu’entre le Sénat et l’Assemblée nationale, sur un certain nombre de points. Comme l’a souhaité le Président de la République, relayé par le Gouvernement, nous considérons tous qu’il est anormal de distinguer, comme le fait actuellement le code civil, entre les Français par acquisition et les Français de naissance pour l’application de la sanction de déchéance de la nationalité française. Le législateur doit pouvoir unifier le traitement appliqué à tous les Français, quelle que soit l’origine de leur nationalité.

Il existe également un large accord sur le fait que l’inscription de ce principe dans la Constitution est un élément fondamental pour définir ce qu’est être français. Ce n’est sans doute pas une obligation juridique – chacun veut bien le reconnaître, même s’il y a eu débat sur cette question –, mais il appartient au pouvoir constituant de décider souverainement de ce qui relève ou non du pacte républicain. Or qu’est-ce qui peut davantage relever du pacte républicain que la définition de la nationalité française et, par conséquent, les conditions de son retrait ou de sa déchéance ?

Incontestablement, la question de la déchéance de nationalité n’est pas indigne de figurer dans la Constitution, bien au contraire. C’est sans doute une nécessité politique majeure, car il s’agit, par cet acte du pouvoir constituant, d’engager profondément notre conception de la Nation ; or je sais que cette conception nous est commune.

Nous sommes même d’accord sur un autre point essentiel : la France – c’est son honneur – ne saurait créer d’apatrides, quelle que soit la gravité des crimes que nous devons reprocher aux individus concernés. Certes, la République affronte les épreuves des temps présents, forte de son histoire et forte d’avoir surmonté d’autres épreuves, mais elle ne peut déroger à cette exigence fondamentale. Vous ne voulez pas le faire, monsieur le Premier ministre, pas plus que le Président de la République. L’Assemblée nationale le veut-elle ? Je ne le crois pas. Vous avez dit vous-même aux députés que le texte d’application de la révision constitutionnelle ne permettrait pas de créer des apatrides. Vous vouliez d’ailleurs – à juste raison – écrire dans la Constitution l’impossibilité de l’apatridie. Les garanties fondamentales applicables aux citoyens français doivent être inscrites non pas dans des textes secondaires ou subordonnés à la Constitution, mais dans la Constitution elle-même.

Cela étant, vous avez plié devant les difficultés rencontrées avec votre majorité – et elle seule – à l’Assemblée nationale sur ce point. Vous n’assumez plus aujourd’hui aussi nettement que vous le faisiez hier le refus de créer des apatrides. C’est une raison supplémentaire, mes chers collègues, d’inscrire dans la Constitution l’impossibilité de créer des apatrides ; si nous ne le faisions pas, nous n’aurions nulle assurance que celle-ci serait inscrite dans la loi, et le texte fondamental, c’est bien la Constitution.

Voilà pourquoi la commission des lois, qui a pris le temps de conduire un débat très approfondi, a adopté l’amendement n° 14, que j’ai l’honneur de vous présenter.

Cet amendement vise à garantir contre l’apatridie, à étendre aux Français de naissance la possibilité de la déchéance de nationalité, laquelle est actuellement réservée aux Français qui ont acquis la nationalité française au cours de leur vie. Il tend également à ce que la déchéance ne puisse être prononcée qu’après condamnation définitive, et non pendant que des voies de recours peuvent encore être utilisées. Il a enfin pour objet de préciser que la déchéance de nationalité se décide par décret en conseil des ministres – c’est le cas actuellement – sur avis conforme du Conseil d’État. C’est une garantie importante. C’est le Gouvernement qui, par décret, peut naturaliser un étranger. Le parallélisme des formes impose que ce soit aussi un décret, pris après avis conforme du Conseil d’État, qui permette la déchéance de nationalité.

Tel est le sens de l’amendement que la commission des lois propose.

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