Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour la deuxième lecture de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, après que l’Assemblée nationale a rejeté, le mois dernier, le texte que nous avions voté en première lecture. Je regrette profondément ce rejet, d’autant qu’il est intervenu à l’issue d’une motion de procédure, qui a empêché le débat article par article de nos propositions, nous refusant l’opportunité d’une navette constructive.
Nous devons avancer de manière plus consensuelle, car notre agriculture et nos entreprises agroalimentaires méritent que nous trouvions, ensemble, les moyens de sortir de l’ornière. Notre pays, la France, en a besoin ! Il nous faut d’ores et déjà préparer la future politique agricole commune et l’orienter vers une voie plus régulatrice. Or nous savons qu’en la matière nous sommes isolés en Europe. Comment espérer convaincre nos partenaires si nous sommes nous-mêmes divisés ?
C’est précisément avec le souci d’écouter toutes les propositions, d’intégrer toutes les bonnes idées, quelle que soit leur origine, que j’avais fait évoluer le texte en première lecture, en proposant ou en acceptant plusieurs mesures, parmi lesquelles l’incessibilité des contrats laitiers, à l’article 1er bis. Je proposerai d’ailleurs un amendement qui, sans remettre en cause le principe de l’incessibilité à titre onéreux, tend à permettre aux organisations de producteurs d’organiser des transferts volontaires entre leurs adhérents, donc d’effectuer une gestion collective des volumes.
Autre mesure, qui fait l’objet des articles 2 bis et 2 ter : l’obligation de rendre publique la liste des opérateurs qui refusent de jouer le jeu de la transparence des prix et des marges.
La proposition de loi encourage également le développement d’une nouvelle dynamique en faveur de l’investissement agricole, à travers l’ouverture de prêts de carrière pour les jeunes agriculteurs – il s’agit de l’article 5 bis –, l’amélioration des mécanismes de la déduction pour aléas, ou DPA, ou encore l’extension du dispositif de suramortissement Macron aux coopératives et aux bâtiments d’élevage.
Ce texte promeut en outre le renforcement de la solidité des exploitations, par l’obligation d’assurance des nouveaux installés. On ne peut pas imaginer d’aide à l’installation sans protection contre les conséquences économiques des risques climatiques.
La présente proposition de loi prévoit aussi un effort supplémentaire en matière de réduction des charges, par la mise en place d’une exonération partielle des cotisations sociales pour les exploitants agricoles ou d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les premiers hectares de surface agricole utilisable.
Nous avons voulu faire preuve d’imagination, mais surtout d’efficacité. En définitive, nos débats n’auront d’ailleurs pas été vains, pour au moins trois raisons.
Premièrement, la proposition de loi a permis de mettre en lumière – je remercie M. le ministre de le reconnaître – l’urgence qu’il y a à agir, en particulier pour soutenir les filières de l’élevage. L’année 2015 a été très difficile : le service statistique du ministère de l’agriculture vient de publier une étude montrant que les cours du porc ont baissé de 7 % par rapport à 2014, pour atteindre un niveau très inférieur à la moyenne des années 2010 à 2014. Les perspectives ne sont pas bonnes, ni à l’export, avec le ralentissement des marchés asiatiques, ni en France, où la consommation baisse.
Concernant le secteur laitier, le dossier annuel de l’Institut de l’élevage, sorti le mois dernier, met en avant, pour 2015, les baisses de prix, et annonce, pour 2016, des « désordres des marchés ».
Dans le secteur de la viande bovine, les menaces inhérentes à une ouverture excessive des marchés dans le cadre d’accords commerciaux avec le Canada, les États-Unis ou le Mercosur se combinent avec des problèmes sanitaires pour dessiner de sombres perspectives.
Et je ne dresse pas le tableau de la filière foie gras, ni celui des risques pesant, avec la fin des quotas, sur la filière sucre !
Deuxièmement, au-delà de la conjoncture, il faut se poser les bonnes questions. Or la question centrale est celle de la compétitivité. La proposition de loi a eu le mérite de remettre cet enjeu au centre des politiques agricoles, car, sans compétitivité, il ne faut pas espérer voir notre agriculture prospérer. N’opposons pas la compétitivité hors prix et la compétitivité prix, car les deux approches sont nécessaires.
Troisièmement, la discussion de la proposition de loi a permis de faire émerger certains sujets et d’obtenir des avancées. J’en citerai quelques-unes.
Sur les relations commerciales en agriculture, nous avons pu mettre en évidence des dysfonctionnements dans la contractualisation laitière, comme les cessions à titre onéreux des contrats. Nous avons aussi pointé le mauvais fonctionnement des filières, en demandant des conférences annuelles de filières et plus de transparence dans les relations commerciales. Je suis satisfait de constater que le sujet est désormais à l’ordre du jour de la loi Sapin II.
Sur l’étiquetage de l’origine des viandes transformées, nous avons initialement proposé une solution de contournement de l’interdiction européenne, puis un décret a été envisagé. Finalement, l’Europe a donné son accord pour une expérimentation de l’étiquetage de l’origine.