Permettre le refus de délivrance de billets en cas de non-respect des règles en matière de sécurité me paraît aller dans ce sens.
À cet égard, le décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, devra impérativement encadrer ce nouveau pouvoir des clubs quant aux motifs, à la durée de ces mesures, à la publicité des règlements intérieurs des stades et des conditions générales de vente ainsi qu’aux conditions de recours.
À l’article 2, consacrer le principe du contradictoire en matière d’interdiction administrative de stade permettrait à mon sens de poursuivre ce même objectif. Les interdictions de stade et de déplacement sont pleinement justifiées lorsqu’elles visent des individus au comportement notoirement violent et dangereux.
Mais, comme je le disais, les outils de l’action publique pour prévenir les violences, prévenir le hooliganisme doivent être étendus. Il faut responsabiliser les supporters. En Allemagne et en Angleterre, où les hooligans sont plus nombreux qu’en France, la politique du supportérisme n’est pas limitée au répressif : elle inclut un dialogue avec le supporter. Dans ces pays, les fédérations de supporters entretiennent de véritables relations de dialogue avec les différentes instances sportives. C’est aujourd’hui ce que vise cette proposition de loi au travers de l’article 5, qui pose les fondements d’un supportérisme à la française. Admettre la place essentielle du supporter dans la compétition, c’est lui offrir le rôle qu’il mérite enfin.
Si, dans sa version initiale, cette proposition de loi n’envisageait la question que sous le prisme de la lutte contre le hooliganisme, son nouvel intitulé – « proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme » –, voulu par le Gouvernement, traduit bien cette volonté de considérer plus largement la question du supportérisme et de lui accorder une véritable reconnaissance.
Il n’y a pas là, de notre part, une quelconque volonté de laxisme. Il s’agit de comprendre qu’instaurer le dialogue avec les supporters dans un climat de confiance revient à mener une politique préventive pour désamorcer les problèmes en amont et trouver des solutions. C’est essentiel !
En 2010, un Livre vert du supportérisme suscité par la ministre Rama Yade avait déjà souligné ce besoin de reconnaissance des supporters vis-à-vis des instances sportives et institutionnelles. En 2013, un excellent rapport parlementaire que j’ai eu le plaisir de commettre avec Marie-Georges Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français allait dans ce sens. Le rapport de 2014 de Jean Glavany intitulé Pour un modèle durable du football français soutenait lui aussi la nécessité d’associer les supporters et leurs associations à la prévention de la violence et la nécessité de développer un dialogue solide au niveau tant local que national. Enfin, en juin 2015, une proposition de loi était examinée à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le sujet de la représentation des supporters.
En marge de l’action politique, l’évolution est également palpable au niveau associatif. J’ai participé le mois dernier à la troisième édition des ambassades de supporters. Là aussi, il y a un désir fort d’être partie prenante dans les compétitions, notamment dans les grands événements sportifs internationaux. Les supporters souhaitent être entendus et s’engager de façon concrète. Je crois qu’il est possible, et même tout à fait opportun, d’envisager des partenariats. C’est ce que prévoit cette proposition de loi.
Au niveau local, il s’agit pour chaque club professionnel de faire appel à des supporters crédibles pour entreprendre un dialogue avec ces nouveaux référents. Si les députés ont acté le principe de référents désignés par les clubs, il paraît nécessaire de préciser les conditions exactes de leur désignation, leurs missions ainsi que les modalités de leur formation. Ils ne doivent pas être les responsables de la sécurité des clubs mais de véritables médiateurs.
Au niveau national, l’objectif est de créer une instance nationale du supportérisme, force de réflexion, de dialogue et de proposition dont la composition et les missions seront précisées par décret. En effet, cette instance devra être paritaire, composée de représentants des ministères concernés, des fédérations, des ligues professionnelles et des clubs, des associations de supporters, des collectivités locales ou encore de personnalités qualifiées. Ses missions seront notamment de rendre des avis sur les textes législatifs ou réglementaires, de faire des propositions ou de conduire des missions sur tout sujet relevant du supportérisme.
Un texte réglementaire fixera tous ces objectifs, car je pense que ce n’est pas à la loi de le faire. Je préfère prévenir dès maintenant que je demanderai le retrait de certains amendements tendant à ce que les missions de cette instance nationale soient inscrites dans la loi. Nous en reparlerons tout à l’heure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le calendrier sportif à venir est riche. Il dépasse l’Euro de football désormais tout proche. Envisager le supporter autrement, l’inclure dans l’organisation des événements peut être très porteur. Je suis convaincu de la nécessité de lier dialogue et sécurité. Cette proposition de loi peut offrir un élan neuf et instaurer un climat de confiance dans les événements à venir. Le mot-clé de cette loi est le dialogue : il nous appartient de le prolonger et d’échanger pour en tirer toute la richesse. Il vous appartient de renverser ce climat et de créer enfin entre les supporters et le sport professionnel, plutôt qu’un climat de défiance, un climat de confiance.