Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 5 avril 2016 à 15h15
Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle ne peut justifier que des violences puissent survenir en marge des rencontres sportives, que ce soit dans les stades ou à l’extérieur de ceux-ci. À cet égard, nous entendons, à l’instar de nos collègues, faire preuve de la plus grande fermeté contre toutes ces violences, qui n’ont pas leur place dans le sport.

Toutefois, de ce point de vue, l’arsenal répressif est depuis la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2, plutôt satisfaisant en ce qui concerne le traitement des supporters violents et les mesures coercitives pour éloigner ceux-ci des stades.

Pourtant, la version initiale du texte déposé à l’Assemblée nationale visait exclusivement à renforcer ces mesures répressives, sans jamais poser la question de leur application et de leur efficacité : sont-elles toujours ciblées sur les faits les plus graves ? Les sanctions sont-elles toujours proportionnelles à la gravité des faits ? Comment, enfin, concilier au mieux les impératifs de sécurité et le respect des libertés publiques ?

Pour preuve que ces interrogations ne paraissaient pas fondamentales, aucun représentant ni des clubs de football ni des associations de supporters n’a été auditionné par le rapporteur à l’Assemblée nationale, alors que ces organismes sont les premiers concernés par cette proposition de loi.

Je sais gré à notre rapporteur d’avoir réparé cet impair en permettant à des dirigeants de clubs, aux représentants d’associations de supporters, mais aussi à des chercheurs spécialistes de ces mouvements d’exprimer leur point de vue et, ainsi, d’avoir élargi la réflexion.

Une articulation entre la répression des comportements violents et le dialogue avec les associations de supporters susceptibles justement d’enrayer les comportements à risque semble indispensable si l’on veut mener une politique tout à la fois efficace sur le plan de l’ordre public et respectueuse des libertés individuelles. C’est ce que traduit le nouvel intitulé de la proposition de loi. Nous nous félicitons également de l’intégration en son sein de dispositions visant à améliorer le dialogue et la prévention, même si nous pensons que le texte peut aller encore plus loin.

L’article 1er permet aux clubs d’exclure des supporters. À l’inverse de plusieurs de mes collègues, je ne suis pas convaincue de la nécessité de confier aux clubs des pouvoirs de police appartenant au juge et au préfet, pouvoirs qu’aucun club, hormis le Paris Saint-Germain, ne réclamait. Certes, la situation du club de la capitale, avant le plan de sécurité dit « Leproux », nécessitait un traitement spécifique, mais la loi n’est pas là pour s’adapter aux cas particuliers. En ce sens, je veux citer un extrait du rapport Faut-il avoir peur des supporters ?, issu de travaux menés dans l’enceinte de la Haute Assemblée en 2007 : « la responsabilité d’expulser physiquement un spectateur récalcitrant d’un stade incombe aux services de police ou de gendarmerie. » Eu égard à l’exemple du PSG, épinglé par la CNIL à plusieurs reprises, entre 2013 et 2015, pour fichage illégal, comment contrôler d’éventuels abus de la part des clubs ? La question demeure et justifiera les amendements que nous défendrons ultérieurement.

Demeurent également des interrogations sur la pertinence de l’allongement des interdictions administratives de stade prévu à l’article 2. Il faut savoir que l’interdiction judiciaire de stade permet déjà d’écarter un supporter considéré comme violent pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, à l’instar, par exemple, des législations allemande ou espagnole. Renforçons cette mesure ! À l’inverse, la vocation préventive des interdictions administratives de stade paraît en contradiction avec la volonté d’étendre leur durée. Ces interdictions, émanant du préfet, visaient à l’origine à faire la jointure avec la procédure judiciaire, non à se substituer à elle. En allongeant leur durée, ne s’expose-t-on pas à ce qu’elles deviennent la voie de recours normale ?

N’oublions pas, mes chers collègues, que ces mesures n’offrent pas les garanties du contradictoire et peuvent s’avérer très invalidantes pour les supporters incriminés, ainsi que l’a fait remarquer Mme la rapporteur, d’autant plus que l’on constate un taux anormalement élevé d’annulations de ces mesures de la part des tribunaux administratifs. Ces recours qui aboutissent devraient nous alerter sur un dispositif qui s’est peut-être écarté de sa finalité première !

Enfin, il apparaît que les interdictions administratives de sortie du territoire – destinées, je le rappelle, aux Français présumés terroristes – présentent un régime plus protecteur pour les personnes que les interdictions administratives de stade, ce qui semble difficile à justifier.

Les dispositions de l’article 5 qui prévoient la création d’une instance nationale du supportérisme et d’un agent de liaison entre les supporters, les clubs et les pouvoirs publics nous semblent tout à fait positives – je le répète –, mais le rôle des associations de supporters est déterminant dans la régulation des comportements à risque. Il faut donc dialoguer avec celles-ci et, ainsi, contribuer à les responsabiliser. De ce point de vue, s’il fallait trouver des exemples en Europe, c’est moins du côté de la Grande-Bretagne que de l’Allemagne, où ce dialogue permet souvent de désamorcer les tensions, qu’il faut chercher.

Enfin – j’en terminerai sur ce point –, il nous paraît important de rendre publics les chiffres du ministère de l’intérieur relatifs aux interdictions de stade et de déplacement, afin d’orienter au mieux une politique publique efficace.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous avons des propositions à faire pour enrichir ce texte de loi !

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