Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
Délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on n’échappe pas à sa destinée. La nôtre, monsieur le ministre, est donc, par-delà l’amitié qui nous rapproche, de nous opposer par la volonté de l’exécutif et de son chef. J’en suis désolé, mais je l’assume et ne faiblirai en rien dans cette confrontation, que je n’ai point souhaitée et que le Gouvernement désire, par principe et sans regard sur l’expression de nos territoires.

Par la proposition de loi que le RDSE soumet aujourd’hui au vote du Sénat, texte que nous avons élaboré avant votre nomination au Gouvernement, nous avons tout simplement voulu restituer aux élus locaux un peu de cette liberté que leur a arrachée la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, leur donner une bouffée d’oxygène pour desserrer le carcan autoritaire qui les étouffe.

De quoi s’agit-il ? Tout simplement de permettre, à titre exceptionnel, à ceux qui en expriment la volonté, confirmée par un vote majoritaire de la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, de différer d’un an la création par fusion d’une nouvelle intercommunalité.

De grâce, assez de caricatures et d’approximations ! Soyons clairs : le but n’est aucunement de remettre en cause le principe et l’application de la loi NOTRe, quoi que l’on en pense et quoi que vous en ayez pensé, monsieur le ministre.

Notre proposition de loi ne remet pas en question les schémas départementaux des nouvelles intercommunalités arrêtés par les préfets : nous n’y touchons pas. Au contraire, ces schémas sont validés dans tous les départements, sauf recours administratifs. Il appartiendra ensuite aux préfets de procéder aux ajustements en vertu des articles de la loi qui leur permettent de le faire.

Nous voulons uniquement donner aux collectivités la possibilité de faire saisir la CDCI par le préfet ou par 20 % de ses membres avant le 31 juillet, afin que la commission puisse décider, à la majorité de ses membres, le report d’un an de l’entrée en vigueur du schéma pour les intercommunalités qui auront voté cette demande de délai – et seulement pour celles-là.

Cela signifie que les nouvelles intercommunalités prêtes à fusionner d’ici au 1er janvier 2017 pourront le faire dans chaque département. Elles ne seront en rien gênées par cette mesure.

Pour répondre à une critique de l’exécutif non encore exprimée ouvertement mais infondée, cela signifie aussi que notre texte n’a pas pour but de donner du temps, jusqu’à une alternance possible, afin de remettre en cause le chapitre de la loi NOTRerelatif à la fusion des intercommunalités. Effectivement, dans chaque département, dans une grande majorité de cas, les fusions seront réalisées avec effet au 1er janvier 2017. Il sera donc impossible de revenir en arrière, même si un nouvel exécutif le souhaitait.

Que risque par conséquent le Gouvernement en souscrivant à notre proposition ? Strictement rien ! En ce cas, arguer de problèmes de zones de revitalisation rurale ou de dotation globale de fonctionnement est fallacieux, puisque les périmètres seront fixés et non modifiables, sauf volonté des préfets – il faut s’attendre à ce qu’une telle volonté s’exprime dans certains cas.

L’argumentation du Gouvernement est, d’ailleurs, totalement contradictoire – ce n’est pas la première fois que cela arrive… D’un côté, on entend, dans les directions, que tout va bien, qu’il n’y a pas de problème, que, dans les départements, les préfets et les élus locaux vivent leur lune de miel… Dès lors, à quoi bon un an de plus ? Mais, de l’autre, on nous promet une avalanche de cas de rallongement d’un an du délai d’entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités si l’on consacre cette possibilité. Mettez-vous d’accord ! Au reste, les deux arguments me semblent également erronés.

Que se passe-t-il sur le terrain ? Dans un certain nombre de départements, on constate de vrais problèmes techniques et administratifs. On constate aussi que des difficultés de gouvernance vont se poser dans le futur. Ce n’est pas toujours simple de fusionner des communautés de communes à régimes de fiscalité différents, notamment à fiscalité additionnelle, non plus que des agglomérations ou des communautés urbaines avec des communautés de communes, ou encore des intercommunalités aux compétences très différentes, dont certaines devront être restituées aux communes.

Ces fusions ne doivent pas se faire à la hussarde, n’importe comment, sans étude ni réflexion suffisantes. Il ne suffit pas de dire aux élus empêtrés dans ces difficultés : « rassurez-vous, les services de l’État sont à votre disposition pour vous aider », car ce n’est pas la réalité, en particulier dans nos départements ruraux. Les préfectures, les directions départementales des finances publiques, les DDFIP, ne sont pas vraiment en mesure d’apporter des éléments techniques fiables dans des délais aussi contraints, ce qui provoquera, au cours de l’année 2017, bien des difficultés.

D'ailleurs, c’est vrai aussi quand on reçoit les notifications de dotation globale de fonctionnement sans aucune explication et que l’on veut favoriser l’open data ! Des progrès devront être faits.

Le cas des « intercommunalités XXL » a été largement mis en exergue par d’autres, à juste titre. Dans certaines intercommunalités, plus de 200 élus siégeront, au mépris de toute vie démocratique et de proximité avec les citoyens.

Quant aux problèmes de gouvernance, ils ont été sciemment éludés par l’exécutif et n’ont donné lieu à aucune communication sur le terrain. En ce début d’année 2016, le RDSE a posé une question d’actualité à Mme Lebranchu, lui demandant de faire notifier par les préfets, en même temps que les schémas, la composition des nouveaux conseils communautaires. Comme d’habitude, elle n’a pas répondu… De nombreux conseillers communautaires élus démocratiquement en avril 2014 découvriront dans les mois qui viennent qu’ils perdront leur mandat.

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