Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
Délai d'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Pourquoi cela ne se passe-t-il pas bien ? Parce que le Gouvernement et son exécutant – votre prédécesseur – ont voulu passer en force, en brutalisant les élus locaux. Ordre fut donné aux préfets de fabriquer des intercommunalités les plus grosses possibles, bien au-delà du seuil de 15 000 habitants, en piétinant l’accord conclu avec le Sénat sur la possibilité de dérogations à 5 000 habitants dans cinquante-sept départements, dérogations qui ont été jetées aux oubliettes par les préfets.

C’est la stricte vérité, et celle-ci a une raison : cette réforme est la traduction des propositions non des élus de la République, mais encore une fois de la haute fonction publique, depuis le fameux rapport de Terra Nova jusqu’à celui qui a été rendu, en 2014, par Mme la commissaire générale à l’égalité des territoires.

Dans son rapport, celle-ci a écrit à vos prédécesseurs, Mme Lebranchu et M. Vallini : « Il faut raisonner en territoire vécu. […] L’objectif est de limiter le nombre d’EPCI, pour augmenter leurs atouts. Un nombre inférieur à 1 000 (2 108 actuellement) semble une bonne cible. […] La loi devra être très restrictive sur les exceptions de taille »… J’en passe et des meilleures ! Elle a aussi traité le problème de la même manière pour un département de 2 millions d’habitants que pour un département de 150 000 habitants.

Voilà où l’on en arrive quand les élus de la République abandonnent le pouvoir à la technocratie ; le vrai but, des très grandes régions avec de grands EPCI, la suppression des départements – objectif de la loi NOTRe – et, in fine, du Sénat !

Quelle singulière conception de la démocratie : réforme des cantons, sans lien avec les nouvelles intercommunalités, fusion des régions, fusion des EPCI… Que n’avions-nous pas dit ensemble, monsieur le ministre, contre le projet de création du conseiller territorial, en 2011 ?

Lorsqu’il s’agit de gagner du temps sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, on fabrique un référendum. Lorsqu’il s’agit de la réforme territoriale, le Gouvernement passe en force, au motif que, s’il consultait les élus, les réponses de ces derniers seraient négatives.

Monsieur le ministre, nous avons mené ensemble un combat contre ces textes. Nous comprenons que vous vouliez désormais appliquer les lois et nous avons pensé – peut-être à tort, mais j’ai toujours foi dans le bon sens et dans votre souci de trouver des solutions – que, avec son intuition profonde, le chef de l’État avait considéré que vous étiez le mieux à même de le faire avec la sagesse d’un élu local d’expérience et la capacité de concilier les objectifs de l’exécutif, les réalités du terrain et les difficultés des élus de nos territoires.

Avec cette proposition de loi, nous vous offrons le moyen de tendre la main aux collectivités sans renier votre engagement au sein du Gouvernement, le moyen de donner une nouvelle image de la relation entre le Gouvernement et les collectivités. Vous n’avez rien à y perdre et tout à y gagner !

Monsieur le ministre, cher Jean-Michel Baylet, tout en demandant au Gouvernement, par votre intermédiaire, un peu de liberté pour nos collectivités, je ne saurais conclure sans citer un extrait du Discours pour la liberté de Clemenceau, en espérant que vous l’écouterez en manifestant plus d’intérêt que pour mon discours : « Dans la République, la liberté c’est le droit commun de chacun ; et l’autorité […] ne peut être que la garantie de la liberté de chacun. »

Comme ultime conclusion, je veux citer cet autre extrait : « malgré vous, je demeure solidaire de mon parti à condition qu’il représente nos idées ; et si mon parti abandonne, pour un moment, ces idées, je continuerai, fussé-je seul, à les défendre ! »

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