a considéré qu'il est très difficile de combiner une approche globale des finances publiques tout en conservant un niveau suffisant de détails. L'agrégat des comptes publics est certes une exigence du droit communautaire, mais cet impératif de consolidation ne doit pas entraîner une disparition des détails. De ce point de vue, la création des lois de financement de la sécurité sociale contenant des équilibres de branche est un progrès. Peut-être conviendrait-il d'aller plus loin et d'élaborer un document dans lequel les prélèvements obligatoires seraient distingués en deux catégories : ceux avec une contrepartie individualisable et ceux sans contrepartie individualisable.
Actuellement, les prélèvements obligatoires sont perçus comme écrasants. Or, cette notion de prélèvement obligatoire est typiquement française et n'apparaît pas pertinente. S'il est courant de critiquer le poids de ces prélèvements ou de promouvoir un alignement sur la moyenne européenne de ces prélèvements, il ne faut pas oublier que les comparaisons internationales sont délicates en raison des différences de périmètre de cette notion. Par exemple, aux Etats-Unis, les prélèvements obligatoires sont d'un montant très inférieur aux prélèvements français mais ils ne comprennent pas les sommes versées aux assureurs privés au titre des assurances médicales. De fait, en France, l'augmentation des prélèvements obligatoires a le plus souvent été acceptée dès lors qu'elle faisait l'objet d'une contrepartie telle que l'accroissement de la prise en charge des soins ou l'augmentation des prestations familiales. Cette présentation distinguant les prélèvements obligatoires avec une contrepartie individualisée (maladie, vieillesse, famille, etc.) et les prélèvements obligatoires sans contrepartie individualisée, c'est-à-dire servant à la couverture des besoins collectifs, ne recoupe pas parfaitement le partage entre budget de l'Etat et loi de financement de la sécurité sociale. Par exemple, les pensions des fonctionnaires figurent dans la masse des crédits du budget de l'Etat.
Puis M. Rémi Pellet a estimé que la séparation entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt de nombreux avantages. Tout d'abord, elle lève le grief d'étatisation concernant la sécurité sociale. Certes, dès 1945, l'Etat a été compétent et présent en matière de sécurité sociale, les partenaires sociaux n'ayant jamais vu leurs compétences aller au-delà de la détermination des budgets administratifs des caisses ou de l'action sociale de celles-ci. De fait, l'essentiel des décisions ont toujours été prises par le gouvernement par la voie réglementaire. L'instauration du projet de loi de financement de la sécurité sociale a cependant, en quelque sorte, « parlementarisé » la sécurité sociale et a donc permis sa désétatisation, ce qui a constitué un réel progrès. Grâce à l'existence de deux lois, il y a moins de risques de détournement des ressources de la protection sociale et de mainmise au bénéfice du budget de l'Etat.
Un deuxième avantage de l'existence de deux textes distincts est de préserver l'application de règles différentes au sein des deux sphères financières. Ainsi, le principe de l'universalité et de la non-affectation des recettes aux dépenses qui s'applique au budget de l'Etat peut être conservé. En revanche, le principe de l'affectation des recettes aux dépenses en matière de sécurité sociale a été renforcé, notamment grâce à la dernière loi organique du 2 août 2005. Ce principe d'affectation, qui découle de la logique assurantielle, permet de repérer le déficit là où il existe. La fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale rendrait extrêmement difficile la cohabitation de logiques aussi différentes.
Le rôle des partenaires sociaux peut être différencié selon les branches. En matière assurantielle, le financement des prestations repose sur des cotisations assises sur le travail, ce qui confère une légitimité indéniable à la participation des partenaires sociaux à leur gestion. Pour ce qui est de l'assurance maladie, il faut distinguer les indemnités journalières qui représentent 10 % des dépenses de la branche et relèvent de cette logique assurantielle, ce qui justifierait une autonomisation de cette sous-branche. Ainsi, on pourrait, comme pour le régime agricole, maintenir le caractère obligatoire de l'assurance arrêt de travail tout en permettant à l'employeur de choisir l'assureur. Néanmoins, il subsiste le problème tenant au fait que les indemnités journalières sont couvertes aujourd'hui par une cotisation de 0,75 % déplafonnée alors que le montant de la prestation est, lui, plafonné.
a ensuite souligné le caractère contestable de la distinction entre retraite de base et retraite complémentaire, l'affiliation à ces dernières étant obligatoire depuis 1972. Il y aurait, en effet, une réelle légitimité à soumettre ces régimes complémentaires au contrôle du Parlement et à les inclure dans le champ de la loi de financement. C'est pourquoi on pourrait imaginer de transférer aux partenaires sociaux également la gestion effective du régime de base de l'assurance vieillesse en soumettant les accords conclus à l'agrément des pouvoirs publics. A l'inverse, il conviendrait de soumettre dorénavant à un tel agrément les accords conclus en matière de régimes complémentaires. Un tel système renforcerait l'implication des partenaires sociaux. Il faut toutefois savoir que des propositions totalement différentes sont faites par un certain nombre d'experts qui préconisent la mise en place d'un système de retraite par points entièrement géré dans une logique de solidarité et ne laissant donc aucune place aux partenaires sociaux.
En matière d'assurance santé, le rôle de ces derniers est plus complexe à légitimer. Aujourd'hui, le Medef lui-même s'interroge sur son rôle dans ce domaine où une très large part des dépenses lui échappe, en particulier les dépenses hospitalières. D'un autre côté, la gestion des conventions médicales se fait par négociation avec les syndicats des médecins.
s'est déclaré favorable à une régionalisation du système d'assurance maladie avec un processus de conventionnement régional, la définition d'objectifs de planification médicale sur les différentes parties du territoire, éventuellement de réelles incitations à s'installer dans les zones les moins dotées grâce au versement de primes. Enfin, la récente loi relative au dialogue social, actuellement limitée au champ des relations du travail, pourrait être étendue aux questions de santé voire de vieillesse ou à d'autres sujets sociaux.
Interrogé sur l'importance qu'il convient d'accorder au principe de « droits acquis par le travail », il a souligné l'ambiguïté de la question posée. Il est difficile, en matière de protection sociale, de parler de droits acquis, alors que les règles font l'objet d'une renégociation permanente, comme c'est le cas en particulier pour les retraites. S'agissant des retraites complémentaires, la Cour de cassation a ainsi estimé que la valeur du point peut être librement revue, même si le nombre de points dont bénéficie le cotisant constitue un droit acquis. Cette question est très sensible car elle touche aux arbitrages entre ceux qui cotisent et les inactifs, avec le risque que ces arbitrages soient faits au détriment de ces derniers. On ne peut exclure une intervention de la Cour européenne des droits de l'homme sur ce point qui aurait pour effet de mieux protéger certains droits ouverts dans une optique patrimoniale de ces droits. Peut-être le rôle des pouvoirs publics serait-il également d'intervenir dans le domaine des retraites complémentaires pour affirmer l'existence de droits acquis afin de protéger les retraités ?
Puis M. Rémi Pellet a indiqué que des mouvements de fiscalisation et de budgétisation de la sécurité sociale recouvrent deux notions très différentes et relativement fluctuantes comme en témoigne par exemple la procédure suivie pour la compensation des exonérations de charges sociales.
Sur la question du meilleur mode de financement de la protection sociale, seuls les économistes peuvent donner une opinion avisée. L'avis du juriste ne peut donc que se limiter à relever le problème de clé d'affectation que ne manquerait pas de poser une éventuelle répartition de la recette nouvellement créée entre différentes branches. Une telle difficulté pourrait intervenir si la piste de la TVA sociale était retenue et si l'on décidait d'affecter son produit à plusieurs régimes. Pour le coup, une budgétisation complète des branches concernées pourrait se justifier, ce qui conduit à se montrer très réservé sur le sujet. De ce point de vue, la CSG ne pose pas ce type de problème dans la mesure où elle est recouvrée par trois organismes distincts respectant une clé de répartition préétablie.
Il est envisageable de budgétiser la santé et la famille et de laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de l'assurance vieillesse et des indemnités journalières. En ce cas, cependant, il faudra impérativement créer une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat et externaliser les dépenses correspondantes, ce qui supposera de définir des recettes. Une telle mesure aurait l'avantage de rendre plus lisible l'effort de cotisation des fonctionnaires et de permettre des comparaisons avec les autres régimes.
S'agissant du contrôle et de la gestion des caisses, M. Rémi Pellet a fait part de son expérience, constatant que ce contrôle est aujourd'hui important mais lourd et mal ciblé. L'enjeu n'est pas de l'alourdir encore, mais bien plutôt d'accentuer la fonction de contrôle des caisses elles-mêmes et donc de les aider à améliorer leurs performances dans ce domaine, tant la fraude reste massive.
Il s'est déclaré favorable à la mise en place d'un équivalent de l'Ondam pour définir le taux d'effort des cotisants à la branche vieillesse, ainsi que pour la partie indemnités journalières de la branche maladie.