Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Rémi Pellet, avocat en droit social.
a considéré qu'il est très difficile de combiner une approche globale des finances publiques tout en conservant un niveau suffisant de détails. L'agrégat des comptes publics est certes une exigence du droit communautaire, mais cet impératif de consolidation ne doit pas entraîner une disparition des détails. De ce point de vue, la création des lois de financement de la sécurité sociale contenant des équilibres de branche est un progrès. Peut-être conviendrait-il d'aller plus loin et d'élaborer un document dans lequel les prélèvements obligatoires seraient distingués en deux catégories : ceux avec une contrepartie individualisable et ceux sans contrepartie individualisable.
Actuellement, les prélèvements obligatoires sont perçus comme écrasants. Or, cette notion de prélèvement obligatoire est typiquement française et n'apparaît pas pertinente. S'il est courant de critiquer le poids de ces prélèvements ou de promouvoir un alignement sur la moyenne européenne de ces prélèvements, il ne faut pas oublier que les comparaisons internationales sont délicates en raison des différences de périmètre de cette notion. Par exemple, aux Etats-Unis, les prélèvements obligatoires sont d'un montant très inférieur aux prélèvements français mais ils ne comprennent pas les sommes versées aux assureurs privés au titre des assurances médicales. De fait, en France, l'augmentation des prélèvements obligatoires a le plus souvent été acceptée dès lors qu'elle faisait l'objet d'une contrepartie telle que l'accroissement de la prise en charge des soins ou l'augmentation des prestations familiales. Cette présentation distinguant les prélèvements obligatoires avec une contrepartie individualisée (maladie, vieillesse, famille, etc.) et les prélèvements obligatoires sans contrepartie individualisée, c'est-à-dire servant à la couverture des besoins collectifs, ne recoupe pas parfaitement le partage entre budget de l'Etat et loi de financement de la sécurité sociale. Par exemple, les pensions des fonctionnaires figurent dans la masse des crédits du budget de l'Etat.
Puis M. Rémi Pellet a estimé que la séparation entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt de nombreux avantages. Tout d'abord, elle lève le grief d'étatisation concernant la sécurité sociale. Certes, dès 1945, l'Etat a été compétent et présent en matière de sécurité sociale, les partenaires sociaux n'ayant jamais vu leurs compétences aller au-delà de la détermination des budgets administratifs des caisses ou de l'action sociale de celles-ci. De fait, l'essentiel des décisions ont toujours été prises par le gouvernement par la voie réglementaire. L'instauration du projet de loi de financement de la sécurité sociale a cependant, en quelque sorte, « parlementarisé » la sécurité sociale et a donc permis sa désétatisation, ce qui a constitué un réel progrès. Grâce à l'existence de deux lois, il y a moins de risques de détournement des ressources de la protection sociale et de mainmise au bénéfice du budget de l'Etat.
Un deuxième avantage de l'existence de deux textes distincts est de préserver l'application de règles différentes au sein des deux sphères financières. Ainsi, le principe de l'universalité et de la non-affectation des recettes aux dépenses qui s'applique au budget de l'Etat peut être conservé. En revanche, le principe de l'affectation des recettes aux dépenses en matière de sécurité sociale a été renforcé, notamment grâce à la dernière loi organique du 2 août 2005. Ce principe d'affectation, qui découle de la logique assurantielle, permet de repérer le déficit là où il existe. La fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale rendrait extrêmement difficile la cohabitation de logiques aussi différentes.
Le rôle des partenaires sociaux peut être différencié selon les branches. En matière assurantielle, le financement des prestations repose sur des cotisations assises sur le travail, ce qui confère une légitimité indéniable à la participation des partenaires sociaux à leur gestion. Pour ce qui est de l'assurance maladie, il faut distinguer les indemnités journalières qui représentent 10 % des dépenses de la branche et relèvent de cette logique assurantielle, ce qui justifierait une autonomisation de cette sous-branche. Ainsi, on pourrait, comme pour le régime agricole, maintenir le caractère obligatoire de l'assurance arrêt de travail tout en permettant à l'employeur de choisir l'assureur. Néanmoins, il subsiste le problème tenant au fait que les indemnités journalières sont couvertes aujourd'hui par une cotisation de 0,75 % déplafonnée alors que le montant de la prestation est, lui, plafonné.
a ensuite souligné le caractère contestable de la distinction entre retraite de base et retraite complémentaire, l'affiliation à ces dernières étant obligatoire depuis 1972. Il y aurait, en effet, une réelle légitimité à soumettre ces régimes complémentaires au contrôle du Parlement et à les inclure dans le champ de la loi de financement. C'est pourquoi on pourrait imaginer de transférer aux partenaires sociaux également la gestion effective du régime de base de l'assurance vieillesse en soumettant les accords conclus à l'agrément des pouvoirs publics. A l'inverse, il conviendrait de soumettre dorénavant à un tel agrément les accords conclus en matière de régimes complémentaires. Un tel système renforcerait l'implication des partenaires sociaux. Il faut toutefois savoir que des propositions totalement différentes sont faites par un certain nombre d'experts qui préconisent la mise en place d'un système de retraite par points entièrement géré dans une logique de solidarité et ne laissant donc aucune place aux partenaires sociaux.
En matière d'assurance santé, le rôle de ces derniers est plus complexe à légitimer. Aujourd'hui, le Medef lui-même s'interroge sur son rôle dans ce domaine où une très large part des dépenses lui échappe, en particulier les dépenses hospitalières. D'un autre côté, la gestion des conventions médicales se fait par négociation avec les syndicats des médecins.
s'est déclaré favorable à une régionalisation du système d'assurance maladie avec un processus de conventionnement régional, la définition d'objectifs de planification médicale sur les différentes parties du territoire, éventuellement de réelles incitations à s'installer dans les zones les moins dotées grâce au versement de primes. Enfin, la récente loi relative au dialogue social, actuellement limitée au champ des relations du travail, pourrait être étendue aux questions de santé voire de vieillesse ou à d'autres sujets sociaux.
Interrogé sur l'importance qu'il convient d'accorder au principe de « droits acquis par le travail », il a souligné l'ambiguïté de la question posée. Il est difficile, en matière de protection sociale, de parler de droits acquis, alors que les règles font l'objet d'une renégociation permanente, comme c'est le cas en particulier pour les retraites. S'agissant des retraites complémentaires, la Cour de cassation a ainsi estimé que la valeur du point peut être librement revue, même si le nombre de points dont bénéficie le cotisant constitue un droit acquis. Cette question est très sensible car elle touche aux arbitrages entre ceux qui cotisent et les inactifs, avec le risque que ces arbitrages soient faits au détriment de ces derniers. On ne peut exclure une intervention de la Cour européenne des droits de l'homme sur ce point qui aurait pour effet de mieux protéger certains droits ouverts dans une optique patrimoniale de ces droits. Peut-être le rôle des pouvoirs publics serait-il également d'intervenir dans le domaine des retraites complémentaires pour affirmer l'existence de droits acquis afin de protéger les retraités ?
Puis M. Rémi Pellet a indiqué que des mouvements de fiscalisation et de budgétisation de la sécurité sociale recouvrent deux notions très différentes et relativement fluctuantes comme en témoigne par exemple la procédure suivie pour la compensation des exonérations de charges sociales.
Sur la question du meilleur mode de financement de la protection sociale, seuls les économistes peuvent donner une opinion avisée. L'avis du juriste ne peut donc que se limiter à relever le problème de clé d'affectation que ne manquerait pas de poser une éventuelle répartition de la recette nouvellement créée entre différentes branches. Une telle difficulté pourrait intervenir si la piste de la TVA sociale était retenue et si l'on décidait d'affecter son produit à plusieurs régimes. Pour le coup, une budgétisation complète des branches concernées pourrait se justifier, ce qui conduit à se montrer très réservé sur le sujet. De ce point de vue, la CSG ne pose pas ce type de problème dans la mesure où elle est recouvrée par trois organismes distincts respectant une clé de répartition préétablie.
Il est envisageable de budgétiser la santé et la famille et de laisser aux partenaires sociaux la responsabilité de l'assurance vieillesse et des indemnités journalières. En ce cas, cependant, il faudra impérativement créer une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat et externaliser les dépenses correspondantes, ce qui supposera de définir des recettes. Une telle mesure aurait l'avantage de rendre plus lisible l'effort de cotisation des fonctionnaires et de permettre des comparaisons avec les autres régimes.
S'agissant du contrôle et de la gestion des caisses, M. Rémi Pellet a fait part de son expérience, constatant que ce contrôle est aujourd'hui important mais lourd et mal ciblé. L'enjeu n'est pas de l'alourdir encore, mais bien plutôt d'accentuer la fonction de contrôle des caisses elles-mêmes et donc de les aider à améliorer leurs performances dans ce domaine, tant la fraude reste massive.
Il s'est déclaré favorable à la mise en place d'un équivalent de l'Ondam pour définir le taux d'effort des cotisants à la branche vieillesse, ainsi que pour la partie indemnités journalières de la branche maladie.
a souhaité avoir une précision sur la manière de concilier le maintien de la distinction entre projet de loi de finances et projet de loi de financement tout en individualisant les pensions des fonctionnaires de l'Etat. Par ailleurs, il a demandé si le fait de basculer la famille et la maladie vers la solidarité signifie que tout le reste de la protection sociale relève d'une logique assurantielle.
a insisté sur la nécessaire transparence et lisibilité des dépenses de pension des fonctionnaires qui selon lui justifierait une caisse spécifique à l'image de ce qui existe pour les collectivités territoriales.
a souhaité savoir s'il n'existe pas d'inconvénient à budgétiser les 90 % des dépenses d'assurance maladie.
a indiqué que l'importance de la fiscalité affectée à la maladie représente déjà une forme de budgétisation. Le problème majeur aujourd'hui est que le financeur - à savoir l'assurance maladie - ne contrôle pas la moitié des dépenses qui lui incombent, c'est-à-dire ce qui concerne les hôpitaux pour lesquels les décisions sont prises par l'Etat et les agences régionales d'hospitalisation (ARH). Il y aurait d'ailleurs une réelle légitimité à créer une unité de trésorerie entre les hôpitaux et les finances sociales, alors que la trésorerie des hôpitaux est aujourd'hui confiée au Trésor public.
a estimé que l'analyse de M. Pellet sur la distinction entre les lois de finances et de financement conforte sa propre opinion d'une nécessaire séparation. La logique de branche n'exige pas forcément des règles de gouvernance identiques. En matière de vieillesse, le problème de la transparence est fondamental, en particulier sur les pensions de l'Etat, afin d'atteindre une meilleure équité et un minimum de règles communes.
a considéré que le document retraçant comptablement l'équilibre du régime des fonctionnaires de l'Etat est un véritable acquis de la dernière loi organique relative aux lois de financement. Toutefois, il demeure nécessaire de normaliser ce régime et il est clair que seul un système de caisse permettra de bien identifier les équilibres.
a souhaité savoir si le raisonnement suivi est applicable à la branche famille. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une distinction entre des prélèvements obligatoires non affectés et des prélèvements obligatoires individualisables, celle-ci risquant, si le raisonnement était poussé à son terme, de justifier une distinction entre dépenses incompressibles qui devraient être prises en charge collectivement et dépenses de nature assurantielle qui seraient à la charge des individus.
s'est élevé contre le raisonnement selon lequel la fiscalisation est l'antichambre de la budgétisation. Il a rappelé l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes de 1999 sur les fonds de pension néerlandais qui a confirmé la possibilité d'instituer, en matière de retraite, un système de monopole public fondé sur la capitalisation dès lors que ce système inclut des mécanismes de solidarité. Le fait d'opérer une distinction entre l'assurance et la solidarité ne signifie donc pas qu'il y a privatisation du risque couvert.
S'agissant de la famille, aucune raison ne justifie un financement par les cotisations patronales. La question est de savoir quelle recette fiscale peut être utilisée. La CSG est sans doute la recette qui serait le plus adaptée à la famille tandis que la TVA pourrait s'appliquer à la maladie.
a souhaité avoir plus de détails sur les propositions en matière de régionalisation de l'assurance maladie.
a indiqué qu'il s'agirait de régionaliser les dépenses et non les recettes de l'assurance maladie. L'exemple catastrophique de l'Italie où l'on a régionalisé les recettes et institué un mécanisme de péréquation en permanence contesté conduit à maintenir un système centralisé de recettes. En revanche, pour la dépense, certaines régions sont réellement déshéritées et il conviendrait de mieux planifier les objectifs et de développer les mécanismes incitatifs à l'échelon local, en faisant même - pourquoi pas - intervenir les conseils économiques et sociaux régionaux.
Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
Abordant la question de l'approche globale des comptes publics, Mme Danièle Karniewicz a considéré que l'approche différenciée des comptes de l'Etat et des comptes sociaux n'est pas source de confusion. En ce qui concerne plus précisément la sécurité sociale, le suivi assuré par les services des caisses nationales, par l'Etat et par le Parlement permet de garantir la bonne gestion des comptes. L'approche globale des déficits, demandée au niveau de l'Union européenne, peut donc être assurée dans le cadre du système actuel.
Elle s'est déclarée opposée à la fusion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale car la sécurité sociale, notamment sa branche vieillesse, reste financée par des cotisations sociales. Ainsi 80 % des fonds de la Cnav proviennent des cotisations et les pensions versées constituent une forme de revenu différé.
De plus, la sécurité sociale assure la couverture de risques pour lesquels les assurés cotisants peuvent s'ouvrir des droits individuels, alors que les dépenses financées par l'Etat constituent des engagements collectifs, qui peuvent varier au gré des gouvernements.
a également rejeté la possibilité d'appliquer aux dépenses de la sécurité sociale les principes d'enveloppes limitatives fermées applicables au budget de l'Etat. Selon elle, la fusion des lois de finances et des lois de financement porterait un coup fatal au paritarisme dans la gestion de la sécurité sociale.
S'agissant du rôle des partenaires sociaux, Mme Danièle Karniewicz a confirmé qu'ils gardent toute leur légitimité pour gérer la sécurité sociale, à la double condition d'une réforme du système de la représentativité syndicale et d'une obligation - notamment pour le patronat - de participer à la démocratie sociale.
Abordant la notion de « droits acquis par le travail », il lui a paru important de préserver le double caractère contributif et redistributif de la sécurité sociale française, notamment dans le domaine de la retraite. La nature contributive des pensions garantit l'adhésion de tous, quel que soit le niveau de revenu, au fonctionnement du régime général, tandis que les mécanismes redistributifs, comme le minimum contributif, la validation des périodes de chômage ou de maladie ou encore les majorations de pensions pour enfants, en assurent l'équité. Elle en a conclu que les droits au régime général, contrairement à ceux des régimes complémentaires, ne peuvent pas être assis exclusivement sur les droits acquis par le travail.
S'agissant du financement de la protection sociale, Mme Danièle Karniewicz est favorable à un élargissement de son assiette, afin de faire peser cette charge sur d'autres ressources que les seuls salaires et d'assurer un meilleur dynamisme général des recettes de la sécurité sociale. Un tel élargissement devrait toutefois se faire de façon différenciée selon les branches : un financement par l'impôt se justifie pour la branche famille et pour une partie importante des dépenses d'assurance maladie, alors qu'il importe de préserver une prépondérance des cotisations sociales dans le financement des retraites. L'élargissement de l'assiette de financement devrait vraisemblablement s'opérer par le biais de la création d'une forme de TVA sociale.
Il ne faut pas confondre système contributif et système assurantiel : le propre de la sécurité sociale française, qui est sans aucun doute un système contributif, est de reposer sur une logique assurantielle mâtinée de solidarité. Vouloir à tout prix poser une distinction stricte entre droits contributifs financés par le système assurantiel et solidarité financée par l'impôt risque de conduire à une forme de sélection des risques entre « bons cotisants » confiés au secteur privé et « mauvais cotisants » relevant de la sphère publique. D'ailleurs, en matière de retraite, le recours à l'épargne individuelle comme solution au problème du vieillissement démographique est un leurre : cette solution est sans aucun doute favorable au financement des entreprises mais pas au pouvoir d'achat des futurs retraités. Elle a donc réaffirmé son attachement au système de la retraite par répartition.
Elle a également plaidé pour une plus grande transparence des comptes sociaux, notamment en ce qui concerne les régimes spéciaux de retraite. L'absence d'information des Français sur le niveau de financement des régimes spéciaux par le régime général n'est pas une chose normale. Au moment où l'on demande aux salariés du secteur privé des efforts supplémentaires pour équilibrer leur régime de retraite, ils doivent savoir que ces efforts visent en réalité en grande partie - à travers la compensation démographique ou les mécanismes d'adossement - à rééquilibrer d'autres régimes dont les cotisants ne sont, eux, pas sollicités dans les mêmes proportions.
Abordant enfin la question de la gouvernance, Mme Danièle Karniewicz a estimé que le système des rendez-vous quadriennaux mis en place depuis la réforme des retraites de 2003 permet une gestion prévisionnelle efficace de la branche vieillesse. Elle a donc repoussé la création d'un comité d'alerte inspiré de celui mis en place pour l'assurance maladie, estimant qu'une telle instance n'est pas adaptée au cas de la branche vieillesse.
a confirmé les incertitudes qui pèsent sur l'avenir des retraites et regretté que cet état de fait reste mal connu des Français, la plupart pensant que la réforme de 2003 a réglé définitivement ce problème.
Le financement de la branche vieillesse doit continuer à reposer sur une logique contributive. On doit toutefois souligner l'importance des droits dérivés, notamment des majorations de pension pour enfants qui concernent 80 % des Françaises et représentent 30 % du montant de leurs pensions.
L'information sur le financement des régimes spéciaux de retraite doit être plus transparente : les Français doivent être conscients que ces régimes bénéficient largement de la solidarité de l'impôt alors que l'équilibre du régime général repose sur les seuls efforts d'adaptation des pensions des salariés du secteur privé. Il est donc indispensable d'assurer un socle commun à l'ensemble des régimes.
a souligné que le principe de solidarité intergénérationnelle sur lequel repose le régime par répartition devient de moins en moins crédible pour les jeunes générations, puisqu'on leur demande de travailler plus sans pouvoir leur garantir un taux de remplacement décent lorsque eux-mêmes prendront leur retraite. Cette perte de crédibilité explique que beaucoup risquent de se tourner vers l'assurance privée, ce qui ne fera finalement que des perdants. C'est la raison pour laquelle il faut un engagement clair en matière de taux de remplacement afin d'éviter la fuite des cotisants vers le privé. C'est à ce prix que les salariés pourront accepter un effort supplémentaire en faveur du régime général.
a souhaité savoir quel est le niveau de prélèvement obligatoire souhaitable pour financer les retraites sachant que celui-ci s'établit d'ores et déjà aujourd'hui à 12,5 % du PIB.
a expliqué que le taux de prélèvement obligatoire affecté à la branche vieillesse ne retrace pas l'intégralité de l'effort consenti par chaque Français pour financer sa retraite en raison de l'existence d'une épargne privée. Certaines entreprises ont une attitude incohérente lorsqu'elles refusent toute augmentation des prélèvements en faveur du régime général mais acceptent d'abonder des régimes d'assurance privée. Il faut afficher un objectif décent de taux de remplacement par rapport au dernier salaire car le cumul emploi-retraite ne peut pas être la solution à la faiblesse actuelle de ce taux.
a dénoncé les inégalités sans précédent dans la répartition des richesses et les perspectives offertes aux travailleurs de cotiser plus pour toucher moins. Le cumul emploi-retraite est un recul social et il est choquant d'observer la « financiarisation » de la protection sociale et les chiffres d'affaires colossaux de l'assurance-vie et de la prévoyance. On ne peut passer sous silence la situation des personnes qui ont vécu grâce aux minima sociaux ou qui ont cotisé sur des salaires très faibles et qui touchent ensuite des pensions modiques, souvent proches du minimum vieillesse. En comparaison, les salariés des grands groupes font figure de privilégiés car ils bénéficient d'accords collectifs plus favorables.
a expliqué que pour contenir le niveau des prélèvements obligatoires, on a progressivement abaissé le minimum garanti aux retraités et le niveau général des pensions. Mais l'effort individuel nécessaire pour maintenir le pouvoir d'achat à la retraite reste identique puisque chacun doit épargner dans cette perspective. Le débat sur les prélèvements obligatoires doit donc tenir compte de cet effort global en faveur des retraites.
s'est interrogé sur l'élargissement du financement des retraites par la CSG et a voulu savoir si la distinction entre dépenses relevant de l'assurance obligatoire et dépenses de solidarité reste pertinente. Il a également plaidé pour un renforcement des moyens du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Il a demandé si la Cnav dispose d'études économiques précises sur les fonds consacrés par les Français à l'assurance privée. Il serait en effet intéressant de savoir si le rapatriement de ces sommes vers le régime général réglerait réellement le problème de la pérennisation du financement des retraites. La même question se pose s'agissant des effets d'un alignement des régimes spéciaux.
a estimé que les cotisations sociales doivent rester prépondérantes dans le financement des retraites, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour la branche famille ou pour l'assurance maladie. La TVA sociale, parfois envisagée comme nouvelle recette pour le financement de la sécurité sociale, présente toutefois l'inconvénient de peser plus fortement sur les catégories sociales les plus faibles.
La Cnav a engagé des travaux sur les efforts d'épargne privée des Français et leur impact sur le taux de remplacement mais l'exhaustivité de ces études se heurte à des problèmes de transmission d'information entre le régime général et l'association générale des institutions de retraite des cadres - association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco). Une des pistes de travail pour l'amélioration du taux de remplacement pourrait être d'autoriser les assurés à cotiser au-delà du taux d'appel.
En tout état de cause, la répartition offre potentiellement plus de perspectives que la capitalisation : le rendement des cotisations aux régimes complémentaires atteint, en effet, encore aujourd'hui 7 % alors que le rendement des retraites par capitalisation n'est supérieur que de deux points à la progression du PIB.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales.
s'est dit sensible à l'idée d'une approche globale des comptes publics, estimant que les distinctions entre comptes de l'Etat et comptes de la sécurité sociale sont peu compréhensibles pour les citoyens. Une approche globale leur permettrait de se réapproprier les débats sur les déficits publics. En revanche, il s'est déclaré opposé à la fusion des lois de finances et des lois de financement, considérant que cette fusion remettrait en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale, notamment la place des partenaires sociaux dans sa gestion.
La branche famille est sans aucun doute la plus menacée par les projets de rebudgétisation de la sécurité sociale. La dissociation des règles de gestion de la branche famille par rapport aux autres branches poserait des problèmes importants et serait même contraire au processus de rapprochement des règles de fonctionnement des caisses locales entamé depuis plusieurs années.
Quelle serait, en outre, la place des partenaires sociaux en cas de rebudgétisation de la sécurité sociale ? Le départ des représentants du patronat des instances dirigeants de la sécurité sociale pose un problème et peut conduire certains à nourrir des projets de transformation des conseils d'administration des différentes caisses en simples conseils d'orientation, à la composition éventuellement élargie.
S'agissant plus précisément de la branche famille, le caractère pluriannuel de ses modes de gestion s'accommoderait mal des règles budgétaires applicables au budget de l'Etat. Pour ces raisons, il serait d'ailleurs justifié de modifier la conférence de la famille, aujourd'hui annuelle, pour la transformer en conseil d'orientation de la politique familiale et d'abandonner la pratique des thématiques annuelles au profit d'un suivi des différentes politiques à moyen et long termes. L'existence d'une branche famille de la sécurité sociale garantit la pérennité des recettes affectées à la politique familiale et met celle-ci à l'abri des à-coups d'une politique conjoncturelle. Toutefois, l'existence d'excédents structurels implique soit une adaptation et donc une baisse des recettes nécessaires pour faire face aux besoins, soit la définition de règles claires en matière d'affectation de ces excédents. On pourrait imaginer la création d'un fonds de régulation destiné à recevoir les excédents de la branche famille.
S'agissant de l'élargissement de l'assiette de financement de la protection sociale, les projets de TVA sociale sont disproportionnés par rapport aux effets vraisemblablement modestes susceptibles d'en découler en matière de recettes. La CSG avait été présentée, en son temps, comme une révolution, sans finalement avoir permis de résoudre le problème de financement de la sécurité sociale. M. Philippe Georges s'est en revanche déclaré favorable à la transformation de l'ensemble des cotisations patronales en cotisations salariales, cette unification présentant l'avantage d'une plus grande transparence des coûts de la sécurité sociale pour l'ensemble des acteurs. Il reviendrait aux Français, dans ce cadre, de procéder eux-mêmes à un arbitrage entre salaire immédiat et salaire différé.
Il serait excessif de vouloir établir une distinction stricte entre système assurantiel et solidarité, la sécurité sociale française ayant toujours reposé sur un système mixte. Une telle distinction est en tout état de cause inapplicable à la branche famille.
Le principal enjeu pour la branche famille est celui de la gouvernance, la régulation par les seuls syndicats de salariés et par le mouvement familial étant d'ailleurs difficile. Si les représentants du patronat refusent de revenir siéger au sein du conseil d'administration de la Cnaf, il deviendra légitime de s'interroger sur la transformation de celle-ci en une agence gouvernementale, à condition qu'elle continue à disposer d'une autonomie juridique et financière renforcée.
s'est déclarée défavorable à la fusion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale et a rejoint les craintes exprimées sur l'intégration de la branche famille au sein du budget de l'Etat. Toutefois, la politique démographique relève des compétences de l'Etat, ce qui pourrait théoriquement justifier une rebudgétisation de la branche famille.
Il s'est interrogé sur la façon la plus pertinente de gérer les excédents structurels de la branche et a voulu savoir si la Cnaf est disposée à assurer le financement intégral des majorations de pension pour enfants. Il a également souhaité connaître les propositions de la caisse en matière de simplification des allocations logement.
a reconnu que la politique familiale et démographique relève de la compétence de l'Etat. La marge de manoeuvre de la branche famille réside dans son fonds d'action sociale (FAS) géré par les partenaires sociaux. La rebudgétisation de la branche famille remettrait en cause cette gestion paritaire de l'action sociale et se heurterait donc à l'opposition des syndicats. Elle serait aussi contraire aux objectifs de décentralisation et de déconcentration, dans la mesure où une partie du FAS, à hauteur de 800 millions d'euros, est gérée par les caisses locales. La compétence de l'Etat en matière de politique familiale ne doit donc pas entraîner automatiquement l'intégration de la branche famille dans le budget de l'Etat.
Il est au contraire important de préserver l'indépendance de la branche famille afin de garantir la stabilité de la politique familiale et de sanctuariser ses recettes. S'agissant des excédents de la branche, le reproche fait aux partenaires sociaux de dilapider ces réserves à travers des dépenses ponctuelles est un mauvais procès car la fonte des excédents résulte bien davantage de la création par l'Etat de nouvelles prestations légales. Il serait possible de résoudre la question des excédents en abaissant le taux de la cotisation patronale affectée à la branche famille mais une telle solution est politiquement difficilement praticable. Il faut donc fixer des règles d'affectation de ces excédents, ceux-ci pouvant par exemple être redéployés vers des dépenses qui pèsent aujourd'hui sur les familles comme la prise en charge de la dépendance.
S'agissant des aides au logement, leur complexité provient de leur nombre et de leur mode de calcul : toute simplification supposerait une fusion des allocations et un alignement coûteux sur la prestation la plus favorable.
a voulu savoir si l'exercice consistant à mieux identifier les dépenses liées aux droits acquis par le travail et les dépenses de solidarité a un sens pour la branche famille.
a expliqué qu'un exercice approchant était mis en oeuvre en matière d'allocation logement, consistant à répartir les dépenses entre l'Etat et la branche famille en fonction du type de foyer bénéficiaire. Cet exercice comporte cependant des limites importantes et constitue une source de complexité pour le financement de ces prestations. S'agissant des droits acquis par le travail, seules certaines prestations en faveur de la petite enfance peuvent être considérées comme liées à la sphère professionnelle. Mais ce lien est si ténu qu'adopter une telle distinction pour la branche famille serait surtout source de confusion.
Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Bertrand Fragonard, président de la 2e chambre de la Cour des comptes.
Interrogé sur la nécessité d'assurer une meilleure approche globale des comptes publics, M. Bertrand Fragonard a estimé que cette question donne en elle-même le sentiment que cette approche globale n'existe pas. Sa vision n'est pas aussi pessimiste : l'essentiel des questions est aujourd'hui connu ; les administrations publiques préparant le projet de loi de finances et le projet de loi de financement se parlent beaucoup. Si on regarde rétrospectivement ces trente dernières années, ce qui frappe n'est pas le manque d'approche globale, mais le manque de cohérence des politiques car trois grandes zones de faiblesse demeurent :
- le travail interministériel n'est parfois pas suffisamment approfondi. Le ministre des finances en particulier, lorsqu'il met en place une modification de l'impôt sur le revenu, ne pense pas nécessairement à prévenir son collègue chargé des affaires sociales, en dépit des répercutions évidentes sur la CSG. 600 millions d'euros ont ainsi été perdus en matière de CSG du simple fait de la réforme de l'avoir fiscal ;
- il reste des zones de friction entre budgets de l'Etat et de la sécurité sociale, notamment dans le domaine des exonérations, ce qui a conduit à l'apparition d'une dette importante du premier à l'égard de la seconde. Chacune des deux parties joue sa partition et avance ses pions, mais il ne s'agit en aucun cas d'un problème d'approche globale insuffisante des finances publiques ;
- certaines propositions, comme celle actuellement explorée tendant à la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, montrent qu'il existe sans doute trop peu de lieux où la législation fiscale et la législation sociale sont également connues et maîtrisées.
s'est ensuite déclaré opposé à la fusion loi de finances et loi de financement, y voyant trois obstacles. D'abord, la différence de nature des crédits adoptés dans les deux lois : les crédits de loi de finances sont limitatifs, alors que l'on imagine mal que la loi de financement soit bâtie à partir d'enveloppes de même nature ; ensuite, la fusion des deux lois sera automatiquement vécue par les partenaires sociaux comme une dépossession et celle-ci aboutira à réduire le nombre des personnes ayant une compétence dans le domaine de la protection sociale ; enfin, on peut avoir des doutes sur la possibilité d'appréhender ce « grand tout » que deviendront les lois de finances et les lois de financement rassemblées dans une gigantesque loi unique.
Au demeurant, jusqu'à présent personne n'a véritablement été capable d'expliquer les raisons positives qui pourraient justifier cette fusion. Le risque, en outre, est que les administrations concernées passent beaucoup de temps à concevoir les voies et moyens de cette fusion, au détriment d'autres sujets plus importants ces prochaines années.
Interrogé sur le rôle des partenaires sociaux, M. Bertrand Fragonard a relevé leur rôle très limité en tant que partenaires institutionnels au sein des conseils d'administration de la Cnaf et de la Cnav. Pour ne citer qu'un exemple, le débat de septembre 2003 sur la réforme des pensions de réversion devant le conseil d'administration de la Cnav s'est révélé très lacunaire. S'agissant de la branche famille, les partenaires sociaux ne sont intéressés que par la partie « action sociale » et ne discutent jamais des prestations légales. En réalité, l'Etat a aujourd'hui totalement la main sur les prestations légales et l'on peut se demander effectivement pourquoi il faudrait conserver les partenaires sociaux au sein des caisses.
La question inverse mérite cependant aussi d'être posée : pourquoi faudrait-il supprimer leur présence ? On peut en effet considérer qu'il est nécessaire de conserver un groupe de personnes capables de servir de relais dans la connaissance des mécanismes de la protection sociale. Pour ce qui est de la branche maladie, l'option mise en oeuvre par la réforme d'août 2004 a été de laisser au bénéfice de la Cnam et de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) une zone de discussion conventionnelle maintenant l'Etat à distance. Toutefois, l'expérience le prouve, et tout particulièrement les discussions récentes sur la rétribution des médecins généralistes, l'Etat n'accepte pas véritablement son dessaisissement et continue de surveiller les discussions en usant de son droit d'agrément et de son rôle normatif.
a jugé qu'en définitive, même si les partenaires sociaux n'ont pas la main sur les décisions les plus importantes, il faut cependant essayer de faire vivre le paritarisme afin de laisser un maximum de personnes « dans le coup ». Par ailleurs, beaucoup de sujets peuvent être abordés dans le cadre de conversations parallèles avec les membres des conseils d'administration.
Il paraît en revanche difficile d'envisager d'aller plus loin dans la gestion paritaire de ces caisses. On pourrait certes théoriquement envisager que les prestations familiales constituent une enveloppe dont la gestion serait donnée en totalité aux partenaires sociaux, à l'instar de ce qui se fait déjà en matière de chômage et de retraite complémentaire. On n'imagine pas cependant l'Etat se retirer de sujets aussi importants, ayant de telles implications dans la vie de tous les jours.
a demandé s'il est important de conserver le principe de « droits acquis par le travail ».
a estimé que l'on a déjà beaucoup « décollé » de ce principe. En 1979, à la date de généralisation des prestations familiales, 17 % des dépenses de la branche étaient déjà versés au bénéfice des non-cotisants. Parallèlement, les prestations en nature de l'assurance maladie et les minima sociaux sont aujourd'hui déconnectés du travail.
La protection sociale ne naît d'ailleurs pas exclusivement du travail. Si les prestations vieillesse, chômage, accidents du travail - maladies professionnelles et les indemnités journalières sont comme « l'ombre portée » de la carrière, elles n'obéissent pourtant pas complètement à une logique de retour proportionnelle au bénéfice du cotisant. Dans une optique libérale, il serait même envisageable de casser les liens entre travail et protection sociale. On pourrait pousser les gens à se constituer eux-mêmes leur retraite en contrepartie de mécanismes de crédit d'impôt ou à acquitter des cotisations maladie auprès de l'organisme assuranciel de leur choix, l'Etat se donnant comme seule responsabilité d'aider les plus modestes.
Evidemment, ce schéma n'est pas celui aujourd'hui appliqué en France. Les retraites restent pour une large part contributives, alors que le lien entre cotisations et prestations a complètement disparu pour la branche famille.
La fiscalisation n'implique pas obligatoirement une budgétisation parallèle de la protection sociale. La mise en place de la CSG n'avait pas entraîné l'insertion de la branche maladie dans le budget de l'Etat. S'interroger sur une éventuelle budgétisation revient à se demander si les dépenses de la protection sociale peuvent entrer dans un cadre limitatif. Les interrogations sur la fiscalisation renvoient en revanche à une réflexion sur la nature de la recette.
A la différence de la budgétisation, la fiscalisation progressive des recettes des organismes de protection sociale répond pour le coup à un mouvement inéluctable. Il ne sera plus possible ensuite d'asseoir le financement de la protection sociale sur le seul coût direct du travail. On ne voit pas, en effet, autour de nous de pays qui accroissent les prélèvements directs sur la masse salariale. Les recherches s'orientent aujourd'hui vers les assiettes les plus larges possibles et le principe selon lequel c'est le travail qui fonde le droit à la protection sociale s'efface de plus en plus, au point que l'on pourrait presque dire dorénavant que c'est plutôt l'absence de travail qui fonde ce droit.
En ce qui concerne le débat lancé par le Président de la République en janvier 2006 sur l'élargissement de l'assiette des cotisations sociales patronales à la valeur ajoutée, M. Bertrand Fragonard a estimé qu'il existe deux écoles : la première envisage de conserver une cotisation patronale tout en s'interrogeant sur la restructuration de cette cotisation afin de la réorienter vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée ; la seconde prône un changement pur et simple d'assiette. Toutefois, tout changement d'assiette risque d'entraîner des transferts considérables d'une catégorie de contribuables à une autre.
Par exemple, la substitution de la TVA sociale aux cotisations patronales se fera au détriment du revenu des personnes âgées et créera un profil régressif dans la taxation de ce revenu. Sans doute serait-il plus pertinent de réfléchir aux niches fiscales dont bénéficient les retraités. La TVA sociale reviendra également à taxer les familles alors que les prestations familiales sont aujourd'hui exonérées d'impôt sur le revenu.
En fait, il est indispensable de s'interroger, préalablement à toute réforme, sur le type de financeur que l'on estime légitime. Pour autant, il est vraisemblable qu'à l'avenir, on ira de plus en plus vers une taxation du consommateur pour financer la protection sociale.
a ensuite demandé comment il sera possible d'assurer à l'avenir le financement des dépenses à caractère social, compte tenu de leur caractère extrêmement dynamique.
a proposé que l'on envisage aussi qu'il soit possible de ne pas accroître la dépense publique de nature sociale. Certes, on imagine mal que le poids des retraites n'augmente pas au cours des prochaines années. En matière de santé, il apparaît également évident qu'en l'absence de toute mesure, le poids des dépenses va s'accroître.
La question est néanmoins posée de savoir si l'on peut accepter que, dans l'avenir, une partie importante de la progression de la richesse nationale soit détournée au profit exclusif du domaine de la santé. Il est nécessaire de se demander jusqu'à quel point de pourcentage du PIB la société est prête à porter le niveau des dépenses de la branche maladie, car c'est sur cette branche que les choix se feront.
On pourrait parfaitement imaginer de reporter une partie de ces dépenses sur les ménages tout en les aidant à recourir à des couvertures de prévoyance. Le plus probable est cependant que le poids de la dépense socialisée continue d'augmenter, y compris pour la branche maladie.
En termes de recettes, il apparaît évident que l'assiette masse salariale ne pourra pas être plus sollicitée qu'elle ne l'est aujourd'hui pour assurer ce financement croissant et qu'il sera nécessaire de recourir soit à la TVA sociale, soit à une augmentation de la CSG.
A ce sujet, M. Bertrand Fragonard a jugé que les Français ont admis la CSG dont ils acceptent la proportionnalité et l'assiette large mais dont ils ignorent le caractère régressif lié à sa déductibilité partielle. La montée en puissance dans les réflexions de la TVA sociale apparaît plus récente. Elle date d'il y a deux ou trois ans, lorsque les Allemands ont commencé à envisager d'y recourir.
Interrogé sur la question de savoir s'il existe toujours un espace autonome pour la protection sociale au sein des finances publiques, M. Bertrand Fragonard a écarté une interprétation du concept d'autonomie comme pouvant signifier que la protection sociale se trouverait placée en dehors de la sphère de contrôle de la puissance publique.
Mis à part l'assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire, les autres composantes de la protection sociale ne sont pas placées en dehors de ce contrôle et il n'est pas souhaitable qu'elles le soient. En tout état de cause, la puissance publique, lorsqu'elle délègue, ne le fait qu'avec « mauvaise humeur ».
L'autonomie dont on peut parler aujourd'hui pour les branches de la sécurité sociale recouvre une certaine démocratie sociale qui se reflète dans le paritarisme, doublée d'une relative autonomie financière.
En ce qui concerne la simplification et la transparence accrue des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, il n'existe aucun motif de confusion dès lors que les comptes sont clairs et que les règles fixées sont respectées. Sur la question particulière de la dette de l'Etat à l'égard des organismes de protection sociale, les différents éléments du dossier sont techniquement parfaitement établis et la difficulté ne provient actuellement que d'un manque de volonté politique. Cette « guerre picrocholine », coûteuse en temps, mobilise les différentes administrations et le Parlement et occulte des sujets bien plus importants.
Ces questions sont d'autant plus irritantes qu'il n'existe en définitive qu'assez peu de surface de contact entre la sécurité sociale et l'Etat. L'essentiel est donc de fixer des règles et de s'y tenir afin de ne pas empoisonner l'atmosphère avec des sujets qui ne représentent pas des enjeux macroéconomiques majeurs. De ce point de vue, la dette de l'Etat à l'égard de la protection sociale n'est un problème insurmontable ni dans son étendue, ni dans sa technicité.
Interrogé enfin sur les voies et moyens d'une amélioration de la gouvernance de la sécurité sociale, M. Bertrand Fragonard a estimé que de grands progrès ont été faits en matière de cadrage. La question se pose de savoir s'il faut aller plus loin.
On observe que le comité d'alerte prévu pour l'Ondam n'a jamais été mis en oeuvre jusqu'à présent. La force de ce mécanisme d'alerte est de permettre de visualiser un dérapage éventuel et surtout d'obliger les responsables publics à prendre des mesures de redressement. L'assurance maladie se prête bien à ce type de pratique dans la mesure où le législateur a créé un lien entre un objectif voté, le contrôle en cours d'exercice du respect de cet objectif et la mise en place automatique de mesures de redressement en cas de non-respect.
Il n'est pas certain qu'il soit en revanche possible de généraliser cette mécanique aux autres branches. L'assurance vieillesse et les prestations familiales sont des dispositifs règlementaires pour lesquels le seul instrument de régulation en cours d'année ne serait que le gel de l'indexation sur les prix à laquelle ces prestations obéissent. Les dépenses de ces deux branches n'ont donc pas la plasticité de celles de la branche maladie.
Au demeurant, si un dérapage doit être constaté en cours d'exercice pour les retraites et la branche famille, il ne peut provenir que de l'élaboration d'un budget insincère par les gestionnaires des caisses. Il n'existe aucun motif de dérapage de l'ordre de 0,75 % comme celui envisagé pour l'Ondam s'agissant de prestations indexées sur les prix et dont le nombre de bénéficiaires peut en principe être établi a priori.
Il est néanmoins possible que les gestionnaires fassent des erreurs, parfois de bonne foi. Ainsi la loi famille de 1994, qui a créé l'allocation parentale d'éducation, contenait des évaluations fautives sur trois points : natalité sous-estimée (sur la base des données de l'institut national des études démographiques, on tablait sur 710.000 naissances par an au lieu de 800.000 effectives) ; progression des recettes fixée à 2,25 %, sur la foi des prévisions du ministère du budget, alors qu'une croissance aussi forte ne s'est pas vérifiée en pratique ; mauvaise anticipation du fait que les femmes bénéficiaires demanderaient en priorité à toucher l'allocation pour passer ensuite dans le dispositif de chômage, et non l'inverse.
Relevant également les erreurs d'évaluation commises sur la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), M. Bertrand Fragonard en a renvoyé une partie de la responsabilité sur le Parlement, regrettant que celui-ci accepte trop souvent de discuter de textes de loi à partir de fiches d'impact qui ne sont pas toujours bien faites.
Dans le même ordre d'idée, la réforme des retraites de 2003 a réservé deux surprises : les bénéficiaires ont usé, plus qu'on ne l'avait anticipé initialement, de la possibilité qui leur était offerte de partir plus tôt à la retraite ; en outre, les Français, effrayés par l'échéance de 2008, ont préféré partir plus tôt à la retraite, même lorsqu'ils n'avaient pas acquis l'ensemble de leurs droits. Là encore, il n'est pas dit que ces dérapages de la loi Fillon aient été faciles à prévoir.
En conclusion, la mise en place de l'Ondam ou la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, par exemple, ont introduit plus de clarté et un meilleur niveau de connaissance. La direction de la sécurité sociale apparaît en outre comme un maillon solide en dépit de la modestie de ses moyens et cette structure travaille en bonne entente avec la direction du budget. Il est donc tout à fait possible de piloter correctement la sécurité sociale. Ce qui manque aujourd'hui n'est pas la connaissance mais la volonté d'arrêter l'augmentation continue des prélèvements obligatoires.
A M. André Lardeux qui souhaitait connaître son opinion sur le projet de rapatriement de la branche famille dans le budget de l'Etat, M. Bertrand Fragonard a indiqué que cette branche est d'ores et déjà dans le giron de l'Etat et s'y est toujours trouvée. Même l'action sociale de la Cnaf est surveillée de très près par les ministres compétents. La budgétisation complète de la branche famille poserait un problème au regard de la nature des prestations qu'elle offre, dans la mesure où elles n'ont pas le caractère de dépenses limitatives. On imagine mal en effet que l'Etat puisse décider un arrêt du versement des prestations familiales en cours d'exercice pour des motifs de régularisation budgétaire.
Néanmoins, une budgétisation serait techniquement possible et aurait au moins le mérite de contraindre les pouvoirs publics à réfléchir à la cohérence d'ensemble des différentes composantes de la politique familiale. Force est de constater en effet que chaque bloc constitutif de cette politique (quotient familial, prestations familiales, minima sociaux, etc.) évolue indépendamment l'un de l'autre. A ce sujet, M. Bertrand Fragonard a regretté que le Parlement n'ait pas organisé un grand débat permettant d'aborder l'ensemble de ces sujets.
A M. Alain Vasselle, rapporteur, qui demandait son sentiment sur la création éventuelle d'un fonds chargé de recueillir les excédents structurels de la branche famille, M. Bertrand Fragonard a répondu que ces excédents sont mécaniquement provoqués par l'indexation des prestations familiales sur les prix, ce qui aboutit de fait à une sous-indexation de ces allocations. Estimant que cette sous-indexation relève d'une volonté délibérée de la puissance publique, il a qualifié de « digue de sable » le fond de stabilisation ici envisagé. En réalité, l'excédent structurel de la branche famille s'explique par le déficit de la branche maladie, la seule pour laquelle le politique ne sait pas ce qu'il veut ni où il va.
Revenant à la question du rôle des partenaires sociaux, il a estimé que, même dans les secteurs où ceux-ci sont seuls aux commandes, comme l'assurance chômage et les retraites complémentaires, il n'est pas sûr qu'ils soient capables d'assumer correctement la gestion des organismes dont ils ont la charge. Il est en effet difficile de piloter les prestations alors que l'on ne dispose d'aucun moyen d'action sur les recettes. Néanmoins, il ne paraît pas opportun de diminuer le rôle, même modeste, dont disposent les partenaires sociaux. Il s'est par conséquent une nouvelle fois déclaré favorable au maintien du statu quo pour les conseils d'administration des différentes branches de la sécurité sociale.
l'a enfin interrogé sur la nécessité de s'assurer qu'il existe bien un lien entre la recette et la dépense dans le domaine de la protection sociale, même si l'on peut penser que ce débat est finalement secondaire dès lors que les règles fixées sont claires et appliquées.
a mis en doute la possibilité de désigner, en matière de prestations familiales, une recette qui se justifierait par nature pour financer des dépenses de type allocation de parent isolé (API) ou allocation de logement familiale (ALF). L'essentiel est, à ses yeux, qu'avant de prendre une décision, les responsables aient une vision claire du problème et aient une idée tout aussi claire de la politique qu'ils veulent mener pour y répondre.