a estimé que l'on a déjà beaucoup « décollé » de ce principe. En 1979, à la date de généralisation des prestations familiales, 17 % des dépenses de la branche étaient déjà versés au bénéfice des non-cotisants. Parallèlement, les prestations en nature de l'assurance maladie et les minima sociaux sont aujourd'hui déconnectés du travail.
La protection sociale ne naît d'ailleurs pas exclusivement du travail. Si les prestations vieillesse, chômage, accidents du travail - maladies professionnelles et les indemnités journalières sont comme « l'ombre portée » de la carrière, elles n'obéissent pourtant pas complètement à une logique de retour proportionnelle au bénéfice du cotisant. Dans une optique libérale, il serait même envisageable de casser les liens entre travail et protection sociale. On pourrait pousser les gens à se constituer eux-mêmes leur retraite en contrepartie de mécanismes de crédit d'impôt ou à acquitter des cotisations maladie auprès de l'organisme assuranciel de leur choix, l'Etat se donnant comme seule responsabilité d'aider les plus modestes.
Evidemment, ce schéma n'est pas celui aujourd'hui appliqué en France. Les retraites restent pour une large part contributives, alors que le lien entre cotisations et prestations a complètement disparu pour la branche famille.
La fiscalisation n'implique pas obligatoirement une budgétisation parallèle de la protection sociale. La mise en place de la CSG n'avait pas entraîné l'insertion de la branche maladie dans le budget de l'Etat. S'interroger sur une éventuelle budgétisation revient à se demander si les dépenses de la protection sociale peuvent entrer dans un cadre limitatif. Les interrogations sur la fiscalisation renvoient en revanche à une réflexion sur la nature de la recette.
A la différence de la budgétisation, la fiscalisation progressive des recettes des organismes de protection sociale répond pour le coup à un mouvement inéluctable. Il ne sera plus possible ensuite d'asseoir le financement de la protection sociale sur le seul coût direct du travail. On ne voit pas, en effet, autour de nous de pays qui accroissent les prélèvements directs sur la masse salariale. Les recherches s'orientent aujourd'hui vers les assiettes les plus larges possibles et le principe selon lequel c'est le travail qui fonde le droit à la protection sociale s'efface de plus en plus, au point que l'on pourrait presque dire dorénavant que c'est plutôt l'absence de travail qui fonde ce droit.
En ce qui concerne le débat lancé par le Président de la République en janvier 2006 sur l'élargissement de l'assiette des cotisations sociales patronales à la valeur ajoutée, M. Bertrand Fragonard a estimé qu'il existe deux écoles : la première envisage de conserver une cotisation patronale tout en s'interrogeant sur la restructuration de cette cotisation afin de la réorienter vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée ; la seconde prône un changement pur et simple d'assiette. Toutefois, tout changement d'assiette risque d'entraîner des transferts considérables d'une catégorie de contribuables à une autre.
Par exemple, la substitution de la TVA sociale aux cotisations patronales se fera au détriment du revenu des personnes âgées et créera un profil régressif dans la taxation de ce revenu. Sans doute serait-il plus pertinent de réfléchir aux niches fiscales dont bénéficient les retraités. La TVA sociale reviendra également à taxer les familles alors que les prestations familiales sont aujourd'hui exonérées d'impôt sur le revenu.
En fait, il est indispensable de s'interroger, préalablement à toute réforme, sur le type de financeur que l'on estime légitime. Pour autant, il est vraisemblable qu'à l'avenir, on ira de plus en plus vers une taxation du consommateur pour financer la protection sociale.