a indiqué qu'une approche plus globale des finances publiques constitue le point de départ du raisonnement sur la situation financière actuelle de notre pays. Celle-ci comporte quatre éléments : le déficit public, la dette publique, l'ensemble des prélèvements obligatoires et l'ensemble des dépenses publiques. Ces dernières, d'un montant total de 900 à 950 milliards d'euros, comprennent le budget de l'Etat pour 268 milliards, les dépenses entrant dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit environ 400 milliards qui deviennent 430 à 450 milliards pour l'ensemble des organismes sociaux, et les dépenses des collectivités territoriales, soit 200 milliards.
Pour les institutions européennes, comme dans la plupart des pays européens, aucune différence n'est faite en France entre dépenses de l'Etat et dépenses de la sécurité sociale, l'analyse portant sur l'entité unique des finances publiques. Il est donc indispensable de favoriser autant que faire se peut une approche globale.
De ce point de vue, des progrès importants ont été réalisés depuis deux ans. Ainsi, à la suite du rapport Pébereau, une véritable prise de conscience collective sur l'excès d'endettement public de la France est apparue. La mise en place de la conférence nationale des finances publiques et du conseil d'orientation des finances publiques a permis, pour la première fois, de mettre autour d'une table l'ensemble des acteurs de la dépense publique : ministres et représentants du pouvoir exécutif, présidents des caisses de sécurité sociale, représentants des collectivités territoriales et parlementaires. L'organisation conjointe d'un débat d'orientation budgétaire et sur les finances sociales est également un apport important, même si sa caractérisation sociale pourrait être un peu plus prononcée, ainsi que le souhaite, à juste titre, la commission des affaires sociales du Sénat. L'organisation, dans cette seule assemblée pour l'instant, d'un débat sur les prélèvements obligatoires en présence des ministres sociaux et financiers s'inscrit dans la même logique positive. Il en est de même de l'obligation édictée par la Lolf de rendre cohérent le rapport social, économique et financier annexé au projet de loi de finances avec, d'une part, le programme de stabilité, d'autre part, le cadrage du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, dernière innovation, la lettre de cadrage du Premier ministre envoyée cette année aux ministres prévoit non seulement les grandes lignes d'élaboration du projet de loi de finances, mais encore celles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin d'en mieux coordonner la préparation.
La question de la fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale est extrêmement complexe et ne peut, en l'état actuel, recevoir de réponse tranchée. Malgré tous les progrès réalisés, on dispose encore d'un système peu satisfaisant. Ainsi, l'existence de deux textes fait que l'on concentre le débat sur les frontières des champs couverts et sur « qui paye quoi », ce qui en restreint la portée et, surtout, ce qui ne répond pas à un intérêt direct des citoyens. Par ailleurs, avec deux textes, on constate une réelle difficulté à définir des stratégies cohérentes, et cela sur des questions aussi essentielles que le volume global des prélèvements obligatoires ou certaines politiques sectorielles, comme la politique familiale. Enfin, il n'y a pas de justification théorique évidente pour l'attribution d'une dépense au budget de l'Etat ou aux caisses de sécurité sociale selon sa nature. En effet, le budget de l'Etat, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, comporte de nombreuses dépenses de guichet, telles que les prestations aux anciens combattants ou les aides aux agriculteurs. A l'inverse, on trouve dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale un certain nombre de dépenses discrétionnaires, comme les dépenses d'action sociale des caisses, notamment de la caisse nationale d'allocations familiales. Aussi bien le besoin d'une coordination aussi poussée que possible entre les deux textes se fait-il sentir avec acuité, comme en témoignent les conclusions du récent rapport Lambert-Migaud.
a ensuite indiqué que pour faire évoluer la situation, quatre schémas théoriques peuvent être envisagés. Le premier, « Amélioration de l'existant », consiste à poursuivre dans la voie frayée depuis deux ans. Cela pourrait se faire à partir de trois actions : élaborer une lettre de cadrage unique, ce qui vient d'être réalisé ; créer un objectif national de dépenses pour la famille afin de permettre un meilleur pilotage de cette branche par la dépense ; anticiper les arbitrages du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui, jusqu'à maintenant, étaient pris à la dernière minute, soit en août-septembre. Pour atteindre ce dernier objectif, il convient de commencer l'élaboration du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale en même temps, d'organiser très en amont les réunions sur les réformes structurelles, d'arrêter l'arbitrage sur le niveau des dépenses avant le débat d'orientation budgétaire de manière à assurer un véritable débat d'orientation des finances sociales, de déconnecter les arbitrages sur les recettes de ceux sur les dépenses avec des décisions dès le mois de juillet, enfin de lancer l'idée d'un comité d'alerte pour les dépenses de la branche famille.
Le deuxième schéma est celui de la « Juxtaposition des textes ». Il consisterait à n'organiser qu'une seule discussion générale avec, en première partie, le budget de l'Etat et, en deuxième partie, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le seul gain réel de cette approche serait la mise en cohérence des discussions et du débat politique tout en conservant les deux textes. Cela reviendrait, d'une certaine manière, à étendre le débat actuel du Sénat sur les prélèvements obligatoires à l'Assemblée nationale et à l'appliquer à l'ensemble des dépenses publiques. On pourrait même envisager un vote global sur les grands objectifs de dépenses publiques, dont le détail serait ensuite précisé dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le troisième schéma, « Pot commun de recettes », a pour objet d'organiser, d'un côté, le vote de l'ensemble des recettes publiques, de l'autre, l'examen des dépenses, pour l'Etat selon les règles de la Lolf, en crédits limitatifs, et pour la sécurité sociale, en mode évaluatif. L'avantage principal serait une grande cohérence de la politique des prélèvements obligatoires. L'inconvénient majeur serait la perte de la logique de solde des comptes sociaux et de la responsabilisation par la recette. A cet égard, il faut toutefois souligner le danger d'un pilotage exclusivement par le solde, car il expose à un surcroît de dépenses lorsque la situation des recettes est bonne et à un accroissement des prélèvements obligatoires lorsque la conjoncture est mauvaise. Un pilotage pluri-annuel par la dépense est donc nécessaire, comme le montrent certaines décisions récentes contestables, pour l'Unedic en 2000 ou pour la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), conçue, en fait, afin d'utiliser les excédents de la branche famille.
Le quatrième schéma est celui de la « Fusion pure et simple ». Les dépenses familiales et maladie deviendraient des programmes du budget général, les caisses étant les opérateurs de l'Etat. Ce scénario rejoint les propositions de M. Philippe Marini dans son dernier rapport sur les prélèvements obligatoires. Une telle fusion exclurait néanmoins l'assurance chômage, vrai modèle de gestion par les partenaires sociaux, la vieillesse, tant en ce qui concerne le régime général qu'a fortiori les régimes complémentaires, et les accidents du travail - maladies professionnelles.
L'intégration de la branche famille dans le budget de l'Etat est la plus légitime, même si elle ne repose sur aucune justification théorique liée aux distinctions entre assurance et solidarité, contributif et non contributif, impôts et cotisations. En effet, d'un point de vue pragmatique, il incombe aujourd'hui à l'Etat de gouverner presque entièrement le dispositif, la gestion paritaire étant assez illusoire par différence avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), et l'Etat finance une part considérable des dépenses à travers l'allocation aux adultes handicapés (AAH), l'allocation de parent isolé (API) et les aides personnelles au logement. En outre, la politique fiscale est très présente dans ce domaine, notamment à travers le quotient familial. Enfin, cette fusion aurait le mérite de supprimer les cofinancements dont les effets sont toujours pernicieux, que ce soit par des politiques conjointes, des politiques partagées ou des partages d'impôts.
a ensuite précisé que la direction du budget a actuellement pour mission la seule mise en oeuvre du premier schéma, celui de l'amélioration de l'existant.
Le vrai problème actuel des politiques publiques est celui de leur soutenabilité, notamment par les générations futures, ainsi que celui de leur performance. Il est donc essentiel de s'intéresser à la dépense, avant même de se pencher sur les questions de financement ou de solde.
En effet, les perspectives du vieillissement démographique pourraient avoir un impact de trois points de produit intérieur brut (PIB), soit 60 milliards d'euros, soit encore l'équivalent d'une deuxième contribution sociale généralisée (CSG).
Face à une telle situation, plusieurs voies sont fermées : laisser filer l'endettement public, c'est-à-dire entrer dans la spirale insoutenable de la dette ; augmenter les prélèvements obligatoires, car cela entraînerait des problèmes de compétitivité internationale (le seuil actuel de quarante-quatre points de PIB constitue déjà un niveau de prélèvements obligatoires très élevé), d'acceptabilité par le corps social et d'équité intergénérationnelle. La seule voie possible est donc celle de la maîtrise de la dépense, ce qui nécessitera des réformes structurelles, comme le rendez-vous de 2008 en matière de retraites.
La socialisation des besoins humains est sans doute à son maximum en France mais, aujourd'hui, l'ensemble du système doit être mis sous contrôle.