Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 27 avril 2016 à 14h30
République numérique — Articles additionnels après l'article 12, amendements 448 326 1

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa, rapporteur :

En effet, monsieur le président, comme vous m’y avez autorisé, j’intégrerai la présentation de mes deux sous-amendements aux avis que j’émettrai au nom de la commission sur les six amendements en discussion commune, et ce afin d’éclairer la Haute Assemblée et d’assurer la clarté des débats.

L’ensemble des amendements visent un même objectif extrêmement important : garantir l’ouverture, le partage et la réutilisation, autrement dit l’open data des décisions de justice.

Ces décisions de justice sont toutes rendues au nom du peuple français et sont publiques. Il apparaît donc opportun de prévoir la mise à disposition de toutes les décisions, et pas seulement de celles publiées par la Cour de cassation ou le Conseil d’État, car elles feraient jurisprudence.

Cependant, je ne dispose d’aucune information sur les moyens budgétaires alloués à la justice pour réaliser cette ouverture de toutes les décisions de justice.

Par ailleurs, je note que le dispositif proposé déroge au code des relations entre le public et l’administration, dans la mesure où il se borne à garantir le respect de la vie privée sans prévoir le traitement des données qui rendrait impossible la ré-identification des personnes. Quelles en seront les conséquences ?

À titre personnel, en tant que rapporteur, je regrette de n’avoir eu connaissance des amendements du Gouvernement que le lundi 25 avril en fin d’après-midi, alors même que nous avions discuté de ces dispositions avec le Gouvernement dès le 7 mars dernier, premier jour des auditions que j’ai menées sur le projet de loi. J’aurais aimé pouvoir approfondir ma réflexion et entendre les juridictions sur les implications concrètes de mesures aussi importantes.

C’est pourquoi j’ai émis un avis réservé sur ces amendements lorsque la commission s’est réunie pour les examiner, conscient des enjeux soulevés par cette question lors du long débat qui s’est déroulé en commission hier matin.

La commission a toutefois marqué sa volonté d’aller de l’avant et a jugé nécessaire que le législateur lance le mouvement. Elle m’a donc mandaté pour déposer deux sous-amendements aux amendements du Gouvernement.

Ces sous-amendements visent tout d’abord à répondre au souci de préserver la présomption d’innocence. C’est pourquoi l’open data ne s’appliquerait, en tout cas dans un premier temps, qu’aux décisions de justice devenues définitives.

Ensuite, dès lors que nous instaurerons un régime spécial qui n’est pas couvert par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, il apparaît important d’étendre le principe de l’analyse du risque de ré-identification des personnes, que nous avons introduit et confirmé hier en séance publique.

Enfin, compte tenu de l’enjeu lié au nécessaire respect de la vie privée, il apparaît nécessaire de renvoyer à un décret en Conseil d’État, et non à un décret simple, la fixation des modalités d’application du dispositif.

Dans la mesure où nous ne disposons pas d’étude d’impact, en particulier sur les coûts d’anonymisation que représente l’open data des décisions de justice, nous ne sommes pas en mesure d’annoncer un calendrier de mise en œuvre de la réforme. Cependant, il est évident que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain et que les besoins en matière d’anonymisation varient selon le degré de la juridiction concernée et, surtout, selon la nature du contentieux. C’est la raison pour laquelle les sous-amendements tendent à créer une distinction entre les différentes catégories de décisions et de jugements.

Avec ces sous-amendements, la commission des lois a – je le répète – souhaité engager un processus qui comportera probablement plusieurs étapes. Elle a également souhaité donner son approbation à l’open data des décisions de justice.

Pour finir, j’aimerais dire un mot de l’amendement n° 448 rectifié : le principe de la séparation des pouvoirs empêche d’assimiler les décisions de justice à des documents administratifs et de soumettre leur diffusion au contrôle de la CADA. En revanche, j’ai bien noté que les amendements du Gouvernement, en renvoyant à l’article L. 326-1 du code des relations entre le public et l’administration, tendent à confier à cette même CADA une compétence pour connaître des réutilisations illégales de ces décisions de justice.

En conséquence, la commission émettra un avis défavorable sur l’amendement n° 448 rectifié et un avis favorable sur les amendements n° 581 et 582, de même que, par extension, sur les amendements identiques n° 604 et 577, sous réserve de l’adoption des sous-amendements de la commission.

L’amendement n° 447 rectifié est quant à lui satisfait par le droit en vigueur depuis l’adoption de la loi Valter, en décembre dernier. Je demanderai donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

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