Intervention de Alain Richard

Réunion du 27 avril 2016 à 14h30
République numérique — Articles additionnels après l'article 12

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Comme cela se produit assez souvent quand on légifère, nous nous trouvons à un point de confrontation entre le souhaitable et le possible.

Il me semble que les auteurs des amendements qui affirment le principe de l’exigence de l’open data sont extrêmement fougueux dans le sens du souhaitable ! §Ils sont en revanche un peu plus difficiles à suivre lorsqu’on évalue le possible.

Je voudrais tout d’abord souligner que la publication en ligne généralisée de tous les jugements aura surtout pour effet de produire une masse informe et confuse de données. En effet, aucune donnée ne peut être utilisée dans une décision de justice si aucun travail d’analyse du contenu n’a été engagé préalablement, ce qui représente une tâche intense exigeant beaucoup de qualifications.

Pourquoi n’y a-t-il que 1 % des décisions des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs – c’est un domaine que je connais un peu – qui soient publiées aujourd’hui ? C’est parce qu’il s’agit là des seules décisions ayant bénéficié d’une analyse, et de celles-là seulement, mes chers collègues ! Tous les autres jugements ne font l’objet d’aucun travail d’analyse ou d’indexation. Si l’on imagine un système dans lequel cent fois plus de décisions de justice feraient l’objet d’un tel travail, on se trouverait alors devant une impossibilité humaine et durable d’y faire face.

Certes, il est sans doute utile de produire un tel amas de décisions de justice non traitées. Comme le laisse entendre Jean-Yves Leconte, cela permettra de réaliser des statistiques sur l’occurrence plus ou moins fréquente de tel ou tel terme, et on pourra certainement en tirer quelques observations. En revanche, si l’objectif est d’améliorer l’information du public et de l’éclairer, la valeur ajoutée d’une telle mesure est extrêmement superficielle. Ou alors, cela supposerait un travail encyclopédique absolument colossal.

Ensuite, s’agissant de l’anonymisation des données, il me semble que l’objection soulevée par Mme la secrétaire d’État sur l’amendement de M. le rapporteur n’a aucune valeur : il est en effet très facile de vérifier si une décision rendue est définitive ou pas. Il suffit d’apprécier ce que la juridiction d’origine sait forcément, à savoir si son jugement a été frappé d’appel ou pas. Si la décision de justice n’a pas été frappée d’appel, elle est définitive ! Cela ne représente donc aucun travail supplémentaire.

Sur la question de l’anonymisation des données, j’ai plus que du mal à suivre votre raisonnement, madame la secrétaire d’État. En effet, si ce que vous dites est parfaitement établi juridiquement, il n’est pas nécessaire d’introduire dans le code de justice administrative la mise à la disposition du public des jugements, à titre gratuit, dans le respect de la vie privée des personnes concernées. Vous ajoutez ainsi une contrainte normative supplémentaire, ce qui représente une charge d’analyse en plus.

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