Ces deux amendements ont pour objet d’étendre les possibilités d’accéder à des données non communicables par le recours à la procédure applicable en matière d’archives. Ils visent donc à contourner le problème posé par le caractère non communicable de certains documents en exploitant la possibilité réservée aux services d’archives de donner par exception l’accès à des archives avant le terme prévu par la loi. Il s’agit d’une construction procédurale assez élaborée et, pour tout dire, assez fragile.
Une administration n’aurait pas le droit, compte tenu de la loi CADA, de communiquer un document. En assimilant celui-ci à une archive vivante, le service des archives pourrait décider, après avoir pesé les différents intérêts en présence, d’ouvrir malgré tout l’accès à ces archives. La procédure ne serait applicable qu’aux bases de données, ce qui nécessiterait ensuite une autorisation de la CNIL. Afin d’inciter l’administration à accepter, le comité du secret statistique pourrait être consulté.
Un tel dispositif suscite de nombreuses réserves. Il s’agit en réalité d’utiliser une sorte d’itinéraire bis de l’accès à certains documents non communicables, une voie procédurale exceptionnelle. Je note à cet égard que les archives accèdent à la demande de communication qui leur est faite dans 85 % des cas. Il ne semble donc pas qu’il y ait urgence à faciliter encore cet accès, plutôt assez ouvert.
En outre, emprunter cet itinéraire bis semble une très mauvaise idée, car, si le service des archives peut autoriser la consultation de la base de données, en revanche, il ne peut autoriser la réutilisation des données. Or toute recherche sur une base de données mobilise, par définition, un traitement de ces données par data mining, ce qui équivaut à une réutilisation.
Nous avons adopté, à l’article 4, le principe suivant lequel ne peuvent être réutilisées que les données communicables à tous, ce qui ne sera pas le cas, par définition, de la base de données en cause. L’itinéraire bis semble donc bouché par ce que nous avons voté.
Madame la secrétaire d’État, je comprends certes le but que vous recherchez par cet amendement. J’ai cherché une solution ; néanmoins, son dépôt très tardif ne nous a laissé que peu de temps pour ce faire. Je n’en ai pas trouvé ; il semble en fait qu’il n’y en ait pas. Il faut selon moi revoir l’ensemble du système que vous proposez. Manifestement, le projet n’est pas mûr et mérite un réexamen complet.
J’observe que ce dispositif n’a été évoqué à aucun moment ni dans les travaux préparatoires, ni lors de la consultation publique, ni à l’Assemblée nationale. Nous aurions en outre apprécié d’avoir l’avis du Conseil d’État.
D’ailleurs, si l’on compare ce dispositif avec celui de l’article 18 en matière d’utilisation du numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques, ou encore avec celui qui est prévu dans la loi de modernisation de notre système de santé pour l’utilisation des données d’assurance maladie, la différence dans la rigueur et le niveau des garanties prévues est frappante. Or, de l’aveu même du Gouvernement, ce dispositif devrait être utilisé pour faciliter l’accès aux fichiers de la CNAV ou de la CNAF, voire de n’importe quelle autre administration. Nous ne pouvons pas exposer ces données à une procédure qui ne présenterait pas toutes les garanties requises.
Je vous invite plutôt, madame la secrétaire d’État, à vous inspirer des deux exemples que j’ai cités. En outre, vous avez évoqué dans la présentation de votre amendement l’exemple des données de santé. Celles-ci bénéficient pourtant de procédures et de garanties spécifiques, ce qui ne serait pas le cas ici. Le comité du secret statistique n’est pas un verrou ; il donne simplement un avis. Le service des archives n’est pas quant à lui une autorité administrative indépendante ; c’est un simple service. Enfin, en ce qui concerne les enquêtes sur les revenus, on peut déjà avoir accès aux bases fiscales et aux bases statistiques de l’INSEE.
Pour toutes ces raisons, je demanderai à M. Sueur et au Gouvernement de bien vouloir retirer leurs amendements ; faute de quoi, la commission des lois émettra un avis défavorable.