Intervention de Philippe Bas

Réunion du 28 avril 2016 à 15h00
République numérique — Articles additionnels après l'article 23 ter priorité

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes un parlementaire chevronné. Vous êtes même orfèvre en matière de relations avec le Parlement, compte tenu des fonctions que vous avez récemment exercées ; je dois dire que le Sénat a eu plaisir à entretenir avec vous un dialogue toujours fructueux lorsque vous étiez secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

De ce fait, vous êtes particulièrement à même de pouvoir anticiper les réactions d’une assemblée parlementaire lorsqu’elle a le sentiment que le Gouvernement, toutes affaires cessantes, cède à la tentation de « forcer le passage », fût-ce avec les meilleures intentions.

Vous le savez – nous avons connu quelques précédents, d’ailleurs sanctionnés par le Conseil constitutionnel –, l’introduction devant la deuxième assemblée saisie dans le cadre de la procédure accélérée de dispositions d’une assez grande portée, sans que la commission et son rapporteur aient eu le temps de procéder aux auditions nécessaires pour comprendre le fond du sujet, heurte de plein fouet les droits du Parlement.

Imaginons que, dans n’importe quel domaine, des ministres, s’appuyant sur de très bons arguments, viennent nous demander de voter des amendements de trois pages, en invoquant des enjeux essentiels et une urgence impérieuse : devrions-nous alors obtempérer, presque les yeux fermés ? Nous serions portés à le faire vous concernant, car nous avons confiance en vous, mais, tout de même, n’y avait-il pas, pour le Gouvernement, d’autre voie que d’annoncer aux signataires de l’accord conclu de haute lutte que le premier texte législatif venu serait utilisé ?

Le Gouvernement, qui maîtrise l’ordre du jour prioritaire du Parlement, a bien d’autres moyens de faire débattre d’une disposition urgente que celui auquel vous êtes en train de recourir.

Je me mets à la place de mes collègues de l’Assemblée nationale, qui verraient arriver en commission mixte paritaire des dispositions dont eux-mêmes n’auraient pas pu débattre comme nous le faisons ici, même si c’est de la manière la plus superficielle…

Je crois que les signataires de l’accord ne peuvent que comprendre et accepter que nous souhaitions pouvoir nous entretenir de cette question avec eux avant d’adopter les dispositions que vous nous présentez. C’est tout de même la moindre des choses ! Qui, en France, pourrait contester le droit du Parlement d’être éclairé par des discussions approfondies avant de se prononcer ?

Monsieur le secrétaire d’État, soyez assuré que j’ai de la sympathie pour les préoccupations que vous relayez et que je souhaiterais pouvoir vous aider à trouver un débouché législatif à l’accord que vous nous avez décrit, mais je ne peux décidément pas proposer à notre assemblée de le faire dans de telles conditions.

Je demanderai aux différentes parties prenantes de comprendre qu’il vaut mieux se donner un mois pour élaborer un texte législatif de qualité, plutôt que d’agir dans la précipitation en mettant en cause les droits fondamentaux du Parlement et la qualité du dialogue que nous pouvons avoir avec les représentants de ces entreprises.

C’est la raison pour laquelle je suis obligé de réaffirmer la position prise par notre commission.

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