Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Demande d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Débat sur une déclaration du gouvernement suivi d'un vote

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Nous avons réellement sous-estimé ses forces politiques et militaires, et la guerre éclair s’est transformée en guerre d’usure.

Que faire, maintenant ? Sur ce point, j’affirmerai mon désaccord avec mes collègues et amis du groupe CRC-SPG. Déserter et laisser les insurgés seuls face à la garde prétorienne, face aux mercenaires et aux tribus fidèles à Kadhafi serait condamner à une répression violente, dont nous avons préservé Benghazi au mois de mars, une population plus nombreuse encore ; ce serait relancer une vague d’exode vers l’Égypte et la Tunisie ; ce serait tuer tout espoir de réussite pour les révolutions tunisienne et égyptienne en cours ; ce serait placer, à terme, tout le Sahel sous la coupe de Kadhafi.

« La géographie, cela sert d’abord à faire la guerre », disait Yves Lacoste. Sur ce théâtre géopolitique, la carte est très lisible.

Regardons vers l’ouest et vers l’est : la Libye, située entre la Tunisie et l’Égypte, ne doit pas retrouver sa capacité de déstabiliser ses deux voisins, ce qu’elle a souvent fait dans le passé. Dans ces deux pays, le processus de reconstruction institutionnel, social et économique sera long, difficile, il devra affronter de graves menaces intérieures. Que ne s’y ajoutent pas la menace extérieure ni des réfugiés par centaines de milliers !

Regardons vers le sud : depuis quarante ans, Kadhafi mène des politiques de déstabilisation, tantôt au Tchad, tantôt au Niger ; le Mali est atteint, le Burkina Faso aussi. Cette déstabilisation est politique et culturelle : elle tend à délégitimer l’islam africain au profit d’un catéchisme islamiste fort éloigné de la sunna ; elle met en péril des gouvernements, tels que ceux du Mali ou du Niger, qui s’orientent vers l’État de droit.

Enfin, regardons de notre côté, vers le nord, car ces pays du sud de la Méditerranée sont nos proches voisins : nous sommes liés par l’histoire, même quand elle a été conflictuelle ; nous sommes liés par la curiosité réciproque, les échanges humains, en dépit du mur derrière lequel l’Union européenne se barricade ; nous sommes liés par la langue et la culture. La jeunesse du sud de la Méditerranée constitue la réserve démographique d’une Europe vieillissante. Ces migrants illégaux que le Gouvernement traite aujourd’hui comme des délinquants seront notre avenir dans vingt ans, et encore plus celui de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, en pleine débâcle démographique.

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