Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 4 mai 2016 à 14h45
Femmes et mineur-e-s victimes de la traite des êtres humains — Débat organisé à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les corapporteurs, mes chers collègues, le phénomène de la traite des êtres humains s’est fortement amplifié au cours des dernières années, malgré un arsenal législatif régulièrement actualisé et une mobilisation internationale importante depuis plus d’un siècle.

Force est de le constater, les grands bouleversements géopolitiques consolident les réseaux mafieux à l’origine des réseaux prostitutionnels de grande ampleur auxquels nous sommes confrontés, notamment dans nos territoires urbains et périurbains.

Mais cet esclavage moderne, développé par des réseaux criminels violents, n’est pas une nouveauté.

En 2003 déjà, bien avant la crise migratoire, c’est le Sénat qui avait introduit dans le code pénal, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour la sécurité intérieure, la notion de traite des êtres humains, ainsi que les outils juridiques destinés à combattre les réseaux mafieux tirant profit du proxénétisme.

Le 15 janvier dernier, j’ai eu le plaisir d’accueillir à Nice deux des corapporteurs du présent rapport. Ces dernières ont pu constater le travail accompli dans les Alpes-Maritimes pour venir en aide aux victimes de la traite en matière de proxénétisme.

Ce déplacement a surtout été l’occasion d’évaluer les réponses pragmatiques qui peuvent être apportées par une collectivité locale lorsque les pouvoirs publics, les acteurs associatifs et les élus se mobilisent.

Ainsi, la visite d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, puis la réunion de travail organisée avec les associations, les élus, les services préfectoraux et les services de police, ont permis de mettre en lumière notre dispositif de coordination contre la traite, et tout particulièrement contre l’exploitation des personnes par la prostitution.

Concrètement, ce dispositif a conduit à la mise en place d’une commission départementale de lutte contre les violences, chargée de dresser un état des lieux précis de la traite sur le territoire.

Cette commission est complétée par plusieurs groupes de travail et une assemblée plénière présidée par le préfet, chargés de proposer un accompagnement social et juridique aux victimes.

Les missions s’articulent en deux temps.

D’une part, un diagnostic territorial est réalisé, visant à recenser les victimes de violence, principalement grâce au travail d’accompagnement d’une association reconnue d’utilité publique, l’ALC.

D’autre part, les personnes identifiées sont soutenues dans leur processus d’émancipation : elles sont mises à l’abri grâce à des solutions de logement, puis accompagnées dans les procédures pénales contre les organisations criminelles.

À ce titre, je salue le travail accompli par l’association ALC, qui a reçu en 2014 le prix français de prévention de la délinquance pour son action de protection des victimes de la traite des êtres humains. Implantée à Nice depuis 1958, sa première mission a été d’éduquer et de scolariser les enfants, principalement les jeunes filles, pour les protéger de la misère et des dangers de la prostitution.

Mais cette réponse locale ne pourrait pas être mise en œuvre sans une mobilisation citoyenne.

Ainsi, depuis le début de l’année, à Nice, une action de sensibilisation à la traite destinée aux « citoyens actifs », comme les présidents de comité de quartier, favorise la détection et, par conséquent, l’orientation géographique des équipes de travailleurs sociaux et de médiateurs lors de leurs maraudes.

Cette démarche permet d’identifier rapidement des situations de traite et de prendre en charge les victimes via le dispositif national « Accueil sécurisant », instauré par l’association ALC et qui fait partie, depuis 2007, des grandes mesures nationales d’aide et d’assistance.

Depuis 2012, avec la signature d’un partenariat renforcé entre la ville de Nice et l’association ALC, nous avons intensifié les actions de prévention en matière de prostitution, développé une politique sociale, en termes tant d’hébergement que d’information sur les droits, et étendu la coopération avec les pays d’origine des organisations criminelles, afin de mieux combattre celles-ci.

Toutefois, la vigilance ne suffit pas lorsque 90 % du public détecté est étranger. La prostitution contemporaine étant largement subie, la violence, les menaces et la peur poussent à l’isolement. Les chances de sortie des réseaux sans intervention extérieure sont extrêmement limitées, d’où la nécessité d’agir vite, tant pour les démarches de droit commun que pour l’éloignement des victimes.

Comme le précise le rapport, nous avons optimisé le dispositif relatif à l’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite ou du proxénétisme coopérant avec les autorités judiciaires, dans le respect du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La fluidification des délais administratifs et la délivrance d’une carte de séjour temporaire et renouvelable le temps de la procédure pénale se révèlent en effet déterminantes pour mieux démanteler les réseaux sur le plan local.

Vous l’aurez compris : dans mon département, les Alpes-Maritimes, nous n’avons pas attendu la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées pour combattre l’exploitation de la misère et proposer aux victimes des programmes d’assistance et de protection.

Je me réjouis donc que le dispositif de coordination mis en place à Nice soit cité en exemple dans le rapport d’information, lequel recommande au ministère de l’intérieur sa généralisation à l’ensemble du territoire.

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