Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 4 mai 2016 à 14h45
Stratégie nationale de l'enseignement supérieur — Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ce qui concerne la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, comme l’ont souligné précédemment mes collègues, les pistes de réflexion sont nombreuses et stratégiques pour l’avenir de notre système de formation, mais aussi pour celui de notre capacité industrielle.

Je voudrais développer un axe en particulier : celui du nécessaire rapprochement entre notre université et la réalité économique des entreprises.

À l’heure de la société du savoir, les entreprises engagées dans la compétition internationale doivent pouvoir tirer leurs avantages concurrentiels des systèmes nationaux de recherche, tandis que l’insertion professionnelle des étudiants repose en grande partie sur l’adaptation de l’offre de formation aux exigences du marché du travail, notamment en termes de compétences.

J’en veux pour preuve que le taux d’insertion professionnelle des diplômés des grandes écoles entre douze à quinze mois après leur sortie était de 92 % en 2015, quand celui des diplômés des universités trente mois après l’obtention de leur diplôme était, la même année, de 89 %.

La conclusion est que les diplômés des masters universitaires – bac+5 – continuent de s’insérer de façon satisfaisante dans la vie professionnelle, mais ils le font beaucoup plus lentement que les étudiants des grandes écoles, qui bénéficient d’une formation plus professionnalisante.

Il s’agit donc de repenser les interactions entre le monde universitaire et le monde économique, deux mondes qui, pendant trop longtemps, se sont ignorés et ont évolué de manière autonome.

L’enjeu est double : d’une part, offrir la meilleure formation est nécessaire dans une société transformée, notamment par le numérique, qui induit de nouveaux systèmes de formation – je pense bien sûr aux cours en ligne ; d’autre part, former les étudiants au plus près de la production et de l’actualisation des connaissances, tout en permettant aux entreprises de renforcer leurs capacités d’innovation et de recherche.

Sur cette question, la stratégie nationale de l’enseignement supérieur contient des dispositions intéressantes.

Je pense notamment à « la politique de site », développée au travers de la loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui vise à s’appuyer sur les synergies et les complémentarités pour lancer des projets scientifiques et pour favoriser la formation.

Je pense également au plan en faveur de l’entrepreneuriat étudiant, qui vise à sensibiliser les étudiants à l’innovation et à l’entrepreneuriat, quel que soit leur cursus de formation.

Ces mesures vont dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État, mais elles ne sauraient être suffisantes.

Votre plan en faveur de l’entrepreneuriat étudiant vise un objectif de 5 000 étudiants bénéficiant du statut national étudiant-entrepreneur à l’horizon 2020 : 5 000 étudiants, sur environ 2, 5 millions… Nous sommes encore loin du compte !

Je m’interroge : la priorité de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur n’est-elle pas de libérer les forces créatrices et l’innovation, encore trop souvent bridées ?

Bien que la responsabilité de l’État en matière d’enseignement supérieur reste primordiale, il me semble que l’enjeu majeur, aujourd’hui, ne réside pas tant dans la définition de nouveaux dispositifs législatifs que dans la confiance en nos universitaires et en nos étudiants, en cette génération du numérique qui a moins besoin de formations à ces nouvelles technologies que de nouveaux espaces pour évoluer et innover. C’est précisément ce que les rapprochements entre universités et entreprises peuvent offrir, notamment au travers des « pôles d’excellence ».

Les partenariats université-entreprise nous permettront de repenser le financement du système d’enseignement supérieur, lequel doit pouvoir accéder aux financements ouverts.

Enfin, ce type de rapprochements entre l’enseignement supérieur et la recherche privée représente un enjeu territorial important, qui devrait nous permettre de repenser la compétitivité, l’attractivité et le rayonnement des territoires. Ce sont notamment les nouvelles grandes régions qui devraient aujourd’hui jouer un rôle de préfiguration de ces nouvelles dynamiques.

Dans ma région du Grand Est, notamment, il est fondamental de renforcer la structuration d’un vaste bassin d’emploi et de formation, y compris avec le Luxembourg, la Sarre et la Suisse. C’est également l’un des enjeux : penser la proximité entre l’université et l’entreprise dans des espaces au fort potentiel économique, y compris au niveau transfrontalier et mondial. La forte connexion de ces enjeux avec les compétences des régions en matière de formation professionnelle, de développement économique ou d’aménagement du territoire plaide également en ce sens.

Je pense par ailleurs aux étudiants en médecine : je suis convaincu que nous relèverons le défi des déserts médicaux en territorialisant nos formations. Plus on aura de jeunes ruraux diplômés, plus la probabilité de voir de jeunes médecins s’implanter en milieu rural sera grande ; cela soulève d’ailleurs la question de l’égalité des chances.

Je conclurai par cette réflexion : l’enseignement supérieur doit pouvoir continuer de dispenser une formation académique de grande qualité et de contribuer à la construction des atouts économiques de demain avec des solutions de formation innovantes et, surtout, reliées à l’emploi.

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