Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

L’état d’urgence est un état d’exception, et il devrait s’achever à la fin de ce mois de mai. Cependant, la nécessité de sa prorogation jusqu’au 26 juillet prochain s’impose comme une terrible évidence, en raison de la conjonction de plusieurs événements. Je veux parler de l’Euro 2016 et du Tour de France, qui vont rassembler des milliers de personnes, soit autant de cibles potentielles. Je veux également mentionner les récents attentats commis à l’étranger, visant nos intérêts et ceux de nos alliés. Je pense plus particulièrement à nos amis belges, qui, le 22 mars dernier, ont subi deux attentats meurtriers sur leur sol, événements qui nous ont appris que les groupes impliqués en France et en Belgique appartenaient à une même cellule, la France constituant pour eux une cible prioritaire parmi les pays européens.

Enfin, le nombre d’individus français ou résidents français qui ont séjourné en Syrie représente, à ce jour, le plus gros contingent des djihadistes européens.

Alors, oui, comme en février dernier, le groupe Les Républicains va voter la prorogation de l’état d’urgence !

Nous adhérons également à la non-reconduite des perquisitions administratives. Largement utilisées jusqu’à la fin février, elles ne présentent plus grand intérêt, leur nombre ayant significativement baissé depuis la dernière prorogation de l’état d’urgence.

Cette évolution des mesures mises en œuvre a été largement explicitée aux représentants parlementaires dans le cadre du comité de suivi de l’état d’urgence au cours de réunions bimensuelles organisées à Matignon. Je voudrais vous en remercier, monsieur le ministre de l’intérieur, et j’en remercie également M. le Premier ministre.

Pour autant, il faudra bien sortir de l’état d’urgence !

Il nous faut à cette fin un arsenal législatif pénal solide. Le Sénat, par une proposition de loi de MM. Philippe Bas et Michel Mercier, avait, dès le mois de février, voté un texte en ce sens. §Le Gouvernement n’a pas souhaité, une fois de plus, s’en remettre à la sagesse et à la réactivité du Sénat, et il a présenté son propre texte : le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

Le renforcement des mesures antiterroristes, la répression des actes de terrorisme et la mise en place d’un régime d’exécution des peines plus rigoureux constituent bien évidemment une priorité pour notre majorité. Ces mesures seront de nature à faciliter la sortie de l’état d’urgence, d’autant que l’on connaît la forte porosité entre le milieu terroriste et la délinquance, ainsi que l’environnement logistique alimenté par les trafics d’armes et de stupéfiants qui financent ces actions.

Monsieur le ministre, nous attendons avec impatience la mise en œuvre définitive de ce projet de loi.

En complément de l’état d’urgence, le Gouvernement pourra s’appuyer, dans le cadre de l’Euro 2016, sur la proposition de loi de notre collègue député Guillaume Larrivé, texte renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

Ce texte dont je fus le rapporteur au Sénat répondra aux enjeux de sécurité qui devront entourer l’Euro 2016, organisé en France et, plus largement, les prochaines rencontres sportives, malheureusement trop souvent émaillées de débordements. Ce dispositif n’est pas anodin au regard du 13 novembre dernier, puisque l’une des actions terroristes visait le Stade de France.

Monsieur le ministre, il reste encore quelques questions en suspens : l’État a-t-il la volonté de faire cesser les troubles récurrents sur notre territoire, notamment à l’occasion de manifestations à répétition qui causent, selon nous, de réels troubles à l’ordre public ?

Je pense notamment aux sept policiers qui ont été blessés à Nantes et, plus récemment, aux forces de l’ordre malmenées et blessées à Paris.

L’état d’urgence offre des outils de police administrative aux préfets et prévoit la possibilité d’interdire des manifestations. Les forces de l’ordre sont épuisées par les affrontements qui se produisent dans le cadre de certaines d’entre elles. Ces femmes et ces hommes tiendront-ils, physiquement et psychologiquement, pour affronter les risques liés à l’Euro 2016 ? Nous leur souhaitons, à toutes et tous, beaucoup de courage !

Autre interrogation, qui a été exprimée par le président de mon groupe, M. Bruno Retailleau, lors du débat de novembre dernier et qui est toujours d’actualité, celle des frontières en Europe. Nous avons bien dû constater entre les tragiques mois de novembre et de mars que nous étions totalement désarmés face aux terroristes passant d’un État européen à un autre. Comment peut-il y avoir de telles failles ? La question reste entière.

La France et l’Europe ont besoin de vraies frontières. Il faut avancer – et avancer vite ! – vers un Schengen II. Notre sécurité en dépend.

Enfin, la lutte contre le terrorisme ne peut s’affranchir d’un arsenal efficace de lutte contre la radicalisation et d’un véritable dispositif de déradicalisation. Nous prenons note, monsieur le ministre, des annonces faites hier par le Premier ministre, qui a dévoilé un catalogue de mesures censées combattre le djihadisme et la radicalisation.

En ce qui concerne les mesures de déradicalisation, il était grand temps de mettre fin à deux anciennes expérimentations subventionnées à grands frais sans véritable, voire sans aucun résultat probant.

Aussi, les treize centres de « réinsertion et de citoyenneté » prévus d’ici à la fin 2017 et l’augmentation de 40 millions d’euros des crédits destinés à la lutte contre la radicalisation annoncée hier constituent des mesures que nous ne pouvons qu’approuver, bien qu’elles interviennent assez tardivement au regard du nombre de radicalisés et de jeunes djihadistes français qui sont déjà revenus en France ou continuent à y revenir tous les jours.

Dans ce cadre, j’invite le Gouvernement à prendre exemple sur des pays qui ont plus d’expérience que la France en la matière.

Sur l’initiative de Mme Esther Benbassa, une mission d’information sur la déradicalisation a été autorisée par la commission des lois. Je travaillerai avec elle sur ce sujet de la plus haute importance. Et nos conclusions, nous l’espérons humblement, pourront peut-être contribuer, monsieur le ministre, à alimenter vos réflexions sur les dispositifs à mettre en œuvre pour une déradicalisation la plus efficace possible.

En conclusion, le groupe Les Républicains ne saurait se soustraire à son devoir de responsabilité à l’égard de la Nation. Aussi nous soutiendrons ce projet de loi qui, sans répondre à tous les enjeux à venir, présente l’intérêt d’augmenter la sécurité de nos concitoyens au cours des prochains mois.

La France est grande, la France est forte, la France vaincra, parce que les Français sont fiers de leurs valeurs, parce qu’ils sont unis par la mémoire et l’espérance.

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