Intervention de François Zocchetto

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la troisième fois pour statuer sur la prorogation de l’état d’urgence.

Cette fois-ci, la demande du Gouvernement est un peu différente puisque vous nous demandez, monsieur le ministre, d’accorder la prorogation pour deux mois. Surtout, le texte ne mentionne plus la possibilité pour l’autorité administrative de décider des perquisitions administratives.

Si ce dernier aspect démontre la volonté de limiter les pouvoirs de police exceptionnels – ce qui est, à mon avis, une bonne chose –, cela ne doit pas nous laisser à penser que la menace a faibli ou – pour reprendre la terminologie exacte de la loi de 1955 – que « le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » a disparu, bien au contraire !

Gardons à l’esprit, comme le relève l’exposé des motifs du projet de loi, que la France continue à constituer une cible prioritaire parmi les pays européens. Le parquet fédéral belge, Catherine Troendlé l’a dit, a confirmé que les attentats survenus à Bruxelles le 22 mars dernier avaient été initialement programmés contre la France.

L’autre justification avancée par le Gouvernement nous laisse un tout petit peu plus dubitatifs : deux événements sportifs justifieraient la prorogation de l’état d’urgence, l’Euro 2016 et le Tour de France. Oui, certes, évidemment, bien évidemment ! Mais, monsieur le ministre, au mois de février, et nous vous l’avions dit, les dates de ces deux événements étaient connues ! Nous aurions donc pu faire aujourd'hui l’économie d’une nouvelle prorogation en décidant alors de fixer la prorogation de février jusqu’au mois de juillet.

Un autre élément justifie une nouvelle prorogation. Celui-ci est un élément de cohérence. Le Parlement a travaillé efficacement sur un projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Vous le savez, le Sénat a participé très activement et de manière constructive à l’amélioration de ce texte. J’ai même l’audace de dire que le Sénat en est à l’origine…

À ce sujet, je regrette que ce ne soit pas le texte du Sénat qui ait servi de base à cette nouvelle législation. En effet, nous serions probablement déjà sous l’emprise de la nouvelle réglementation et nous aurions donc pu sortir du régime de l’état d’urgence. Mais le Gouvernement a choisi de procéder autrement. C’est probablement la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui, et je le regrette.

Nous sommes quant à nous convaincus que le moyen de sortir de l’état d’urgence sans baisser la garde est en effet de renforcer et d’actualiser notre arsenal répressif de lutte contre le terrorisme. À l’heure où nous parlons, ce texte, qui doit renforcer les prérogatives du parquet et qui durcit la condition pénitentiaire des criminels terroristes, n’est pas encore définitivement adopté. Vous le savez, la commission mixte paritaire ne se réunira que demain. J’espère que ses conclusions iront dans le sens que nous souhaitons…

D’un point de vue logique, il est donc normal que nous nous trouvions réunis pour proroger l’état d’urgence jusqu’à la mise en application de ce texte.

Je tiens à saluer à mon tour la qualité du travail de notre collègue Michel Mercier. Fort de son expérience et de sa vision lucide de la situation, il nous a entraînés sur la voie que nous empruntons aujourd'hui. Je remercie également la commission des lois de l’avoir suivi.

Notre groupe votera évidemment la prorogation – je viens d’expliquer les raisons de cet « évidemment » –, mais je tiens, monsieur le ministre, à insister sur le fait que cette troisième prorogation a donné lieu au sein de notre groupe à des débats, a suscité des interrogations et des doutes plus affirmés que précédemment. J’émets donc le souhait que nous nous dirigions vers une sortie de l’état d’urgence, qui doit rester un régime exceptionnel et ne pas se transformer en mesure d’application permanente.

Il est difficile pour moi de m’exprimer et de conclure sans saluer le travail des forces de sécurité : compétence, professionnalisme, discrétion de nature à ne pas créer d’affolement dans la population. Les élus locaux que nous sommes ont pu constater, chacun dans sa ville, son département ou sa région, l’efficacité et la détermination de nos forces de sécurité.

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