Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est parvenue à un accord lors de sa réunion du 16 octobre dernier.
Le projet de loi présenté en conseil des ministres comportait dix-huit articles. Après son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, il en comptait quarante-sept.
Sur ces quarante-sept articles, vingt-deux avaient été adoptés dans des termes identiques par le Sénat, soit près de la moitié. Le Sénat ayant adopté vingt-six articles additionnels, cinquante et un articles restaient en discussion.
Toutefois, la plupart des différences entre les deux assemblées n'étaient pas synonymes de désaccords, seuls quelques points posant en réalité des difficultés. Près d'une quarantaine d'articles sur les cinquante et un restants en discussion ont été adoptés dans le texte du Sénat ou sous réserve de simples modifications rédactionnelles ou de coordination.
Sur les quelques points de désaccord, un débat serein a eu lieu qui a permis d'aboutir à des solutions équilibrées.
Parmi les principales dispositions restant en discussion, je commencerai par l'article 5 bis, relatif au test ADN.
Après un long débat, la commission a adopté la rédaction issue des travaux du Sénat sous réserve d'une précision du rapporteur de l'Assemblée nationale limitant strictement le champ de cet article au regroupement et au rapprochement familial.
Sur cette question très sensible, je crois qu'il est utile de faire oeuvre de pédagogie en rappelant les nombreuses garanties introduites par le Sénat.
Sur le plan juridique, le texte renvoie au tribunal de grande instance de Nantes, spécialisé dans les aspects internationaux d'état civil, la décision d'autoriser le test. Le juge vérifiera au préalable que les investigations utiles relatives à l'état civil et à la possession d'état auront été effectuées.
La compétence judiciaire prévue par les autres procédures civiles acceptant le test ADN est ainsi respectée. Il n'y a pas de dérogation au droit commun.
Le caractère subsidiaire du recours au test est affirmé, le projet de loi disposant clairement qu'il ne pourra y être recouru que si ni les documents d'état civil, en premier lieu, ni la possession d'état, en second lieu, n'ont permis de prouver la filiation.
Notre collègue Pierre Fauchon aurait souhaité que le texte mette mieux en évidence le recours préalable à la possession d'état. La commission a estimé que le texte issu du Sénat était déjà suffisamment clair. Toutefois, je suis persuadé comme lui que le recours à la possession d'état est de nature à rassurer ou à convaincre de nombreux opposants au recours au test ADN. Je tiens d'ailleurs à cette occasion à saluer Pierre Fauchon pour cet apport essentiel au projet de loi.
En vue du respect de la vie privée, le projet de loi prévoit que le test ne pourra être effectué que sur la demande et avec le consentement des intéressés et qu'il ne permettra d'établir la filiation qu'à l'égard de la mère seulement. Sont ainsi écartées les craintes de voir remise en cause à cette occasion une paternité légalement établie.
Par ailleurs, il sera dressé une liste des pays dans lesquels cette mesure pourra être expérimentée sur une période de dix-huit mois à compter de son entrée en application. Cette disposition permettra de vérifier préalablement que les pays concernés acceptent, au vu de leur propre législation et de leur culture, la mise en oeuvre d'une telle procédure. Cela permettra aussi d'éviter des appréciations fluctuantes des consulats à l'égard de carences de l'état civil.
Enfin, l'avis du Comité consultatif national d'éthique devra être recueilli sur le projet de décret et les analyses seront réalisées aux frais de l'État.
Je crois, mes chers collègues, que la plupart des raisons qui ont pu motiver une opposition résolue et fondée au dispositif initialement proposé par l'Assemblée nationale n'ont plus lieu d'être désormais eu égard à l'ensemble de ces mesures proposées par le Sénat et acceptées par la commission mixte paritaire.
À l'article 2, relatif aux conditions de ressources pour bénéficier du regroupement familial, la commission a décidé de renvoyer au décret la modulation des ressources dans la limite de 1, 2 fois le SMIC.
Toutefois, monsieur le ministre, ce retour à la rédaction du projet de loi initial a été accepté par la commission à la condition qu'il soit clairement précisé devant les deux assemblées que le décret d'application ne prévoira la modulation des ressources jusqu'à 1, 2 fois le SMIC que pour les familles de six personnes ou plus. Pouvez-vous sur ce point nous préciser le contenu du décret à venir ?
Au même article, la commission a supprimé la dispense de la condition de ressources accordée aux étrangers titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées. La commission a en effet constaté que cette disposition créait une inégalité entre les titulaires de cette allocation et les autres retraités percevant de faibles pensions.
À l'article 4, relatif à la formation préalable pour les conjoints de Français, la commission a rétabli le texte de l'Assemblée nationale en fixant à deux mois la durée maximale de la formation dispensée aux conjoints de Français. Elle a jugé qu'une durée de quinze jours ne permettait pas de fournir une formation utile. En revanche, elle a maintenu l'exception prévue par le Sénat pour les conjoints de Français expatriés.
La commission a par ailleurs maintenu la disposition de la loi du 24 juillet 2006, introduite sur l'initiative de notre regretté collègue Jacques Pelletier, qui permet aux conjoints de Français, entrés régulièrement sur le territoire et mariés en France, de déposer leur demande de visa de long séjour auprès de la préfecture. Le projet de loi initial tendait à la supprimer. Il reviendra donc à l'administration de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'application effective de cette disposition, qui va d'ailleurs dans le sens d'un rapprochement du travail des consulats et des préfectures.
La commission mixte paritaire a maintenu la suppression de l'article 9 ter, relatif au délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Ainsi, comme le souhaitait le Sénat, le délai pour déposer un recours est toujours d'un mois.
Nous avons réaffirmé à l'occasion qu'il était important de donner à la Commission des recours des réfugiés les moyens de remplir sa mission dans de bonnes conditions, afin que les réponses puissent être données rapidement.
À l'article 12, relatif aux salariés en mission, la commission a supprimé la possibilité, introduite par le Sénat, de moduler la durée de validité de la carte de séjour « salarié en mission », d'une durée de trois ans selon le droit en vigueur, en fonction de la durée de la mission elle-même. On pouvait craindre en effet que cette souplesse supplémentaire a priori ne soit, en définitive, source d'une plus grande complexité administrative et qu'elle ne soit interprétée abusivement par l'administration.
En plus de ces points de désaccord, la commission a souhaité revenir sur deux dispositions.
En premier lieu, bien qu'adopté conforme par notre assemblée, l'article 10 ter, relatif à la suspension des droits des étrangers pendant leur transfert vers le lieu de rétention, a été rappelé pour coordination à la suite de l'adoption du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation des libertés. Ce projet de loi prévoit que le contrôle des conditions de prise en charge des personnes privées de liberté s'appliquera aussi aux modalités de leur transfèrement. Il a donc semblé contradictoire à la commission de prévoir simultanément la suspension des droits accordés aux étrangers pendant leur transfèrement vers un lieu de rétention.
En second lieu, la commission mixte paritaire a souhaité supprimer l'article 21, relatif au droit à l'hébergement d'urgence des étrangers en situation irrégulière. Il est apparu préférable de ne pas laisser penser que le droit des étrangers en situation irrégulière à être accueillis dans les structures d'hébergement d'urgence et à y demeurer était remis en cause.
En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement tendant à clarifier et à lever certaines ambiguïtés du texte initial. Toutefois, face aux craintes des très nombreuses associations qui ont la charge au jour le jour d'accueillir ces personnes, seule la suppression pure et simple de l'article était de nature à apporter l'apaisement nécessaire et à rétablir les conditions d'un travail que l'on souhaite serein.
Mes chers collègues, ce projet de loi porte incontestablement l'empreinte de notre assemblée.
Outre les points précités, le Sénat a rappelé son souci de renforcer l'effectivité des droits. On ne peut être ferme que si l'on est exemplaire en matière de respect des procédures.
À cet égard, à l'article 6, le Sénat a porté de vingt-quatre à quarante-huit heures le délai laissé à un étranger auquel l'entrée sur le territoire a été refusée au titre de l'asile pour déposer un recours contre cette décision.
Le Sénat a également précisé, à l'article 1er, que l'évaluation et la formation linguistiques et civiques préalables à l'entrée en France des bénéficiaires du regroupement familial sont mises en oeuvre à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial en préfecture. De même, pour garantir la rapidité de la procédure et éviter qu'elle ne retarde le regroupement familial, notre assemblée a prévu que les résultats de l'évaluation ainsi que l'attestation de suivi de la formation devaient être remis immédiatement à l'étranger.
Enfin, à l'article 20, relatif à une meilleure mesure de la diversité et des discriminations, un amendement tendant à préciser que la présentation des résultats de ces études ne devait en aucun cas permettre l'identification directe ou indirecte des personnes concernées a été adopté par le Sénat en première lecture.
À cet égard, je rappelle à l'intention de ceux qui critiquent ces dispositions, par crainte d'un fichage ethnique, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la Halde, ont officiellement émis un avis favorable sur ce dispositif.
J'ajouterai que, contrairement à ce qui a été dit, la loi française permet déjà de mener, dans certaines conditions, des études sur la diversité. Ce dispositif n'est donc pas inédit dans notre ordre juridique. Il s'agit simplement d'un instrument supplémentaire qui restera sous l'entier contrôle de la CNIL.
Par ailleurs, notre assemblée a de nouveau marqué son souci de relancer le rôle des commissions départementales du titre de séjour.
Déjà, lors de la discussion de la loi du 24 juillet 2006, le Sénat avait confié aux commissions du titre de séjour, dans chaque département, la mission de rendre un avis sur les demandes de régularisation émanant d'étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France.
En première lecture, le Sénat a adopté un amendement modifiant la composition de ces commissions en écartant de celles-ci le représentant du président du tribunal administratif et le représentant du tribunal de grande instance. Cette modification part du constat que de nombreuses commissions départementales ne se réunissent pas, ou que très rarement, en raison de la faible présence de ces magistrats, déjà surchargés de travail.
Plusieurs dispositions tendent également à simplifier les procédures.
Ainsi, à l'article 1er, le Sénat a supprimé la création d'une commission ad hoc chargée de concevoir le test de connaissance des valeurs de la République. En tout état de cause, un tel test relève du seul pouvoir réglementaire.
À la suite de l'adoption d'un amendement de notre collègue Pierre Laffitte, les scientifiques étrangers souhaitant poursuivre en France des travaux entamés dans un autre État membre de l'Union européenne pourront obtenir un titre de séjour sans avoir à demander au préalable un visa de long séjour.
Enfin, les salariés en mission et les titulaires de la carte « compétences et talents » ainsi que les membres de leur famille seront dispensés du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, car ils n'ont pas vocation à s'installer durablement sur notre territoire.
D'autres dispositions encore ont été insérées par notre assemblée - je ne les citerai évidemment pas toutes -, qu'il s'agisse de l'accompagnement personnalisé pour les réfugiés, du respect de l'obligation scolaire dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille ou de la suppression de l'interdiction de contester la validité du mariage d'une mineure en cas de grossesse survenue dans un délai de six mois.
Tout ayant été dit au cours de la première lecture, qui a été très sérieuse, je terminerai mon propos en exprimant mes remerciements à tous ceux et à toutes celles qui ont participé activement à l'élaboration de ce texte et qui ont incontestablement contribué à son amélioration, ce qui fait qu'aujourd'hui je vous demande, mes chers collègues, d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire dont je viens de vous rendre compte, je l'espère, le plus fidèlement possible.