Intervention de Jean-Pierre Leleux

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 10 mai 2016 à 17h00
Liberté de la création architecture et patrimoine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux, rapporteur :

Le projet qui nous revient de l'Assemblée nationale ne suscitera ni espoirs inconsidérés, ni déceptions excessives. Il conserve ses faiblesses congénitales, liées à l'absence de véritables lignes directrices pour rénover notre politique en faveur de la création artistique. À trop vouloir réaffirmer des principes sur le rôle de l'État en matière culturelle, il donne malheureusement le sentiment de céder à une recentralisation rampante, au détriment des collectivités territoriales, ainsi qu'à une bureaucratisation inutile, à travers la multiplication des contraintes, nuisible aux créateurs.

Ce texte n'est cependant pas exempt d'améliorations notables qui tiennent, le plus souvent, aux efforts de l'Assemblée nationale pour rechercher, sur de nombreux articles, des synthèses avec les positions du Sénat. J'en veux pour preuve la rédaction de l'article 10 nonies, introduit à mon initiative en première lecture, sur lequel l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont mené un grand travail pour que les règles applicables au droit de suite évoluent dans un sens favorable aux créateurs et à la création.

Au final, si la distance entre nos deux assemblées reste importante, le nombre des divergences s'est réduit et aucune - pour les articles dont je suis responsable - n'apparaît a priori insurmontable, si la volonté de parvenir à un accord l'emporte sur l'affirmation des différences. En première lecture nous avions tous reconnu qu'il n'existait pas de clivage politique significatif entre majorité et opposition sur la politique en faveur de la création artistique. Pour preuve, le Sénat avait accepté de voter l'article 1er proclamant la liberté de la création artistique, tandis qu'en deuxième lecture l'Assemblée nationale a adopté l'article 2 bis - auquel nous étions particulièrement attachés - qui crée une commission culture au sein de chaque conférence territoriale de l'action publique (CTAP).

Je regrette que les rapprochements n'aient pas été plus nombreux, en particulier sur l'article 2, où l'Assemblée nationale a rétabli une référence au service public qui restreint la portée de la politique en faveur de la création artistique, en minimisant le rôle des acteurs privés. Même regret pour l'article 3 sur les structures labellisées qui recentralise le choix des dirigeants des structures culturelles locales.

Fidèle à notre volonté d'aller de l'avant, je vous propose de rétablir avec parcimonie les positions du Sénat en privilégiant les dispositions les plus significatives comme aux articles 2 et 3. C'est également le cas de l'article 17 A relatif aux conservatoires : j'ai souhaité maintenir la région comme chef de file des enseignements artistiques sur nos territoires. Je vous proposerai aussi de rétablir l'article 10 quater, supprimé par les députés à la demande du Gouvernement, que nous avions voté à l'unanimité en première lecture : il comporte des dispositions essentielles pour assurer la rémunération des photographes et des plasticiens dont les oeuvres sont reproduites sur Internet sans leur autorisation.

J'ai également poursuivi la concertation avec les acteurs de l'audiovisuel pour inciter les représentants des diffuseurs et des producteurs à conclure un accord professionnel sur la règlementation de la production. Cela semble être en bonne voie. J'espère vraiment qu'un accord sera conclu avant l'examen en séance publique. À défaut, je réexaminerai l'intérêt de déposer de nouveaux amendements sur la règlementation de la production à l'occasion du débat.

Un mot également sur l'article 7 bis AA, introduit en première lecture au Sénat sans véritable concertation avec les différents acteurs de la filière. Je crois, là encore, qu'un accord est à portée de main au Sénat qui reposerait sur une acceptation du principe des enregistreurs personnels vidéo en réseau (dits « nPVR ») à condition de prévoir dans un accord professionnel les modalités d'application de cette fonctionnalité.

Trois sujets occuperont l'essentiel de nos débats sur la filière musicale et j'ai bon espoir d'aboutir, sur chacun d'entre eux, à une position équilibrée partagée par les différents acteurs. À l'article 5, je vous propose de rétablir la distinction, qui existe déjà en droit des contrats, entre artistes-interprètes et musiciens d'accompagnement, pour les rémunérations qui pourraient être tirées des exploitations non prévues ou non prévisibles d'une oeuvre. Je m'oppose, en outre, à la suppression des cessions de créances, introduite en dernière minute par le Gouvernement, qui pourtant s'y était opposé en première lecture à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Les artistes ont tout à y perdre.

À l'article 6 bis relatif à l'application du régime de licence légale aux webradios, que nous avions supprimé en première lecture, faute d'étude d'impact, et que les députés ont rétabli à l'identique, je vous soumettrai une solution de compromis acceptant le maintien de la disposition, sous réserve d'une définition plus encadrée de son champ d'application. Enfin, à l'article 11 ter, qui traite des quotas radios, je souhaite revenir à la rédaction que nous avions adoptée en commission, avant les errements de la séance publique et les ajouts contestables de l'Assemblée nationale, qui ont conduit à assouplir des quotas que l'article initial visait au contraire à encadrer.

La rémunération pour copie privée, ainsi que ses modalités de fixation et de recouvrement, sont traitées aux articles 7 bis à 7 quater. L'Assemblée nationale est revenue sur l'intégralité de nos apports, qui avaient tous pour objectif louable d'améliorer la transparence d'un mécanisme souvent critiqué. Comment justifier le refus de nos collègues députés de voir publier le règlement de la commission de la copie privée au Journal officiel, de soumettre ses membres à une déclaration d'intérêts, de lui adjoindre trois hauts magistrats, d'agréer les organismes de recouvrement, d'encadrer les études d'usage, aujourd'hui controversées, par des cahiers des charges et de les faire réaliser par un organisme indépendant ? Je ne me l'explique pas... C'est pourquoi je vous proposerai de nous en tenir à nos propositions. Les garanties de transparence et d'indépendance que nous apportons ainsi à la rémunération pour copie privée sont gages de sa légitimité et la réponse nécessaire à ses détracteurs.

L'article 17 B, introduit par le Gouvernement en première lecture au Sénat, instaure un Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC) auprès du ministre de la culture sur les sujets d'enseignement supérieur. Cela a fait l'objet de débats animés en séance. Dans un souci d'équilibre et de conciliation, j'ai accepté la création de cette nouvelle structure, même s'il me semble préférable qu'à terme, toutes les questions d'enseignement supérieur français soient chapeautées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et soumises au CNESER, sans qu'il soit besoin de créer de sous-CNESER thématiques...

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