En effet, le Sénat s'est mobilisé pour s'efforcer de rééquilibrer un projet de loi marqué dès le départ du sceau de l'inégalité, de la discrimination institutionnalisée et d'une méfiance choquante à l'égard de l'étranger.
La version retenue par la commission mixte paritaire est proche, nous dit-on, de celle qu'avaient arrêtée les sénateurs. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous livrer quelques réflexions concernant le texte qui nous est présenté aujourd'hui.
Je salue les trop rares acquis de ce texte, concernant notamment la mise en place d'une carte de résident permanent ou l'instauration d'un recours suspensif de plein droit contre les décisions de refus d'asile à la frontière.
Mais ne faisons pas pour autant preuve d'angélisme à l'égard du texte qui nous est soumis aujourd'hui. Sur de très nombreux points, il n'est que la traduction littérale du sinistre projet gouvernemental.
Il ne s'agit pas, monsieur le ministre, d'un texte sur l'intégration ou sur la maîtrise de l'immigration.
Il ne s'agit pas d'un texte d'équilibre, d'un texte respectueux du principe d'égalité de tous devant la loi, d'un texte conforme à l'histoire de la politique migratoire de la France et aux principes qui ont concouru à son élaboration.
Il s'agit d'un texte de rupture, de multiples ruptures.
Rupture à l'égard des principes qui ont jusqu'à présent concouru à faire de la France une terre d'accueil.
Rupture à l'égard des principes élémentaires qui fondent notre droit : le respect du droit de vivre en famille, le principe - constitutionnel - d'égalité et, enfin, le respect de la dignité.
Rupture aussi vis-à-vis des engagements internationaux de la France, notamment en ce qui concerne l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les règles de droit international privé.
Rupture, enfin, avec la politique française affichée de coopération et de codéveloppement, une politique qui a trop souffert par le passé des restrictions graduelles que votre majorité lui a imposées, et qui est aujourd'hui vouée à disparaître.
Ruptures ? Le discours colonial du président de la République à Dakar en est l'illustration oratoire, et ce projet de loi en est l'illustration législative.