Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 30 novembre 2015 à 14h10
Loi de finances pour 2016 — Immigration asile et intégration

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme Natacha Bouchart, je suis issue de l’immigration.

Initialement, je n’avais pas l’intention de participer au débat sur cette mission. Mais les événements de ces derniers jours m’ont donné une envie folle de m’exprimer sur ce sujet. Nous sommes face à des réalités humaines et, cela a été rappelé, à une crise migratoire sans précédent, dans un contexte de campagne haineuse de rejet de l’altérité, surfant sur les peurs, alliant immigration et terrorisme. On a même entendu quelqu’un déclarer à la tribune que l’immigration d’aujourd'hui était le terrorisme de demain ! Il fallait quand même oser le dire…

L’équation est à la fois politique et budgétaire.

L’année 2015 connaît un pic. D’après les données de l’OFPRA, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 12 % sur les dix premiers mois de l’année 2015 par rapport à 2014, avec une accélération au cours de ces derniers mois, avant même que le programme de l’Union européenne pour la répartition des réfugiés, qui prévoit le transfert de 160 000 personnes en provenance d’Italie et de Grèce vers des pays participants de l’Union européenne, ne soit pleinement mis en place.

En France, il est peu probable que l’accueil de demandeurs d’asile se limitera à 31 000 réfugiés. Ce projet de budget pour 2016 est donc hypothéqué par les conséquences, difficiles à prévoir à ce jour, de la crise migratoire.

Il faut trouver des solutions, à la fois humaines, et de nature à garantir la sécurité de notre pays.

Cette année, on a traité 64 000 dossiers, pris 69 555 décisions, décidé que 193 550 personnes seraient protégées et accordé 237 000 certificats de protection. Autant dire que les services sont surchargés ; ils comprennent, si mes références sont exactes, 497 salariés.

Aussi, je m’interroge. Ne devrions-nous pas organiser des bureaux communs de l’OFPRA, ou des offices équivalents, avec nos voisins européens ? Nous pourrions très bien essayer d’agir de concert avec l'Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, afin de traiter une seule fois les demandes des réfugiés, les demandes d’asile et celles des migrants, dont l’accueil soulève aussi des difficultés techniques et administratives.

Il faut aussi décentraliser les bureaux de l’OFPRA dans les zones particulièrement sensibles, comme Nice ou Strasbourg.

Pour répondre à des problèmes nouveaux, il est important d’apporter des solutions nouvelles et innovantes : nous ne pouvons continuer, avec la porosité de nos frontières, en France et en Europe, à garder les mêmes structures centralisées. On devrait essayer – mais c’est sûrement dans les projets du Gouvernement ! –, avec FRONTEX, de décentraliser les bureaux pour les rendre plus proches des lieux de passage. Nous devrions engager une réflexion sur ce point.

L’immigration doit aller de pair avec l’intégration. Tel est le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Comment créer et solidifier le lien citoyen ? Nous l’avons vu précédemment lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » et les discussions que nous avons eues sur le terrorisme, sans faire de lien entre celui-ci et l’immigration, l’absence de lien citoyen ainsi que la mauvaise connaissance des règles de fonctionnement de la République sont des sources de dysfonctionnement, aussi bien pour l’éducation nationale que pour d’autres secteurs.

Au travers de l’amendement qui sera présenté, le budget alloué à la mission ne répond pas pleinement aux enjeux en matière d’immigration, d’asile et d’intégration, notamment parce que perdure, comme le souligne chaque année notre collègue Roger Karoutchi dans son rapport, une sous-budgétisation des dispositifs en matière d’hébergement, d’urgence et d’allocation.

S’agissant de l’allocation, la dotation inscrite est systématiquement inférieure d’au moins 40 millions d’euros à la dépense constatée l’année antérieure. Il en est de même pour l’hébergement d’urgence. Cette sous-budgétisation systématique est anormale.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous communiquer les éléments dont dispose l’administration pour s’assurer de l’identité des réfugiés venant de Syrie et d’Irak ? J’ai déjà posé cette question écrite, qui figure au Journal officiel du 22 octobre 2015, elle n’a donc strictement rien à voir avec les événements qui viennent de se produire.

Nous sommes certes convaincus que les populations qui embarquent sur des canots pour sauver leur vie n’ont pas nécessairement sur eux leurs papiers d’identité. Néanmoins, l’entrée sur le territoire national doit être encadrée et faire l’objet d’un minimum de mesures de sécurité. Comment vous coordonnez-vous avec l’agence FRONTEX ?

Si ce débat pouvait au moins nous éclairer sur ce point, nous pourrions alors savoir de quelle manière il conviendra de flécher les prochains budgets, notamment pour ce qui concerne l’identification des personnes auxquelles nous nous apprêtons à donner l’asile.

Le flou dans lequel nous nous trouvons est une source inépuisable d’arguments pour les partis non démocratiques qui s’apprêtent à faire un score-fleuve aux élections régionales. Si des partis républicains ne répondent pas à ces questions dans un cadre démocratique, c’est laisser la voie ouverte au Front national. De cela, je n’en veux pas !

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