La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures dix.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est aujourd’hui confrontée à une situation d’une gravité exceptionnelle. Avant toute chose, je souhaite saluer l’efficacité et le courage de nos forces de l’ordre. Leur mobilisation exceptionnelle a permis non seulement de secourir les Parisiens le soir du 13 novembre dernier et de multiplier les interpellations et les perquisitions, mais aussi de sécuriser de nombreux lieux sensibles sur tout le territoire.
Ces attaques terroristes bouleversent la hiérarchie des préoccupations de nos concitoyens. Il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre vont placer le terrorisme en première place. Toutefois, ces attaques bouleversent également l’examen budgétaire de la mission « Sécurités », qui a déjà connu plusieurs rebondissements.
Il faut le rappeler, avant même le 13 novembre dernier, l’année 2015 était déjà exceptionnelle à double titre pour nos forces. D’une part, elle l’était du fait de la hausse de la menace terroriste ; de nombreux commentateurs l’ont souligné après les attaques de janvier dernier, la France est l’un des pays d’Europe les plus touchés par le phénomène des « combattants étrangers » partis pour la Syrie et pour l’Irak – au passage, je vous rappelle que le pays qui en compte le plus en proportion de sa population est la Belgique.
D’autre part, parallèlement à cela, les forces de sécurité intérieure sont également confrontées à une crise migratoire de grande ampleur. Si la situation de la France n’a rien de comparable avec celle que connaissent les pays de première entrée, la sécurisation de certains points de passage et le démantèlement des filières nécessitent une mobilisation exceptionnelle. Pour ne donner qu’un chiffre, 1 125 agents mobiles supplémentaires ont été déployés à Calais, en complément des forces locales. Cette situation a d’ailleurs donné lieu à un premier amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale et visant à financer la création de 900 postes dans le cadre du « plan migrants ».
Pourtant, force est de constater que, avant les récents attentats, le Gouvernement n’avait pas tiré toutes les conséquences de cette crise exceptionnelle. Je souhaite ainsi revenir quelques instants sur le budget « Sécurités » tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Ce budget prévoyait une hausse de seulement 0, 9 % des crédits de cette mission. À titre de comparaison, ils ont augmenté, en exécution, de 3, 5 % en 2009, de 2, 6 % en 2011 et de 2 % en 2013. Par ailleurs, dans le projet de budget pour 2016, le Gouvernement propose une progression de 4, 4 % du budget de la culture.
En ce qui concerne les effectifs, la hausse prévue pour 2016 était de 1 632 postes, que l’on pourrait comparer aux 10 850 postes qui seront créés dans l’enseignement scolaire.
Toutefois, ma principale critique est relative à l’équilibre entre les dépenses de personnel et les crédits d’investissement et de fonctionnement. Disons-le simplement : ce que Bercy a donné en dépenses de personnel, il l’a repris en fonctionnement et en investissement.
Une comparaison entre l’exécution budgétaire de 2009 – avec 244 304 équivalents temps pleins travaillé, ou ETPT – et les crédits demandés pour 2016 – avec 244 420 ETPT, soit 116 de plus – montre ainsi que, avec des effectifs comparables, les moyens de fonctionnement et d’investissement sont inférieurs, en 2016, de plus de 330 millions d’euros. La part des dépenses de personnel au sein des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » atteint ainsi un niveau critique de 88 % qui ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et des gendarmes.
Prenons un exemple concret : le parc automobile. De l’aveu même des directions, un simple maintien en l’état du parc nécessiterait l’achat de plus de 6 000 véhicules par an entre 2015 et 2017. Pourtant, le montant prévu dans le budget adopté à l’Assemblée nationale pour l’achat de véhicules ne permettrait d’acquérir que 4 000 véhicules en 2016.
Aussi, afin de dégager des marges de manœuvre sur le plan budgétaire, il faut favoriser une stratégie fondée sur la rationalisation des tâches et la mutualisation des moyens. En la matière, la dynamique engagée en 2009 avec le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur semble s’affaiblir.
À titre d’illustration, le traitement des procurations a mobilisé 737 équivalents temps plein travaillé de policiers et de gendarmes sur l’année 2012. La dématérialisation permettrait de soulager les forces de sécurité de cette tâche. Pourtant, dans un rapport d’octobre 2014, l’Inspection générale de l’administration indique que le projet de dématérialisation totale lancé en 2013 « paraît enlisé » et même « à l’arrêt ».
Il serait utile qu’il puisse s’appliquer pour une année d’élections, comme celle de 2017.
Certaines décisions prises depuis 2012 ont même aggravé la situation. L’abandon du jour de carence a conduit, en 2014, à une multiplication par 2, 5 des congés maladie d’une journée.
La marque de fabrique du Sénat est toutefois de ne jamais céder à la polémique.
En matière de rationalisation et de mutualisation, les décisions annoncées après la manifestation de policiers, place Vendôme, semblent témoigner d’une prise de conscience de ces enjeux, avec notamment un plan interne de simplification des tâches.
Après les attentats du 13 novembre, des mesures significatives ont été annoncées par le Président de la République, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d’équipement et d’investissement supplémentaires.
C’est pour cette raison que la commission des finances a d’abord décidé de réserver son examen des crédits de la mission.
L’amendement du Gouvernement visant à mettre en œuvre ces annonces, déposé le 26 novembre, prévoit finalement une hausse des crédits de 340 millions d’euros en 2016. Je vais bien évidemment laisser le soin au ministre de nous le présenter. J’aurai d’ailleurs quelques questions à lui poser, en particulier sur la répartition des crédits.
Toutefois, je voudrais vous donner deux chiffres, qui me semblent témoigner d’un changement de rythme. Avec cet amendement, la hausse du budget « Sécurités » sera de 2, 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, contre 0, 9 % il y a encore deux semaines.
Par ailleurs, les deux tiers de l’effort, soit 220 millions d’euros, sont fléchés sur l’investissement et le fonctionnement.
Compte tenu du bouleversement que représente cet amendement, la commission des finances, réunie quelques minutes après son dépôt, a décidé, à l’unanimité, de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas vous parler du fléau du terrorisme, mais de la mortalité routière.
Sur les huit premiers mois de l’année 2015, on dénombre, malheureusement, 2 253 personnes tuées en France métropolitaine, soit une hausse de 4, 6 % par rapport à la même période en 2014. Une hausse notable de la mortalité avait déjà été enregistrée en 2014 : elle s’élevait à 3, 8 %, soit 130 décès de plus par rapport à 2013.
Ces résultats sont, bien sûr, inquiétants et nous obligent forcément à nous interroger sur l’efficacité de la politique de sécurité routière.
Les résultats 2014 et 2015 sont d’autant plus inquiétants, monsieur le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez s’est fixé pour objectif de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020. Comment comptez-vous faire pour infléchir cette tendance, qui ne conduit pas du tout vers l’atteinte de l’objectif ?
Sur le programme « Sécurité et éducation routières », je note qu’en 2016 les dépenses inscrites diminuent de 4, 8 % par rapport à 2015, pour s’établir à 39, 4 millions d’euros.
Dans ces dépenses, on trouve notamment la charge financière au titre du « permis à un euro par jour », qui sera stable en 2016, surtout grâce au niveau des taux d’intérêt, dont la faiblesse contribue à contenir le coût du dispositif, car il est lié à la prise en charge des intérêts des prêts. En 2016, l’effort sera accentué avec la création d’un prêt complémentaire de 300 euros.
J’en viens au compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », dont les crédits sont les plus importants. Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre 1, 68 milliard d’euros en 2016 et, sur cette somme, 1, 37 milliard d’euros sont inscrits en dépenses sur ce compte d’affectation spéciale.
Le Gouvernement prévoit la commande, en 2016, de 454 nouveaux radars. Le plus souvent, il s’agit de remplacements, puisque le nombre de dispositifs de contrôle automatisé en service, lui, ne progressera que de 42 unités pour s’élever à 4 122 au lieu de 4 080. Le coût total du déploiement des nouveaux dispositifs est estimé à 28 millions d’euros.
Cette année, je mène un contrôle budgétaire sur la politique d’implantation des radars et, à ce stade, j’émets des réserves quant à certains déploiements, en particulier pour les radars « vitesse moyenne » et les radars « chantier », dont les coûts d’investissement et de fonctionnement sont élevés.
C’est pourquoi je propose un amendement tendant à réduire les dépenses d’investissement de 5, 25 millions d’euros, ce qui permettra l’installation totale de 53 nouveaux radars « vitesse moyenne », au lieu des 107 prévus, et de 11 radars « chantier », au lieu des 22 prévus.
J’ajoute que ni les documents budgétaires ni les réponses au questionnaire budgétaire ne permettent de mesurer l’efficacité, en termes de sécurité routière, de ces dispositifs. Mais le Gouvernement va peut-être s’expliquer sur ce point tout à l’heure.
Concernant la gestion du permis à points, il est prévu d’adresser aux automobilistes plus de 15, 3 millions de lettres simples en 2016. La dépense est estimée à 13, 1 millions d’euros. Ces lettres sont envoyées à chaque retrait ou restitution de points. Depuis quatre ans, je m’interroge sur l’opportunité de cette dépense, s’agissant notamment des lettres de retraits de points.
Le ministère de l’intérieur a ouvert le site internet telepoints.info, qui permet aux conducteurs de consulter leur solde de points, et une ordonnance récente, en date du 7 octobre dernier, a prévu la possibilité pour l’intéressé, sur sa demande, d’être informé du retrait de points par voie électronique, plutôt que par lettre simple.
J’estime en conséquence que l’information mise à la disposition du contrevenant est suffisante et qu’il est dès lors possible de supprimer l’envoi de lettres simples. Comme les trois années précédentes et compte tenu de son coût et de sa faible valeur ajoutée, la commission des finances propose deux amendements tendant à supprimer cet envoi. Il s’agit de réaliser 13, 1 millions d’euros d’économies pour réduire la dette de l’État. Certes, ce n’est pas énorme, mais c’est toujours ça !
D’autres amendements ont été proposés. L’un d’entre eux vise – je l’ai dit – à réduire les dépenses d’investissement de 5, 25 millions, en ce qui concerne l’installation de radars. Et le Gouvernement présentera également un amendement permettant de développer une application nouvelle pour le traitement des amendes.
Sur la base du budget qui nous est présenté pour l’année 2016, la commission des finances a décidé d’émettre un avis favorable à l’approbation des crédits, sous réserve bien sûr de l’adoption des amendements dont je viens de parler.
Mme Catherine Troendlé et M. Roger Karoutchi applaudissent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements dramatiques qui ont marqué cette année 2015 – je pense bien sûr aux attaques terroristes, mais aussi aux inondations ou encore au crash d’un avion de la compagnie Germanwings – ont démontré à quel point il est indispensable de disposer de forces de sécurité civile réactives et efficaces.
Je souhaite ainsi commencer cette présentation en rendant hommage aux forces de secours, dont la mobilisation exceptionnelle après les attentats du 13 novembre a été unanimement saluée.
Je me félicite, à ce titre, d’observer que le nombre de sapeurs-pompiers volontaires est enfin orienté à la hausse, après une décennie de baisse.
S’agissant maintenant du programme « Sécurité civile », les autorisations d’engagement et les crédits de paiement pour 2016 augmentent respectivement de 1, 9 % et 0, 8 %, avant prise en compte de l’amendement du Gouvernement.
Comme je l’ai dit en commission, ce budget me semble présenter certaines faiblesses, principalement en ce qui concerne le fonctionnement et l’investissement.
Pour ce qui est des dépenses de fonctionnement, on peut, par exemple, s’interroger sur le niveau des dotations prévues pour le retardant, les colonnes de renfort et le secours d’extrême urgence. Les crédits prévus diffèrent sensiblement des consommations réalisées au cours des derniers exercices, ce qui pourrait être le signe d’une sous-budgétisation.
Toutefois, ma principale inquiétude concerne les dépenses d’investissement. En effet, leur évolution est inférieure de 4 millions d’euros en crédits de paiement à ce qui était prévu dans la programmation annuelle, et ce avant même que l’Assemblée nationale vote, en deuxième délibération, une baisse de 5 millions d’euros des dépenses de fonctionnement et d’investissement du programme.
Après analyse, la moitié de cet écart traduit un report de certains projets d’investissement, du fait de la contrainte budgétaire. Or ces retards se traduiront à moyen terme par des surcoûts pour la sécurité civile.
Prenons l’exemple du projet de remplacement du réseau national d’alerte par le système d’alerte et d’information des populations. L’achèvement du premier volet, initialement prévu pour 2015, n’interviendra finalement qu’en 2019. Ce retard implique la souscription d’une prestation complémentaire d’assistance au déploiement, ainsi que d’autres surcoûts potentiels liés aux intérêts moratoires ou à l’augmentation de la TVA.
Aussi, je me félicite du fait que l’amendement visant à mettre en œuvre les annonces du Président de la République à la suite des attentats du 13 novembre prévoit près de 11 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement et le fonctionnement. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans quelques minutes.
S’agissant du titre 2, il existe une véritable volonté de maîtriser les dépenses de personnel.
Sur la période 2012–2016, la baisse cumulée des effectifs devrait ainsi atteindre 4 %. Si ces efforts sont bienvenus, il faut réaffirmer la nécessité de garantir l’adéquation entre les effectifs de la direction générale de la sécurité civile et le périmètre de ses missions.
En effet, des inquiétudes ont été exprimées lors des auditions concernant une « paupérisation » de l’administration centrale, qui ne parviendrait plus à assumer l’ensemble de ses missions. À titre d’illustration, les sapeurs-pompiers volontaires ne pouvaient toujours pas, en septembre 2015, bénéficier de l’accès à la formation professionnelle continue, car le manque de personnels de la direction générale n’a pas permis à celle-ci de formaliser à temps les documents nécessaires.
Dans ce contexte, je souhaite insister sur la nécessité, pour les forces de secours, de s’engager dans une nouvelle dynamique de mutualisation, afin de dégager des marges de manœuvre.
Deux sujets me semblent mériter, à ce titre, une attention particulière.
D’abord, la mutualisation des flottes d’hélicoptères de l’État. La situation actuelle est clairement sous-optimale : les appareils employés sont différents selon les forces ; chaque autorité d’emploi dispose de ses propres bases, règles de formation, centres de maintenance et outils de formation ; les implantations territoriales sont décidées par chaque ministère, ce qui se traduit par des doublons et des déséquilibres.
Si de premiers efforts de mutualisation ont été réalisés entre la sécurité civile et la gendarmerie, des obstacles culturels empêchent de tirer pleinement parti des possibilités techniques ouvertes.
Surtout, une rationalisation plus ambitieuse impliquerait nécessairement un traitement interministériel de ce dossier.
Le deuxième chantier que je souhaite évoquer concerne les centres de traitement des appels d’urgence. Il faut le dire, notre pays n’a plus les moyens de conserver 500 centres d’appels et 11 numéros d’urgence.
Je note d’ailleurs que de nombreux pays se sont déjà engagés avec succès dans cette voie, en dépit des obstacles techniques et culturels.
À titre d’illustration, la Finlande a réussi, entre 2009 et 2015, à diviser par trois son nombre de centres d’appels et à faire du 112 le numéro de téléphone unique en cas d’urgence. À population égale, la Finlande compte ainsi huit fois moins de centres d’appels que la France !
Je sais que le ministre de l’intérieur souhaite aller vers une plus grande mutualisation en la matière, mais deux inquiétudes subsistent à ce stade.
Premièrement, le ministère de la santé semble, pour le moment, faire « bande à part », en privilégiant la modernisation de son système d’information.
Deuxièmement, il faudra être particulièrement vigilant à ce que les regroupements de plateformes n’aboutissent pas à des transferts de charges pour les services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS, comme c’est malheureusement le cas en matière de transport sanitaire.
Là encore, une rationalisation ambitieuse impliquera nécessairement un traitement interministériel de ce dossier et, surtout, une forte volonté politique.
MM. Marc Laménie et Robert Laufoaulu applaudissent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite des terribles attentats du 13 novembre, je tiens en préambule à exprimer ma souffrance en pensant non seulement aux personnes assassinées, mais également à leurs familles, leurs proches et leurs amis. Monsieur le ministre, sachez que toute mon admiration, j’y insiste, va aux forces de l’ordre.
Initialement, le budget de la gendarmerie nationale augmentait de 2, 4 % en autorisations d’engagement et de 0, 8 % en crédits de paiement.
Compte tenu des amendements présentés et votés à l’Assemblée nationale pour la lutte contre l’immigration clandestine – 19, 8 millions d’euros et 370 postes –, la hausse a été portée à 1 %.
Or 1%, c’était trop peu au regard des enjeux de la lutte contre le terrorisme, plus que jamais une grande priorité nationale. Dès lors, si la commission avait donné un avis favorable aux crédits du programme, les membres de mon groupe s’étaient abstenus, dans l’attente de la concrétisation des annonces faites par le Président de la République à la suite des attentats du 13 novembre.
La hausse prévue des effectifs ne suffisait pas, du fait de l’affaiblissement concomitant des moyens de fonctionnement et d’investissement, sachant qu’il faut renouveler les véhicules, moderniser les systèmes informatiques et s’adapter à l’évolution de la délinquance et de la criminalité.
Le dégel précoce des crédits mis en réserve était, certes, positif – il portera en 2016 sur près de 100 millions d’euros, indispensables pour assurer le financement des équipements –, mais cela ne nous semblait pas suffisant pour sortir de la pénurie.
Jeudi dernier, le Gouvernement a déposé un amendement rajustant les crédits de la mission « Sécurités ». Pour le programme 152, il s’agit d’une hausse d’environ 160 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont 67 millions d’euros de crédits de titre 2 et 93 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement. Ces nouveaux crédits permettront de renforcer le dispositif antiterroriste et d’accélérer la modernisation des systèmes d’information et de communication, ce qui me semble essentiel.
Au total, la hausse des crédits prévue à travers l’amendement du Gouvernement est significative et me conduit, pour ma part, à préconiser l’adoption des crédits du programme 152.
Monsieur le ministre, j’exprimerai toutefois deux interrogations.
D’abord, les récents événements soulèvent avec encore plus d’acuité qu’auparavant la question de l’articulation entre les missions des forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, et les forces armées, dès lors que l’ensemble de ces forces interviennent sur le territoire national. Pourriez-vous nous indiquer si les réflexions sur cette articulation ont progressé depuis les attentats de janvier ?
Ensuite, des associations professionnelles nationales de militaires, des APNM, se sont formées au sein de la gendarmerie nationale. Conformément à la volonté de notre commission lors de l’examen de la loi, ce nouveau mode de représentation des gendarmes préserve le système préexistant de concertation, qui s’exerce par l’intermédiaire du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, le CFMG. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment ce fait nouveau que constitue l’apparition des APNM est pris en compte au sein de la gendarmerie pour améliorer l’expression des gendarmes sur la condition militaire tout en évitant les éventuels risques de dérapage, qui pourraient par exemple prendre la forme de déclarations intempestives dans les médias ?
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de rendre hommage à l’ensemble des forces de la gendarmerie pour leur travail et leur dévouement. À cet instant, je pense en particulier à celles et ceux qui sont morts ou ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions ou qui ont mis un terme à leur existence.
Avant les tragiques événements du 13 novembre, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait pu faire le constat de l’évolution favorable du budget 2016 consacré au renforcement des capacités de la gendarmerie, et ce pour la troisième année consécutive.
Avant de poursuivre, je tiens aussi à rappeler la somme de 35 millions d’euros débloquée après les attentats de janvier 2015 et répartie comme suit : 12 millions d’euros pour les dépenses de personnel ; 18, 9 millions d’euros pour l’acquisition de nouveaux équipements – véhicules, équipements de protection, lutte contre les drones malveillants, renforcement du GIGN et des PSIG, les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie –; 2 millions d’euros pour la modernisation technique des services ; enfin, 2, 1 millions d’euros liés aux recrutements.
Pour revenir au budget 2016, sont prévus 8, 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8, 1 milliards d’euros en crédits de paiement, soit, respectivement, une augmentation de 2, 42 % et de 0, 16 % par rapport à 2015.
Même si le titre 2 représente, avec 6, 9 milliards d’euros, la part du lion, l’investissement est augmenté de 22 %, ce qui va permettre d’acquérir 2 000 véhicules, de rénover 5 000 logements et de lancer l’équipement en tablette de chaque gendarme, entre autres mesures.
Pour ce qui est des effectifs, après une augmentation de 162 postes en 2015, le projet de loi de finances prévoit la création de 554 postes pour 2016, en particulier pour la lutte contre l’immigration clandestine.
Puis, il y a eu, le 13 novembre dernier, les attentats et l’annonce faite par le Président de la République et sa traduction dans l’amendement présenté par le Gouvernement jeudi dernier, à savoir 67 millions d’euros pour recruter 1 760 gendarmes et 93 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.
Tout d’abord, alors que les récents attentats ont montré l’extrême complexité des enquêtes, à quelle échéance les mesures de simplification que vous avez annoncées en ce domaine pourront-elles être mises en œuvre ?
Ensuite, avez-vous l’intention de procéder à une révision de la carte des zones police et des zones gendarmerie, afin d’adapter au mieux les moyens des forces de l’ordre aux besoins de la population ?
Enfin, par parallélisme avec les forces de police, les forces de la gendarmerie nationale pourront-elles porter leur arme en dehors des heures de service ?
Bien entendu, les élus du groupe auquel j’appartiens soutiennent ce budget et le voteront donc.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Troendlé et M. Robert Laufoaulu applaudissent.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, les crédits examinés s’établissent à 18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur un total de 18, 5 milliards d’euros pour la mission, soit une stabilisation des crédits en euros courants par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour l’année 2015.
En matière de mutualisation des moyens entre les forces, beaucoup a été fait, mais la poursuite de ce mouvement nécessitera d’importants investissements.
Si la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre l’immigration irrégulière ont justifié des créations de postes ou des augmentations de moyens, ces missions entraînent aussi d’importantes contraintes pour l’ensemble des forces, police et gendarmerie, qui ne sont qu’en partie prises en compte par les augmentations de crédits. Le renforcement du plan Vigipirate et, hélas, les derniers événements parisiens illustrent parfaitement ce constat.
En outre, je veux mettre l’accent sur les résultats de la lutte contre la criminalité organisée, caractérisée par la montée en puissance de la délinquance au sein des cités sensibles, structurées autour du trafic de stupéfiants. J’insiste également sur la lutte contre le trafic de stupéfiants : en 2014, les saisies de cocaïne mais aussi d’héroïne ont progressé.
Je souhaite, enfin, présenter un premier bilan du plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes mis en place par M. le ministre de l’intérieur depuis le 23 avril 2014. Au moment où je rédigeais cette intervention, 1 726 Français étaient impliqués dans le djihad en Syrie, mais sans doute ce chiffre est-il en augmentation aujourd’hui.
Dans le cadre de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, plusieurs dispositifs ont été adoptés, en particulier l’interdiction de sortie du territoire ou le blocage des sites internet.
Depuis janvier 2015, 135 interdictions de sortie du territoire ont été prononcées et près d’une cinquantaine de sites internet ont été bloqués, toujours au moment où j’écrivais ces lignes.
J’observe également que le ministère de l’intérieur s’est doté, depuis le 1er septembre 2014, d’un service de statistiques indépendant pour permettre la publication de données fiables. En tout état de cause, il faudra faire beaucoup plus.
En conclusion, le budget de la mission « Sécurités » pour 2016, stabilisé en euros courants, semble redonner des marges de manœuvre pour financer les moyens de fonctionnement des deux forces et pour améliorer l’état de leur parc immobilier, notamment celui de la gendarmerie, même s’il apparaît encore insuffisant pour permettre un fonctionnement optimal des forces de l’ordre.
Pour autant, il subsiste toujours un risque de disparition de brigades de gendarmerie en zone rurale au profit de regroupements, et ce afin d’optimiser les moyens. Nous devons rester très vigilants sur le maintien de nos brigades territoriales, lesquelles assurent un renseignement de qualité en milieu rural et ont un rôle irremplaçable pour la protection de nos populations isolées.
Par ailleurs, la création nette de postes supplémentaires dans les deux forces pouvait déjà être soulignée au moment où le Président de la République, à la lumière des derniers attentats sanglants dans Paris, a proposé la création de 5 000 postes supplémentaires de policiers et gendarmes.
Compte tenu de ces observations, la commission et moi-même émettons un avis favorable sur les crédits de la mission « Sécurités », hors sécurité civile, pour 2016, sous réserve d’un abondement des crédits de nature à traduire les engagements formulés par le Président de la République dans sa déclaration au Congrès.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les tragiques attaques terroristes de ces derniers jours ont permis de mesurer, une fois de plus, l’efficacité et la pertinence de l’organisation française des secours.
Je voudrais rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, engagés au quotidien au service des autres. Je souhaiterais également saluer le dynamisme des jeunes sapeurs-pompiers. Ils contribueront à pérenniser notre modèle de sécurité civile, en grande partie fondé sur le volontariat citoyen.
Je note d’ailleurs avec satisfaction que l’érosion continue depuis de nombreuses années de l’engagement volontaire a connu, en 2014, une inversion de tendance, avec un accroissement – certes faible – de 1 442 engagements. Les initiatives prises tant par les pouvoirs publics que par de nombreux SDIS ne sont donc pas vaines.
Les crédits inscrits au programme pour 2016 sont stables, et même en légère hausse. Ils préservent les priorités définies pour renforcer la protection des populations. C’est pourquoi la commission des lois a donné un avis favorable à leur adoption.
Monsieur le ministre, je voudrais aborder trois questions.
La première intéresse la réflexion sur l’équipement de la flotte d’aéronefs par un système de radio compatible avec Antarès. Je sais que la solution technique de ce problème, créé par les avions et les hélicoptères en vol rapide, s’avère très compliquée. Pouvons-nous cependant espérer le voir prochainement réglé ? Le groupe de travail relatif aux liaisons Antarès air-sol, créé en novembre 2014, vous a-t-il remis ses conclusions, monsieur le ministre ?
Un deuxième sujet me tient particulièrement à cœur : le choix du système de gestion de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, des sapeurs-pompiers volontaires, alors que le marché conclu avec CNP Assurances, qui gère cette prestation pour les SDIS, arrive à échéance le 31 décembre prochain.
Le débat est vif, monsieur le ministre, et je sais qu’il existe une volonté, au regard du coût que la PFR représente pour les contributeurs publics, de stabiliser les flux budgétaires, mais en maintenant le niveau de prestation servi aux volontaires.
Quelle est la position de l’État dans ce dossier ô combien important pour le monde des pompiers ?
Enfin, je voudrais vous saisir d’une difficulté rencontrée par certains sapeurs-pompiers volontaires. Vos services ont d’ailleurs tenté à plusieurs reprises de la résoudre, mais en vain à ce jour. Il s’agit de la situation des volontaires anciens militaires qui bénéficiaient d’une pension afférente au grade supérieur, une PAGS. L’administration des finances analyse l’activité du volontaire comme une reprise d’activité dans un organisme public. Celle-ci entraîne la perte de la PAGS et son remplacement par une pension militaire de droit commun. Cette interprétation me paraît particulièrement injuste pour un engagement au service du bien commun.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guillaume Arnell.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs pour avis et rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, la question sécuritaire est au cœur de tous nos débats de ces derniers jours, et elle est, en ce moment, l’une des principales préoccupations de nos concitoyens. Le Président de la République l’a affirmé le 16 novembre dernier, devant le Congrès, « le pacte de sécurité prime sur le pacte de stabilité ».
Ainsi, les attentats du 13 novembre 2015 ont donné lieu à un renouveau du pacte de sécurité et, par conséquent, à une importante modification – en l’occurrence, budgétaire – de l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays.
Nous sommes donc en accord avec l’amendement présenté par le Gouvernement à l’article 24, visant à la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017, dont 3 500 pour la seule année 2016, au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur.
De même que nous sommes favorables à l’affectation des 465 effectifs qui renforceront les missions des services centraux et territoriaux, chargés de la lutte contre la radicalisation, la fraude documentaire, du contrôle des armes et de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
De manière plus générale, nous notons que le budget « Sécurités » pour 2016 continue ainsi à rompre avec la logique des chiffres qui avait présidé à la révision générale des politiques publiques, dite RGPP, menée de 2009 à 2012, laquelle ne convenait visiblement ni à la population ni au personnel du secteur.
Entre 2006 et 2011, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes de 2013, les effectifs avaient reculé de près de 3 000 emplois dans la police nationale et de l’ordre de 4 000 dans la gendarmerie.
Au-delà de l’abandon de la révision générale des politiques publiques, les effectifs augmentent et des objectifs plus qualitatifs que quantitatifs sont mis en avant, ce qui est une bonne nouvelle et doit être salué.
De nouvelles orientations et méthodes en matière de lutte contre la délinquance sont plus que jamais d’actualité et les nouveaux moyens alloués au budget doivent être importants. Il nous semble toutefois quelque peu regrettable, monsieur le ministre, que les dramatiques événements de ces derniers jours aient entraîné l’accélération du renforcement des effectifs qui aurait, à notre sens, pu intervenir un peu plus tôt.
Il importe aussi de souligner la nécessité de réconcilier la police et la gendarmerie, une nécessité qui doit être accompagnée de l’optimisation des capacités opérationnelles de nos forces. Tout doit en effet être mis en œuvre pour que la sécurité de nos concitoyens soit assurée. Sans cela, nulle autre liberté n’est garantie.
Monsieur le ministre, à Saint-Martin, territoire dont je suis élu, les chiffres de la délinquance sont inquiétants, et nous faisons tout pour réduire nos tristes records, en dépit du nombre important d’effectifs de gendarmes et de policiers qui sont affectés sur l’île.
Aussi, ce constat conduit à s’interroger : comment se fait-il que, avec des effectifs proportionnellement plus importants que sur d’autres territoires et qui sollicitent un renforcement des forces de l’ordre, les chiffres de la délinquance demeurent si élevés à Saint-Martin ? Une réflexion en profondeur s’impose donc.
Au moment de conclure, je tiens à renouveler mes remerciements aux gendarmes, policiers, secouristes, sapeurs-pompiers, personnels soignants, médicaux, paramédicaux, auxiliaires, …
… à ceux qui interviennent au titre de la sécurité civile, nos héros du quotidien, dont le travail est plus que jamais nécessaire. Et je salue une fois encore dans cet hémicycle et devant vous, monsieur le ministre, le travail et l’engagement de ces derniers au service de notre sécurité.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE apporte son soutien unanime à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.
Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mmes Karine Claireaux et Nathalie Goulet ainsi que MM. Philippe Kaltenbach et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, regroupant les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité et de l’éducation routières, ainsi que ceux de la sécurité civile, le budget de la mission « Sécurités » bénéficie d’un nouvel effort financier et passe de 18, 2 milliards d’euros en 2015 à près de 18, 4 milliards d’euros pour 2016.
Si les attaques terroristes de janvier 2015 ont bouleversé la hiérarchie des préoccupations des Français, il ne fait aucun doute que les attentats du 13 novembre dernier vont faire de la lutte contre le terrorisme leur principale préoccupation.
Cette situation se traduit par un important surcroît d’activité pour les forces de sécurité intérieure.
Nous tenons d’ailleurs à saluer ici le dévouement des policiers et gendarmes, qui font face avec courage et détermination à ces défis nouveaux.
Sur le plan matériel, des mesures significatives ont été annoncées par le Président de la République après les terribles attentats du 13 novembre, avec la création de 5 000 postes dans la police et la gendarmerie et la promesse de moyens d’équipement et d’investissements supplémentaires. Ces annonces se concrétisent aujourd’hui dans le dépôt d’un amendement du Gouvernement visant à abonder ce budget « sécurité » de près de 340 millions d’euros.
La situation extrêmement grave dans laquelle notre pays est plongé exige cette augmentation des moyens. Il aura néanmoins fallu attendre que ces funestes événements se produisent pour prendre pleinement conscience des enjeux.
Cependant, ces créations de postes – bien qu’elles représentent un effort louable – ne suffiront pas à compenser les quelque 13 700 emplois supprimés entre 2007 et 2012, sous la précédente législature. Et les efforts consentis ne permettront pas toujours de garantir l’existence de véritables police et gendarmerie de proximité.
La même remarque vaut pour les investissements. En 2016, la police nationale pourra investir à hauteur de 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une augmentation de près de 22 %. Si nous notons avec satisfaction la progression de ces budgets d’investissement, force est de constater que les budgets consacrés à l’équipement des fonctionnaires ou aux moyens mobiles restent stables, quand ils ne sont pas réduits. Cette situation est dommageable compte tenu du vieillissement préoccupant et de l’obsolescence des matériels.
Des moyens plus ambitieux encore doivent être consacrés à l’amélioration des conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes.
Les policiers descendus dans la rue le mois dernier le faisaient non pour nourrir une polémique stérile sur les relations entre la police et la justice, mais bien pour dénoncer ce qui limite leur action.
Comme l’ont rappelé de nombreux représentants syndicaux, nos policiers ont voulu exprimer le « ras-le-bol » face aux conséquences du plan Vigipirate sur leurs conditions de travail, à l’état de fatigue préoccupant de nombre d’entre eux, ainsi qu’à la faiblesse des moyens mis à leur disposition pour accomplir des missions de plus en plus nombreuses.
Ainsi, comme le souligne le rapporteur spécial de la commission des finances sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », le renforcement des effectifs, les créations de postes ne masqueront pas la paupérisation des deux forces, lesquelles ne disposent plus des moyens en fonctionnement et en investissement pour assurer leurs missions.
C’est pourquoi nous vous invitons, budget après budget, à investir la question de la souffrance au travail et à reconsidérer la vision managériale de cette administration.
De plus, l’état d’urgence qui a été promulgué sollicite – légitimement – davantage nos forces de l’ordre, en parallèle à l’organisation d’événements d’ampleur. En ce moment même, se déroule la Conférence des Nations unies, la COP 21, au cours de laquelle notre capitale accueille les représentants de 195 pays. Dans les mois à venir, notre pays sera l’hôte de l’Euro 2016 de football.
Concernant la « sécurité civile », les crédits du programme sont en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. Néanmoins, cette hausse – bienvenue – masque, là encore, quelques insuffisances, notamment la situation des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français – ils sont 193 756. L’objectif des 200 000 volontaires d’ici à deux ans semble hors de portée.
Outre la question du maillage territorial, qui doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, il nous faut aussi assurer une proximité accrue entre le domicile du volontaire et son centre. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir auprès des bailleurs sociaux afin que soit rendue effective la facilitation de l’accès de ces sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux. Il convient désormais de s’assurer que la convention signée en juillet en ce sens apportera des résultats tangibles.
Toutes ces raisons conduisent finalement les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à une abstention que je qualifierai cependant de « vigilante et attentive ».
M. Michel Le Scouarnec applaudit.
Marques de satisfaction et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Sourires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, tout d’abord, je dois avouer avec humilité que cette année, l’examen de cette mission est un moment particulier.
Je m’exprime en tant que parlementaire, membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, où les questions stratégiques et de sécurité globale composent notre actualité permanente et en tant que sénateur de Paris, représentant un territoire pluriel, à la fois ville et département, et maintenant cible de l’État islamique.
En effet, le 13 novembre dernier, Paris a été, de nouveau, le théâtre d’une guerre contre nos valeurs. Pour la deuxième fois cette année, des innocents ont été lâchement et froidement assassinés dans notre ville. Devant vous, je souhaite témoigner aux familles ma compassion. Je souhaite également remercier tous ceux qui se sont mobilisés ce vendredi soir-là : les forces de police et d’intervention, bien sûr, les pompiers, les personnels hospitaliers et tous ces anonymes qui ont fait preuve de courage, voire d’héroïsme.
Je veux réaffirmer, monsieur le ministre, que la sécurité de nos concitoyens est un pan inaliénable de la liberté – ce merveilleux mot qui appartient à la devise de notre nation.
Cet épisode, comme les récents attentats qui touchent d’autres villes dans le monde, nous rappelle tragiquement à quel point vivre en sécurité est un bien précieux. Malheureusement, face à l’obscurantisme de ces barbares, cette sécurité n’est plus un acquis.
Pour autant, c’est à nous, responsables politiques, de trouver de nouveaux moyens pour créer les conditions de cette sécurité.
Je pense que nous sommes à un moment crucial de notre histoire, où toute la nation est engagée. Contre le terrorisme, nous devons mener une guerre totale.
Aux terroristes de l’État islamique, nous opposerons non seulement des moyens, mais également la détermination de la France tout entière, qui sera solidaire.
En prononçant ces mots, il n’est pas question pour moi d’effrayer : au contraire, les Français sont prêts à nous soutenir. Ils sont prêts à supporter la vérité. Ils sont prêts aux efforts budgétaires.
Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres : les rapporteurs nous ont parfaitement exposé les modifications apportées par le Gouvernement et les augmentations de moyens et de personnels auxquelles il a été consenti.
Je tiens à les remercier pour leurs travaux, car la légistique budgétaire n’est pas un exercice facile, surtout dans les moments de crise.
L’insuffisance de la mission « Sécurités » avait été soulignée, et ce juste avant les attentats du 13 novembre dernier. C’était prémonitoire – hélas !
L’augmentation de 0, 98 % semblait en décalage avec un contexte sécuritaire très fortement dégradé depuis deux ans, notamment avec l’avènement de cet État islamique, qui est notre véritable ennemi.
Les annonces du Président de la République, lors du Congrès, se sont traduites par des amendements, examinés et votés en commission des finances, ramenant le budget à un niveau plus adapté à la réalité des menaces.
Alors, monsieur le ministre, nous saluons le respect de l’engagement présidentiel et votre mobilisation. C’est un gage de confiance primordial, dans un moment où notre société doit absolument être solidaire.
Des efforts doivent toutefois être accomplis bien au-delà de l’échelle nationale. Les enjeux et les moyens de la lutte contre le terrorisme sont européens.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, opine.
La lutte contre le terrorisme est un défi pour l’Union européenne. L’avènement de l’État islamique en Irak et le chaos syrien ont profondément bousculé l’Union, jusque dans ses fondements.
Ainsi, tout d’abord, l’espace Schengen et le contrôle aux frontières sont remis en cause par l’état d’urgence.
Ensuite, la politique migratoire doit assurer la gestion de l’accueil des migrants fuyant la guerre et la barbarie.
Enfin, la lutte contre les différents trafics d’êtres humains, de drogue et d’armes qui financent le terrorisme nécessite une véritable politique, c’est-à-dire une action globale, durable, coordonnée et efficace.
Il y a des rendez-vous que l’Union européenne ne saurait rater : celui-ci en est un. La crédibilité de l’Union est en jeu.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je voterai les crédits ainsi modifiés de la mission « Sécurités ».
Toutefois, avant de conclure, je tiens à évoquer un dernier point.
L’augmentation des moyens consacrés à nos forces de l’ordre, à nos agents de renseignement et à leurs équipements ne saurait suffire. Tous ces efforts budgétaires et tout le travail de nos agents, à qui je rends un hommage sincère, resteront vains s’ils ne s’accompagnent pas d’une véritable volonté politique, qui rappelle l’importance du respect de la loi et de l’application des peines.
Il ne saurait y avoir de sécurité si nous n’avons pas les moyens d’une politique pénale adaptée : cette politique pénale participe aussi à la protection de la population.
Trop souvent, les forces de l’ordre regrettent le manque de convergence entre les différents acteurs de la chaîne judicaire et pénale. Elles souhaiteraient une meilleure implication de la justice. Tous les acteurs de la chaîne judiciaire et pénale doivent tendre vers un seul objectif : la sécurité et la protection de nos concitoyens. Sinon, l’incompréhension s’ajoutera aux inquiétudes et aux peurs déjà instillées par les terroristes.
La guerre contre le terrorisme, qu’elle soit diplomatique, judiciaire ou militaire, exige un engagement politique total de long terme, auquel nous souscrivons pleinement.
Mes chers collègues, la protection des Français mérite un CDI et non un CDD ! Trois mois ne suffiront pas : la guerre que nous menons ne se limite pas à une mobilisation provisoire ; celle-ci doit être permanente, jusqu’à ce que l’ennemi soit vaincu !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, il y a un an, lors de l’examen des budgets de votre ministère, je constatais que le mot « terrorisme » ne figurait dans aucun des documents budgétaires. Force est de constater que cette année ce terme est présent à de nombreuses reprises ; c’est une très bonne chose.
Je vous prévenais alors, monsieur le ministre, que les temps s’annonçaient difficiles, que votre tâche serait lourde et votre travail de longue haleine – nous étions un mois avant l’attaque de Charlie Hebdo – ; voilà pourquoi nous avions voté vos crédits. Aujourd’hui encore, bien évidemment, l’ensemble de notre groupe fera de même.
Je souhaite aussi, monsieur le ministre, vous exprimer notre soutien et vous assurer du respect que nous avons pour votre travail et pour celui de l’ensemble de vos services. À aucun moment, en ces difficiles temps de deuil, je ne soutiendrai l’idée que ces services auraient failli ; jamais je ne les mettrai en cause.
J’aimerais toutefois profiter des quelques minutes qui me sont attribuées pour attirer votre attention sur certains points.
Les fiches S, qui sont un document de travail, ont une durée de vie d’environ deux ans. Certes, il est impossible de ficher les personnes qui n’ont pas encore été condamnées ; nous connaissons cette difficulté. Néanmoins, Merah, Nemmouche, Coulibaly, les frères Kouachi et tous les autres terroristes sont bien sortis à un moment des écrans radar. Il faudrait par conséquent travailler à la mise en place d’un fichier permanent des personnes qui ont eu un lien direct ou indirect avec le terrorisme ; c’était l’un des souhaits de notre commission d’enquête à ce sujet. Si ce fichier devait fonctionner comme celui qui concerne les délinquants sexuels, il faudrait alors informer les personnes qui y sont inscrites qu’elles sont suivies ; si cela peut avoir des inconvénients, cela peut aussi présenter des avantages.
Je ne prétends pas connaître la solution à ce problème. En revanche, je sais que, un ou deux ans après être sortis des écrans radar, ces individus deviennent des terroristes. Ils ont du sang sur les mains : le sang de nos concitoyens. Il faudra bien trouver une solution. Je soumets cette réflexion à votre sagacité légendaire. Il est en effet nécessaire de résoudre le problème des personnes qui ont été ciblées puis lâchées. Il s’agit d’un problème ex post et non d’un problème ex ante au regard du fichage.
Le deuxième problème que je veux évoquer concerne les contrôles effectués par l’agence FRONTEX. Dans sa proposition n° 69, notre commission d’enquête souhaitait que ces contrôles puissent être aléatoires. En effet, aujourd’hui encore, les services nationaux sont informés de la date et de l’heure de leurs contrôles, ce qui rend évidemment ces derniers un peu moins performants que ne le seraient des contrôles aléatoires.
Par ailleurs, toujours au sujet des frontières, j’aimerais aussi évoquer la question du trafic d’armes. Nous ne pouvons déjà plus payer en espèces au-delà de 1000 euros, bientôt il faudra presque une carte d’identité pour acheter des cigarettes électroniques
Sourires.
En matière de coopération internationale, une convention de sécurité intérieure a été signée à Ankara, le 7 octobre 2011, avec la Turquie ; il serait grand temps de la mettre en action. Cette convention dort dans les tiroirs de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale depuis plus de quatre ans. Pensez-vous qu’un jour ou l’autre nous pourrons étudier cette convention ? En effet, s’il est important de travailler avec la Turquie, cette coopération serait sûrement bien plus efficace dans le cadre d’une convention.
Je souhaite évoquer un autre sujet d’inquiétude : les financements du terrorisme. Je sais, monsieur le ministre, que ce sujet ne relève pas directement de votre ministère. Néanmoins, je voulais simplement vous rappeler que vous aviez rejeté l’an dernier un amendement que j’avais déposé relatif aux cartes prépayées ; vous estimiez alors que ce n’était pas au cœur des dispositifs. Je constate avec intérêt que cela l’est devenu aujourd’hui : j’ai eu le tort d’avoir raison trop tôt.
Je voudrais consacrer le reste de mon intervention au sujet de la prévention du terrorisme. Monsieur le ministre, nous pourrons travailler autant que nous voulons sur la répression, nous savons tous que le problème ne peut être résolu uniquement ainsi. La prévention est une nécessité absolue.
La radicalisation est un sujet nouveau. Il faut donc former les formateurs ; c’est une question essentielle parce que nous n’avons pas droit à l’erreur. C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une évaluation de l’ensemble des organismes en charge de cette formation, y compris, et surtout, de ceux qui viennent en aide aux familles. Beaucoup d’échos nous reviennent selon lesquels les familles de jeunes radicalisés sont isolées et mal encadrées.
Certes, si j’ai bien lu le détail des crédits, près de 600 millions euros d’aides doivent être versés aux associations. Toutefois, il n’est pas impossible que cela soit source d’un effet d’aubaine et que, bien évidemment, à terme, le résultat escompté fasse défaut.
Le travail de déradicalisation et de prévention est essentiel, faute de quoi nous continuerons à alimenter les réseaux de Daech, que ce soit sur notre territoire ou à l’étranger. Mme Latifa Ibn Ziaten et M. Mourad Benchellali répètent à longueur de journée qu’ils sont très isolés dans le travail de déradicalisation qu’ils accomplissent. Je pense, monsieur le ministre, qu’il faudrait mettre toutes ces bonnes volontés en réseau, les encadrer et les organiser. Il n’y a absolument pas de temps à perdre.
Cette maison accueille régulièrement, monsieur le ministre, une organisation dénommée « Talents des cités ». Chaque année, nous honorons le talent de jeunes issus des quartiers défavorisés. À cette occasion, notre hémicycle est blanc-noir-beur. Cette démarche est extrêmement intéressante ; à mon sens, il faudrait mobiliser les jeunes ayant reçu des prix « Talents des cités », les inciter à retrouver le chemin de ces territoires déshérités, à y réinvestir et à servir ainsi de bons exemples à des personnes qui, disons-le, sont quelque peu en perdition. Mettre en œuvre ces bonnes volontés, d’une façon qui ne soit pas vraiment institutionnelle, représente sans doute la meilleure chance que nous ayons de ramener des jeunes en voie de radicalisation à de meilleurs sentiments.
Je crois aussi qu’il nous faut utiliser tous les outils à notre disposition. Le Forum mondial contre le terrorisme, qui a été créé le 22 septembre 2011, juste après les attentats du 11 septembre, a ainsi développé un institut international implanté à Abu Dhabi, Hedayah, qui organise des programmes contre la radicalisation. Plutôt que de réinventer les choses, je crois qu’il faut utiliser ce qui existe déjà. Cet institut offre un certain nombre de programmes, tels des programmes de déradicalisation par le sport et des programmes de formation. J’estime qu’il faut s’en inspirer ; la France est d’ailleurs coprésidente de certaines commissions à l’intérieur de cet institut. Je tiens à préciser que, en dépit de son emplacement, il s’agit non pas d’un institut émirati mais bien d’un centre international auquel nous pouvons faire confiance.
Monsieur le ministre, la grande confiance que notre groupe a dans votre travail comme dans vos services fera mentir le proverbe normand que nous avons en partage : elle exclut pour l’instant toute petite méfiance ! §Nous voterons donc les crédits de cette mission.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les dramatiques événements survenus au mois de janvier puis le 13 novembre dernier, nous sommes plus que jamais attentifs aux moyens qui sont alloués à la sécurité de nos concitoyens.
Il faut le dire : nos forces de police et de gendarmerie ont fait une nouvelle fois la démonstration d’un professionnalisme rare pour neutraliser les individus impliqués dans ces attentats.
Exposés quotidiennement dans leur mission, les agents des forces de l’ordre sont à pied d’œuvre, en première ligne, depuis de nombreux mois.
Ils attendent de nous, bien sûr, tout comme l’ensemble de nos concitoyens, une mobilisation à la hauteur de l’enjeu.
Lors de son discours devant le Congrès, le chef de l’État a annoncé des mesures fortes, dont la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017. Ces paroles vont une nouvelle fois se traduire en actes : bien évidemment, le groupe socialiste et républicain se félicite de l’amendement déposé par le Gouvernement, qui a d’ailleurs reçu le soutien unanime de la commission des finances.
Cet amendement a pour objet la création, en 2016, de 3 150 postes : 1 366 dans la police et 1 763 dans la gendarmerie. Ces créations d’effectifs s’accompagnent d’un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement d’un montant total de plus de 220 millions d’euros.
Ce nouvel effort budgétaire, qui vient répondre à une situation exceptionnelle, s’inscrit dans la continuité de ceux qui ont déjà été entrepris depuis le début du quinquennat.
Ces efforts ont été rendus indispensables par la chute brutale des effectifs entre 2007 et 2012. Il faut à mon sens rappeler que, durant le précédent quinquennat, près de 14 000 postes ont malheureusement été supprimés : 7 000 dans la police et 6 800 dans la gendarmerie.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Philippe Kaltenbach. Cela était une grave erreur. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire : un membre des Républicains, M. Alain Juppé, l’a reconnu. Il faudrait tout de même que nous soyons tous d’accord sur le constat : supprimer des postes dans la police et la gendarmerie a constitué une erreur, que nous payons aujourd’hui.
Mêmes mouvements.
Le Gouvernement a bien saisi l’enjeu puisque, depuis 2012, des postes sont recréés. Les effectifs sont en hausse depuis le changement de majorité.
Cette hausse a pu être contestée ces derniers jours par l’opposition, qui s’est fait l’écho d’un article paru dans un grand quotidien national du soir – je ne le nommerai pas mais vous savez auquel je fais allusion –, article qui remet en cause la réalité de cette hausse.
Le critère d’évaluation qui fonde le raisonnement de cet article, à savoir les plafonds d’emplois, n’est pas pertinent. En effet, cette mesure varie en fonction de l’évolution des missions d’un ministère.
Les seuls chiffres fiables pour juger de l’évolution réelle des effectifs sont…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
… les schémas d’emplois exécutés, publiés chaque année, qui mesurent les gains ou les pertes nets d’effectifs dans un même périmètre ministériel.
Nouveaux sourires sur les mêmes travées.
M. Philippe Kaltenbach. J’en viens à des choses moins techniques, monsieur Karoutchi : je sais qu’elles vous gênent mais on ne peut les taire. À partir de 2013, premier budget voté par l’actuelle majorité, ces schémas d’emplois sont positifs pour la police comme pour la gendarmerie, conformément aux engagements du Président de la République.
Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Il avait promis en effet de mettre la priorité sur la sécurité, ce qui s’est traduit, depuis 2013, par des augmentations d’effectifs dans la police comme dans la gendarmerie.
À la lecture de ces documents, on constate que, depuis 2012, il y a eu 1 172 créations d’emplois dans la police et 616 dans la gendarmerie, soit près de 1 800 emplois.
M. Philippe Kaltenbach. Vous me répondrez que ces effectifs sont encore insuffisants.
Exclamations amusées sur certaines travées du groupe Les Républicains.
M. Roger Karoutchi. Si vous faites les questions et les réponses, alors !
Sourires.
M. Philippe Kaltenbach. De la part d’un groupe qui a légitimé pendant cinq ans la suppression de 14 000 postes, c’est plutôt cocasse !
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Des efforts ont été accomplis ; ils s’amplifient, avec les 5 000 postes annoncés. C’est indispensable, car, pour assurer la sécurité de nos concitoyens, il faut des effectifs suffisants sur le terrain, des moyens, des agents pour le renseignement.
Tout cela doit se traduire sur le plan budgétaire. C’est le cas depuis 2013. C’est encore le cas dans ce budget que nous nous apprêtons à voter pour 2016.
À l’occasion des attentats du 13 novembre dernier, nous avons pu mesurer que, heureusement, la France disposait de services publics extrêmement efficaces, notamment dans les domaines de la sécurité et de la santé.
Cela suppose des moyens. Le groupe socialiste et républicain a toujours défendu les services publics et leur rôle dans la société.
Oui, nous avons besoin de policiers, de gendarmes, d’infirmiers, d’enseignants. Cette réalité se traduit dans le budget qui est voté.
M. Philippe Kaltenbach. Pour toutes ces raisons et eu égard aux moyens supplémentaires qui résulteront de l’adoption de l’amendement du Gouvernement, le groupe socialiste et républicain votera les crédits de la mission « Sécurités » et soutiendra pleinement la politique menée par le ministre de l’intérieur.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Sourires sur les mêmes travées.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cela a été rappelé, cette année, l’examen de la mission « Sécurités » revêt un caractère très particulier en raison des événements dramatiques qui se sont déroulés à Paris et qui ont touché des victimes innocentes. Notre pays et le monde entier en sont bouleversés et affectés.
Dès lors, dans ce contexte extrêmement tendu, parler de chiffres devient un exercice difficile. Nous ne pouvons que témoigner notre respect et notre reconnaissance à l’égard de l’ensemble des forces de sécurité – gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers –, des professionnels de santé, en particulier les urgentistes, des personnels des services de l’État et des collectivités territoriales, sans oublier les bénévoles, tous ceux qui ont œuvré et œuvrent encore au quotidien avec dévouement et conscience professionnelle pour la sécurité des personnes et des biens.
Nous sommes conscients de cette grande solidarité, qui nous invite à la modestie. C’est pourquoi, malgré tout le respect que je dois à mon collègue qui vient d’intervenir, pour ma part, je ne citerai aucun chiffre.
Les métiers difficiles liés à la sécurité doivent s’adapter constamment à des contraintes exceptionnelles. La lutte contre le terrorisme est devenue la principale priorité des Français, comme l’ont rappelé avec conviction et passion Philippe Dominati et les autres rapporteurs.
À cela s’ajoute une crise migratoire très importante.
Nos forces de sécurité exercent leur métier avec passion, au risque de leur vie. Chaque année, les Journées nationales d’hommage aux gendarmes, policiers, sapeurs-pompiers qui se déroulent sous votre autorité, monsieur le ministre, dans nos départements, en métropole et outre-mer, en liaison avec les représentants de l’État, sont des moments importants. Associant nos concitoyens, les élus et les forces vives de la nation, elles nous permettent de prendre conscience plus vivement encore des missions de ces agents, des dangers qu’ils vivent au quotidien et nous rappellent le respect que nous leur devons.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » atteignaient 17, 9 milliards d’euros en crédits de paiement. À ce montant, il convient d’ajouter 340 millions d’euros prévus par l’amendement du Gouvernement à l’article 24 et destinés à créer 3 150 emplois en 2016, dans le cadre de la mission « Sécurités ».
Le budget de la gendarmerie nationale s’élève à plus de 8 milliards d’euros. Dans le département des Ardennes – vous le connaissez bien, monsieur le ministre, puisque vous y venez régulièrement et que vous avez inauguré la caserne de gendarmerie de Rethel l’été dernier –, comme dans d’autres territoires, les petites brigades manquent souvent d’effectifs et les postes ne sont pas toujours tous pourvus. Les renforts de réservistes actifs – en tant que membre de la réserve citoyenne, je peux apporter mon modeste témoignage !
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain
Sur le terrain, les gendarmes font de leur mieux pour rencontrer les maires, les interlocuteurs de proximité – acteurs économiques, sociaux, enseignants, etc. – afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens, notamment dans les territoires ruraux. Pour les maires des petites communes, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les urgentistes et l’ensemble des services de l’État constituent des interlocuteurs de proximité ; à ce titre, nous devons les soutenir.
Il faut lutter contre la délinquance – je pense à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », votée en 2011 –, contre l’insécurité sous toutes ses formes, notamment en faisant de la sécurité routière une priorité.
Monsieur le ministre, nous comptons sur votre engagement de donner à l’ensemble des services, brigades et communautés de brigades, escadrons motorisés, pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, ou PSIG, les moyens humains nécessaires et les moyens de fonctionner, qu’il s’agisse du matériel, du renouvellement des véhicules, notamment les motos, etc. La tâche reste immense, d’autant que les missions de gendarmes, tous grades confondus, restent très variées. Elles s’inscrivent de plus en plus dans le cadre d’interventions à caractère judiciaire, social ou familial. Le statut militaire des gendarmes doit toujours être préservé, compte tenu de leur engagement, mais aussi de leur attachement au devoir de mémoire.
Par conséquent, il est indispensable de soutenir nos forces de police et de gendarmerie, les sapeurs-pompiers et tous ceux qui s’engagent pour la sécurité des habitants, en particulier les personnes les plus fragiles, en leur accordant les moyens humains suffisants et, surtout, bien répartis géographiquement, dans les territoires urbains comme dans les territoires ruraux. Si certains départements sont particulièrement attractifs, d’autres le sont malheureusement moins et la répartition de certains postes se révèle très difficile.
Cette année encore, il faut souligner le mérite de l’ensemble des forces de sécurité et des personnels. Nous devons retrouver la confiance qui unit l’État, les collectivités territoriales et l’ensemble des intervenants et des partenaires. Il faut toujours garder en mémoire qu’il s’agit d’une responsabilité collective, partagée et citoyenne.
Cela a été rappelé avec passion avant moi : les enjeux sont nombreux et la tâche reste d’envergure – ce qui vaut pour cette année valait déjà pour les années antérieures. C’est pourquoi nous devons rester confiants et positifs. Mes collègues et moi-même voterons donc les crédits de la mission « Sécurités », mission que l’on pourrait également appeler « Solidarité ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Guillaume Arnell applaudit.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui plus que jamais, la sécurité de notre pays et de nos concitoyens est au cœur des préoccupations des Français. Le projet de loi de finances pour 2016 les prend pleinement en considération, à la hauteur des enjeux qui s’imposent à nous.
C’était déjà le cas hier. Avec constance, depuis trois ans, le Gouvernement a fait de la sécurité des Français une priorité dans la lutte contre la délinquance de droit commun et contre la menace terroriste.
Je rappelle que les crédits de la mission « Sécurités » pour 2015 étaient globalement en hausse. Le budget de la police avait augmenté de 0, 5 %, avec 9, 69 milliards d’euros, celui de la gendarmerie de 0, 4 %, avec 8 milliards d’euros.
L’exigence de responsabilité nous impose d’opérer des choix très différents de ceux qui ont prévalu jusqu’à une période récente.
La révision générale des politiques publiques a supprimé 13 338 postes de policiers et de gendarmes depuis 2007. Suivant une logique différente de celle du précédent quinquennat, en 2015, comme en 2014 d’ailleurs, 405 policiers et gendarmes supplémentaires ont été recrutés.
Afin de répondre efficacement à l’évolution de la menace terroriste, nous nous sommes dotés de moyens juridiques efficaces : le Parlement a débattu en 2012, 2014 et 2015 de différents textes visant à adapter notre législation aux spécificités de cette criminalité particulièrement dangereuse.
De nombreux projets d’attentats ont ainsi pu être déjoués notamment grâce à ces dispositifs et au travail incommensurable des forces de l’ordre, dont le dernier à Toulon deux jours avant cette macabre nuit du 13 novembre dernier.
Malgré toutes ces mesures nouvelles, l’année 2015 s’achève aussi tristement qu’elle a commencé, faisant au moins 130 morts et des centaines de blessés. Je tiens à m’associer ici à la douleur des familles des victimes. Il n’y a pas de mots suffisamment forts pour qualifier une telle barbarie. Je tiens également à saluer l’action des forces de l’ordre et des professionnels de secours et de santé, qui se sont encore une fois montrés exemplaires.
Pour faire face à ce monstre qu’est le terrorisme, la France, avec la compréhension de la Commission européenne, prévoit de ne pas tenir ses engagements budgétaires face à la nécessaire augmentation des dépenses de sécurité en pareille situation. Comme le Président de la République l’a affirmé avec force lors de son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 16 novembre dernier : « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ».
Aussi, ce sont 5 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires qui seront créés et 9 200 suppressions de postes de militaires prévues entre 2017 et 2019 qui seront gelées. Au total, la mobilisation de ces nouveaux moyens conduira à une dépense supplémentaire sur le budget de l’État estimée à 600 millions d’euros en 2016. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels !
À cet égard, je constate avec satisfaction que la commission des finances a adopté à l’unanimité l’amendement du Gouvernement visant à compléter les crédits de la mission « Sécurités » dans le projet de budget 2016 et que, dans la foulée, elle a confirmé ce vote positif en émettant un avis favorable sur les crédits de la mission ainsi modifiés.
Je salue également le rapport pour avis d’Alain Marc et le choix de la commission des lois de se déclarer favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans attendre le dépôt formel de l’amendement du Gouvernement.
À la suite de ces attentats, les musulmans de France redoutent de nouveau – et à raison – les amalgames, la stigmatisation et les actes islamophobes. Des lieux de culte, des commerces ont déjà été vandalisés et des personnes agressées verbalement et physiquement. Il me semble impératif d’encourager la mobilisation récente des musulmans contre ces amalgames et contre une terreur qui se réclame de l’islam et dévoie cette religion. Je pense notamment à l’annonce faite par le président du Conseil français du culte musulman, le CFCM, de mettre en place une « habilitation » des imams pour promouvoir « un islam tolérant et ouvert » en France.
Dans mon département, la population, qui est à plus de 90 % de confession musulmane, a toujours eu une lecture de l’islam en accord avec les lois de la République. Une délégation de cadis de Mayotte, conscients des dérives actuelles, s’était d’ailleurs rendue le 13 décembre 2014 en métropole pour promouvoir la lutte contre le processus de radicalisation.
Toutefois, comme partout ailleurs, l’île n’est pas à l’abri d’une radicalisation. La jeunesse de la population, rendue vulnérable par le chômage et la précarité, constitue un terreau réceptif aux dérives fondamentalistes véhiculées par les nouveaux moyens technologiques.
J’incite également les musulmans de France à revoir en profondeur et sans tarder leur organisation.
Reconnaissant que, dans une République laïque, il n’appartient pas à l’État de se prononcer sur l’organisation interne des cultes, monsieur le ministre, vous avez annoncé en conseil des ministres le 25 février dernier un plan d’action articulé autour du dialogue avec la communauté musulmane, la sécurité des lieux de culte et la formation des imams. La réunion plénière de la nouvelle instance de dialogue avec le culte musulman s’est tenue le 15 juin 2015. Certes, cette question relève d’une autre mission budgétaire, mais puisqu’elle est directement liée à cette situation, pourriez-vous tout de même nous préciser ce qu’il est ressorti de ses travaux ?
M. Thani Mohamed Soilihi. Pour conclure, monsieur le ministre, le budget particulier que vous nous présentez marque une nouvelle fois la volonté du Gouvernement de faire face aux risques terroristes après les attentats dont la France a été victime et à la criminalité de droit commun. Aussi, je le voterai.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Guillaume Arnell et Michel Le Scouarnec applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » étant marqué par les événements tragiques que nous avons connus récemment, j’ai souhaité axer mon propos sur l’action d’un service de la gendarmerie nationale, parfois méconnu, la sous-direction de l’anticipation opérationnelle, la SDAO. Ce service a été installé à la suite de la réforme d’ampleur du renseignement intérieur en 2013. Les ressources consacrées à cette mission sont maintenant plus clairement identifiées et mieux structurées. Par ailleurs, cette réforme a conduit à impliquer de nouveau le renseignement territorial dans la lutte contre le terrorisme.
La création de la SDAO était une nécessité. Effectivement, et comme la délégation parlementaire au renseignement l’avait souligné dans son rapport pour l’année 2014, la réforme entreprise en 2008 avait eu pour conséquence la marginalisation de la gendarmerie nationale dans la politique de renseignement de proximité. C’était une erreur à laquelle le Gouvernement a remédié en 2013.
Les moyens de la gendarmerie nationale ont été renforcés dans le cadre du plan global de lutte contre le terrorisme annoncé le 21 janvier 2015. C’est ainsi que 150 gendarmes doivent rejoindre le SDAO. Le Président de la République a annoncé le 16 novembre un renforcement considérable, sur le plan tant des effectifs que de l’investissement, des services de la gendarmerie nationale : 67 millions d’euros sont consacrés au recrutement de 1 763 personnes. Par ailleurs, 93 millions d’euros permettront d’accélérer la modernisation de la gendarmerie en termes d’équipements. Ces nouveaux moyens permettront à la SDAO de continuer d’agir, en collaboration avec le Service central du renseignement territorial, le SCRT, face à une menace terroriste plus présente que jamais.
Cette nouvelle structure de collecte et d’analyse au sein de la gendarmerie nationale permet de valoriser les activités de coordination, particulièrement avec le SCRT. À l’heure actuelle, des structures communes, appelés « bureaux de liaison départementaux », rassemblant des personnels issus de la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, du SCRT et de la SDAO, permettent un partage de l’information et une coordination très souhaitable. Des échanges de personnels s’effectuent d’ailleurs régulièrement entre les services et la collaboration avec la DGSI s’est considérablement renforcée. Or on sait qu’il pouvait y avoir là quelques failles…
Par ailleurs, le décret désignant le second cercle des services habilités à recourir aux techniques ou à certaines techniques couvertes par la loi du 24 juillet 2015 intègre bien la SDAO.
J’évoquerai également le remarquable travail des équipes de la gendarmerie au nouveau Pôle judicaire de la gendarmerie nationale à Pontoise, en particulier celui du Centre de lutte contre les cybercriminalités numériques. Ce dernier concentre de nombreux moyens humains, disposant de compétences techniques très pointues dans le domaine informatique.
Les missions des personnels sont variées et constituent d’abord un centre de ressources au service de toute la gendarmerie. La plupart des enquêtes comportent désormais un volet d’investigation numérique, mais le fait que les services techniques, juridiques et d’investigation soient rassemblés sur un même site facilite grandement le travail des enquêteurs de la gendarmerie nationale.
Pour conclure, je rappelle que les femmes et les hommes qui servent notre pays au sein de la gendarmerie nationale s’évertuent chaque jour à assurer la sécurité de nos concitoyens. Dans le contexte dramatique des événements des 13 et 18 novembre dernier, je tenais à saluer de nouveau l’excellent travail et l’engagement quotidien des personnels de la gendarmerie. C’est pourquoi j’ai voulu mettre en exergue ceux de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Le Scouarnec et Guillaume Arnell applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Arnell applaudit également.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme beaucoup d’entre vous l’ont souligné à l’occasion de ce débat, nous sommes dans un contexte particulièrement grave de menace terroriste qui implique que nous rehaussions les moyens de nos forces afin de leur permettre de mener la guerre au terrorisme et d’assurer un haut niveau de protection des Français.
Dans ce contexte, il importe d’être le plus précis possible dans les éléments communiqués à la représentation nationale concernant les efforts faits par le Gouvernement pour faire face à cette situation si difficile.
D’abord, pour ce qui concerne les emplois, et afin de mettre un terme à un certain nombre de débats sur les efforts faits par l’actuel gouvernement depuis 2012, je veux vous donner les chiffres des effectifs de la gendarmerie et de la police nationale en 2007 et en 2012, puis préciser ce que seront ces chiffres d’effectifs une fois que vous aurez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2016 et que la loi aura été exécutée.
En 2007, les effectifs de la gendarmerie et de la police nationale s’élevaient à 251 929 ETP, contre 239 500 ETP en 2012, soit près de 13 000 emplois de moins qu’au début du quinquennat. En 2016, ces effectifs s’établiront à 246 866 ETP, soit 7 456 de plus qu’en 2012.
Nous pouvons les uns et les autres débattre de l’importance de l’effort et nous demander si, oui ou non, nous avons créé des emplois en nombre suffisant. En revanche, nul ne peut contester qu’il en a été créé en nombre
M. Jacques Chiron opine.
Ensuite, j’évoquerai les crédits dits « hors T2 », afin que, là aussi, les choses soient totalement claires.
Une fois que l’amendement du Gouvernement aura été, comme je l’espère, adopté, la police nationale verra ses crédits de fonctionnement, hors personnels, augmenter de 14 % et la gendarmerie nationale de 8, 5 %. Au total, les crédits de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile seront en hausse de 10 %. Je rappelle qu’entre 2007 et 2012 les crédits consacrés aux forces de sécurité ont diminué de près de 15 %. Voilà les chiffres ! Ils sont simples, bruts : ils reflètent une réalité, laquelle traduit l’effort que nous faisons non pas depuis le 13 novembre dernier, mais depuis des années, et que nous avons amplifié au lendemain des attentats du mois de janvier 2015 en décidant la création dans nos services de 1 401 emplois supplémentaires, pour être très précis, qui se sont traduits par 500 créations d’emplois au sein de la direction générale de la sécurité intérieure, 500 au sein du service central du renseignement territorial, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, 40 au sein du service de protection des personnalités et 60 au sein de la direction centrale de la police aux frontières.
Je le dis à M. le rapporteur, dont les chiffres sont exacts, mais ne tiennent pas compte de la période 2009–2012, or il est toujours bon d’embrasser la totalité des périodes que l’on veut traiter afin d’en donner une photographie la plus précise possible. Je le dis également à la sénatrice qui s’est exprimée tout à l’heure sur les moyens hors T2 de la police et de la gendarmerie. Je le dis enfin à tous les sénateurs qui veulent avoir la garantie que nous donnerons aux services les moyens de fonctionner correctement.
J’entrerai maintenant dans le détail de ces chiffres, de façon extrêmement fine, afin que chacun puisse disposer de l’ensemble des informations utiles avant le vote.
Dans le cadre du plan antiterroriste décidé en janvier, les effectifs des forces concourant à la sécurité ont été renforcés à hauteur de 538 nouveaux postes dès 2015, qui seront tous pourvus d’ici à la fin de l’année. Ces 538 nouveaux postes correspondent à la part, pour l’année 2015, des 1 401 postes que je viens d’évoquer et qui ont vocation à être pourvus dans la période 2015–2017.
Le plan antiterroriste sera poursuivi en 2016, avec le recrutement de 445 renforts supplémentaires dans les services antiterroristes, dont 390 dans la police nationale et 55 dans la gendarmerie nationale.
Au-delà de la lutte antiterroriste, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit également de couvrir des besoins plus structurels des forces de sécurité. Ce sont ainsi 287 effectifs supplémentaires qui vous sont proposés pour renforcer les unités de terrain, au service de la sécurisation générale de notre pays.
Par ailleurs, je veux le rappeler au Sénat, le Gouvernement a soumis à l’Assemblée nationale un amendement, voté en première lecture, visant à doter les forces mobiles et la police aux frontières de 900 effectifs supplémentaires pour faire face à la crise migratoire à laquelle le pays est confronté.
Au total, avant l’examen de l’amendement qui vous est proposé, ce sont 1 632 effectifs supplémentaires qui sont prévus en 2016, dont 1 078 ETP pour la police et 554 ETP pour la gendarmerie.
Au vu de la menace et pour atteindre notre objectif de destruction de cette menace, le Président de la République a demandé un renfort supplémentaire de 5 000 effectifs afin de lutter contre le terrorisme, de sécuriser les frontières et de renforcer encore la sécurisation générale de notre pays.
L’amendement qui vous est proposé tend à prévoir un renfort global de 3 150 effectifs supplémentaires dès 2016 pour les forces de sécurité.
La police nationale bénéficiera ainsi de 1 366 effectifs supplémentaires, qui permettront de renforcer à la fois la direction générale de la sécurité intérieure, à hauteur de 225 ETP sur deux ans, dont 113 dès 2016, et les autres services antiterroristes de la direction générale de la police nationale : la police judiciaire – elle se verra octroyer 160 renforts en deux ans –, la direction du renseignement de la préfecture de police – elle s’en verra attribuer 60 en deux ans –, le service central du renseignement territorial – il bénéficiera de 130 renforts en deux ans –, le service de protection des personnalités. La police aux frontières, la sécurité publique, les compagnies républicaines de sécurité et les compagnies d’intervention de la préfecture de police verront elles aussi leurs effectifs renforcés.
Le même renforcement est prévu pour 2017.
Au total, 625 effectifs supplémentaires auront été recrutés pour le renseignement pur en deux ans. Ces recrutements impliquent de modifier les modalités de recrutement et d’utiliser tous les leviers disponibles en matière de gestion des ressources humaines, qu’il s’agisse de la durée de formation et de stage ou du recours aux contractuels notamment. À cet égard, le directeur général de la police nationale me fera des propositions avant la mi-décembre afin que nous puissions procéder aux recrutements dans les meilleurs délais.
Pour mémoire, je rappelle simplement – là aussi, c’est un signe – que les sorties d’écoles de gardiens de la paix, qui étaient de 488 en 2012, ont d’ores et déjà été portées à plus de 3 600 en 2015. Si je ne devais m’en tenir qu’aux recrutements dans les écoles en vue de pourvoir les postes au sein de nos forces de sécurité pour apporter la démonstration de la véracité des recrutements effectifs, ces chiffres en témoignent si besoin était.
Par ailleurs, 1 763 effectifs de la gendarmerie viendront renforcer les escadrons de gendarmes mobiles, mais également les unités dans l’ensemble du territoire. Les renforts de la gendarmerie seront intégralement recrutés dès 2016, car la gendarmerie a les capacités de procéder à ces embauches compte tenu de l’organisation des recrutements. Il y a en effet deux recrutements par an, celui de la fin de l’année ayant pu être ajusté dès après les attentats.
Les effectifs des démineurs de la sécurité civile seront renforcés de vingt et une recrues en 2016.
Le solde des créations de postes, de 252 effectifs en 2016 et de 213 effectifs en 2017, viendra renforcer les services centraux et les préfectures pour l’accomplissement de leurs missions concourant à la sécurité : la lutte contre la radicalisation, contre la fraude documentaire, contre les armes et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Je réponds ainsi à l’une des préoccupations évoquées par Mme la sénatrice Nathalie Goulet.
Au total, si vous adoptez l’amendement du Gouvernement, pour synthétiser l’ensemble de ces données, les renforts des forces de sécurité atteindront, en 2016, un total de 4 761 effectifs. J’ai noté que cet amendement avait obtenu un soutien unanime en commission. Ce vote unanime est une démonstration de notre unité, qui fait la force de notre pays face aux terroristes, et j’en remercie l’ensemble des sénateurs.
Au-delà de la poursuite et de l’intensification du renforcement des effectifs engagé dès 2012, le budget pour 2016 prévoit également des mesures catégorielles ciblées, à la hauteur de la mobilisation exceptionnelle qui est demandée aux forces de sécurité.
Pour les forces mobiles de police et de gendarmerie, l’indemnité journalière d’absence temporaire, l’IJAT, est revalorisée, à compter du 1er juillet 2015 et jusqu’en 2017. L’IJAT allouée aux CRS, qui payent un très lourd tribut et fournissent des efforts considérables dans le cadre du plan Vigipirate, croît de 30 %. Cette indemnité, je veux le rappeler, n’avait pas été augmentée depuis treize ans.
Les sous-officiers de gendarmerie et les gardiens de la paix bénéficieront d’une revalorisation indiciaire.
Un grade à accès fonctionnel sera créé pour les commissaires de police.
Pour les personnels de la sécurité civile, le régime indemnitaire des techniciens de maintenance du groupement d’hélicoptères de Nîmes sera valorisé. C’est un sujet que vous aviez me semble-t-il évoqué, madame la sénatrice Catherine Troendlé.
En outre, le Gouvernement entend poursuivre la remise à niveau des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement des forces de sécurité. Cet effort est indispensable pour permettre aux effectifs recréés d’accomplir leurs missions, alors même que les moyens alloués aux forces de police et de gendarmerie ont diminué de 17 %, je le répète, dans la période 2007–2012.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, pour être là aussi tout à fait précis, un renforcement substantiel des moyens est d’ores et déjà prévu, avant le vote de l’amendement. Ainsi, les moyens matériels des forces de sécurité doivent croître de 9 % en autorisations d’engagement et de 1, 4 % en crédits de paiement. Je ne sais donc pas d’où provient le chiffre de 0, 98 % évoqué à plusieurs reprises.
Je veux préciser comment se déclineront ces moyens nouveaux, abondés par l’amendement, entre la police nationale et la gendarmerie.
Pour la seule police nationale, 40 millions d'euros seront à nouveau consacrés, comme en 2015, à l’acquisition de plus de 2 000 véhicules neufs.
Par ailleurs, la modernisation technologique sera poursuivie : 27, 2 millions d'euros seront consacrés en 2016 à l’unification des plateformes de réception des appels d’urgence, au renforcement des infrastructures et des applications fondamentales, comme la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements PHAROS ou encore le système de Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, CHEOPS, d’accès à différents fichiers, l’ensemble de ces infrastructures numériques n’ayant pas fait l’objet d’investissements depuis près de vingt ans.
De surcroît, le fonds interministériel de prévention de la délinquance recevra 17, 7 millions d'euros pour lutter contre la radicalisation, mettre en place des dispositifs de vidéoprotection des lieux de culte, contribuer à l’équipement des communes en terminaux portatifs de radiocommunication, en gilets pare-balles et en armement des polices municipales. Je souhaite en effet renforcer les moyens de protection et d’intervention des polices municipales.
La gendarmerie bénéficiera également de moyens renforcés. Le plan triennal de réhabilitation du parc domanial de la gendarmerie sera poursuivi à hauteur de 70 millions d'euros supplémentaires, permettant de réhabiliter 5 000 logements, après 3 400 réhabilitations effectuées en 2015. Le renouvellement du parc automobile des gendarmes sera aussi doté de 40 millions d'euros en 2016, pour l’acquisition de 2 000 véhicules neufs supplémentaires.
Je pourrais par ailleurs évoquer, comme je l’ai fait en commission, le programme NEOGEND, qui permettra de doter les gendarmes d’outils mobiles d’accès aux systèmes d’information et garantira la modernisation de la gendarmerie par l’accès à des outils numériques de toute première efficacité.
La sécurité civile, dont il a été question, bénéficiera également d’une hausse de 8, 3 millions d'euros de son budget par rapport à l’an dernier, notamment pour le maintien en conditions opérationnelles de la flotte d’avions, le renforcement de ses capacités d’intervention et de gestion de crises.
À cela, s’ajoutera le volet 2016 du plan antiterroriste décidé en janvier.
La police bénéficiera de 24, 7 millions d'euros de moyens supplémentaires pour l’équipement, la protection, la modernisation technologique des moyens informatiques, de vidéoprotection et électroniques.
La gendarmerie verra ses moyens antiterroristes renforcés à hauteur de 5, 2 millions d'euros, en particulier afin de poursuivre l’action de modernisation informatique des forces.
Dans le cadre du « pacte de sécurité » voulu par le Président de la République, l’amendement qui vous est soumis prévoit d’accompagner les créations d’effectifs de moyens nouveaux à hauteur de 220 millions d'euros de crédits d’équipement, d’investissement et de fonctionnement. En 2017, ces moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement supplémentaires atteindront 210 millions d'euros pour la police, la gendarmerie et la sécurité civile.
En 2016, ces moyens, répartis en 116 millions d'euros au bénéfice de la police, 93 millions d'euros au bénéfice de la gendarmerie et 11 millions d'euros au service de la sécurité civile, permettront d’assurer les dépenses nécessaires au renforcement de l’appareil de formation, en procédant aux mutualisations et à l’optimisation des moyens immobiliers autant que possible. Ils permettront également de renforcer l’effort de renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie à hauteur de 1 000 véhicules supplémentaires par force. Dès 2016, les 6 000 véhicules évoqués tout à l'heure seront acquis : 3 000 dans la police nationale et 3 000 dans la gendarmerie.
L’ensemble de ces investissements est destiné, avec l’augmentation des moyens déjà prévue par le PLF 2016, à donner à nos forces de sécurité tous les moyens matériels nécessaires à leur action.
Pour conclure, madame la présidente, je voudrais rappeler un certain nombre d’éléments concernant notre action depuis le mois de janvier 2015, car j’entends régulièrement dire que tout n’a pas été fait de ce qui devait l’être, que du retard a été pris… Le débat parlementaire doit être l’occasion d’apporter les éléments d’information et de réponse à ces interpellations.
Pour mémoire, entre 2007 et 2012, 12 519 suppressions d’emplois sont intervenues dans la police et la gendarmerie. Depuis cette date, et avant même les mesures que vous allez, je l’espère, voter, nous avons d’ores et déjà créé 2 317 postes dans la gendarmerie, 2 444 dans la police, soit au total 4 761 postes recréés.
Ce résultat est atteint grâce à l’effort décidé en janvier dernier dans le cadre du plan antiterroriste, qui a prévu 1 404 recrutements supplémentaires sur trois ans.
Avec les plans de renforts décidés par cette majorité, nous parviendrons d’ici à 2017 à un renfort de 9 341 postes, dont 8 984 pour les forces de sécurité.
Sur le plan des moyens, le même effort historique est assuré. À la suite des attentats de janvier, 233 millions d’euros supplémentaires ont été alloués sur trois ans. En 2015, cet effort représente 97, 8 millions d’euros d’investissements et d’équipements supplémentaires. Ce plan s’ajoute au renfort de 432 postes décidé dès 2012 pour la DGSI, accompagné de 36 millions d’euros de moyens supplémentaires sur trois ans.
J’aimerais également souligner que les moyens juridiques ont été mis à la disposition des services. À cet égard, je tiens à adresser mes remerciements à Philippe Bas…
… qui a joué un rôle déterminant dans la sécurisation de ces moyens juridiques.
La loi relative au renseignement a été promulguée le 24 juillet 2015. Nous avons conduit le travail de préparation des décrets d’application à marche forcée, et je vous laisse en juger, puisque j’ai lu que les décrets d’application de ladite loi n’avaient pas été pris.
Faisons un point : le décret relatif à la désignation des services spécialisés de renseignement, dit du premier cercle, a été adopté le 28 septembre. Le décret constituant la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, a été adopté le 1er octobre. Il fallait créer la CNCTR pour la saisir d’autres décrets : celle-ci fut créée à marche forcée et nous lui avons transmis le décret sur le second cercle. La CNCTR a d’ores et déjà rendu son avis sur ce décret – Catherine Troendlé et Michel Boutant, qui sont les représentants pour le Sénat à la CNCTR, en savent autant que moi si ce n’est plus –, de sorte que ce décret sera adopté d’ici à la fin de l’année après examen par le Conseil d’État.
Le décret permettant d’accéder au traitement d’antécédents judiciaires, pour certaines finalités, y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours et à l’exclusion de celles qui sont relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes, a été transmis à la CNIL et au Conseil d’État, de sorte que la publication doit avoir lieu avant la fin de l’année.
Enfin, concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le FIJAIT, le décret prévoyant sa création, porté par le ministère de la justice, est actuellement soumis à l’avis de la CNIL, et devrait être présenté au Conseil d’État à la mi-décembre 2015.
C’est par ailleurs avec la même célérité que les décrets d’application de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme avaient été adoptés, puisque tous étaient pris dès le 3 avril. Nous avons d’ores et déjà, au titre de ces textes, prononcé 222 interdictions de sortie du territoire, 137 interdictions administratives du territoire, bloqué 87 sites, 115 adresses, prononcé 6 déchéances de la nationalité et procédé au prononcé de 34 expulsions de prêcheurs de haine depuis le début de l’année.
Je rappellerai pour terminer que, s’agissant de l’état d’urgence, nous en sommes à 2 029 perquisitions administratives, qui ont permis de saisir 139 armes longues, 113 armes de poing, 31 armes de guerre, 37 autres armes, de réaliser 250 interpellations et 220 gardes à vue.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’action qui a été la nôtre, depuis le mois de janvier, concernant les textes d’application des lois que vous avez votées et la mise en œuvre concrète des mesures de police administrative prévues par ceux-ci, mais également les efforts budgétaires qui ont été accomplis par le Gouvernement pour mettre à niveau les budgets de nos forces de sécurité aussi bien en emplois équivalents temps plein qu’en crédits hors T2, ou encore les mesures que nous avons prises depuis le 13 novembre, qui constituent non pas une rupture, mais une amplification de celles que nous avions déjà engagées, ainsi que les résultats que ces mesures ont enregistrés en l'espace de quelques jours.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C'est la raison pour laquelle, sur ce sujet, dès lors que l’on convoque la réalité et non pas les polémiques, je pense que nous devons pouvoir cheminer ensemble utilement pour faire en sorte que notre pays, dans l’unité nationale, protège ses concitoyens du risque terroriste.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du RDSE et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – M. Robert del Picchia applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Sécurités
Police nationale
Dont titre 2
8 796 852 288
8 796 852 288
Gendarmerie nationale
Dont titre 2
6 909 087 540
6 909 087 540
Sécurité et éducation routières
Sécurité civile
Dont titre 2
167 204 449
167 204 449
L'amendement n° II–256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Police nationale
dont titre 2
51 534 280
51 534 280
Gendarmerie
nationale
dont titre 2
67 116 367
67 116 367
Sécurité et éducation
Routières
Sécurité civile
dont titre 2
975 606
975 606
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Vous avez sous les yeux, mesdames, messieurs les sénateurs, l’objet de cet amendement. J’ai en outre évoqué dans mon propos, en réponse aux différentes interventions, les objectifs que nous nous fixions à travers celui-ci.
Il s’agit de créer 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017 au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur qui concourent à la sécurité de nos concitoyens, dont 4 535 postes au profit de la mission « Sécurités ».
Pour 2016, parce que l’on ne peut pas attendre pour la création de ces moyens dont nous avons besoin, l’amendement prévoit la création de 3 150 emplois pour la mission « Sécurités ». Ces créations d’effectifs s’accompagnent d’un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement d’un montant total de 220 537 717 euros. La répartition de ces moyens d’investissement pour nos services est détaillée dans l’objet, je vous en fais grâce.
Cet amendement témoigne donc d’un effort considérable, qui n’arrive pas soudainement. Cet effort fait suite à la création de 500 emplois par an depuis le début du quinquennat, auxquels se sont ajoutés 1 401 emplois sur trois ans après la mise en place du plan de lutte antiterroriste ; ces 1401 emplois sont accompagnés de 233 millions d'euros de crédits hors T2, pour leur permettre d’être accompagnés des moyens budgétaires nécessaires à leur équipement et au fonctionnement des services.
Ce sont ajoutés, dans un amendement adopté par l’Assemblée nationale, les crédits nécessaires au recrutement de 900 emplois supplémentaires destinés à faire face à la situation migratoire, et ce pour 2016. Les 1 401 emplois déjà décidés sont prévus sur trois ans ; les 900 emplois supplémentaires pour 2016. La part des 1 401 sur l’annualité 2016 correspond à 538, ce qui nous permet d’aboutir à l’effectif de 1 632. Enfin, vous avez ces 5 000 emplois, accompagnés de 220 millions d'euros.
Cet amendement est destiné à acter, sur le plan budgétaire, l’effort que nous faisons à la suite de la tragédie du 13 novembre dernier.
Cet amendement, présenté par le Gouvernement, bouleverse en réalité la structure du budget tel qu’il avait été présenté à l’Assemblée nationale.
Vous avez évoqué la répartition des nouveaux effectifs, monsieur le ministre. Vous en conviendrez, en termes de progression, 1 632 effectifs supplémentaires initialement prévus pour la mission « Sécurités », cela peut sembler bien peu au regard des 10 850 postes créés dans l’enseignement scolaire.
Je ne conteste pas votre politique des effectifs, mais, comme je l’ai souligné dans ma présentation générale, celle-ci se faisait jusqu'à présent au détriment des dépenses de fonctionnement et des investissements.
Cet amendement est le bienvenu : il tient compte de la situation d’exception que nous connaissons et affiche des priorités qui n’avaient pas été prises en compte dans le projet de budget initial pour 2016.
Je rappelle que, selon vos propres chiffres, la France est le pays d’Europe qui dispose des effectifs les plus importants par rapport à tous nos voisins, à l’exception peut-être de l’Italie. Toutefois, si l’on ajoute les 10 000 militaires qui participent au plan Vigipirate, nos effectifs de sécurité sont bien les plus élevés d’Europe.
Cet amendement tend à inverser opportunément la tendance en matière de dépenses de fonctionnement. L’effort accompli sur le nombre de véhicules pour chacune des deux forces, que vous avez souligné, monsieur le ministre, est en effet nécessaire, puisque nous nous acheminions, avec le budget initial, vers un vieillissement du parc.
Compte tenu de ces orientations, la commission des finances avait émis, à l’unanimité de ses membres, un avis favorable sur cet amendement.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Cet amendement vise à traduire dans le budget les engagements pris par le Président de la République et le Premier ministre au lendemain des événements dramatiques qui ont frappé notre pays.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses précises sur la ventilation des crédits. Vous avez rappelé la situation antérieure et combien il était nécessaire de mobiliser des moyens supplémentaires conséquents.
Il reste que j’ai une interrogation, et non des moindres : comment ces nouvelles dépenses vont-elles être gagées ? Seront-elles financées par redéploiement budgétaire ou laissera-t-on, au contraire, filer le déficit, en mobilisant, par exemple, des titres de dette publique supplémentaires ?
Je rappelle que la France émet en ce moment des titres à taux négatif sur trois ans et que sa dette publique, si elle est importante – ce point est régulièrement rappelé –, est financée à dix ans à des taux proches de 1 %. Il me semble donc que l’on pourrait utilement recourir à ces leviers pour répondre à ces nouveaux besoins.
Nous voterons cet amendement, qui nous paraît important. Nous appelons toutefois à veiller à ne pas utiliser ces ressources supplémentaires pour mettre en cause les libertés démocratiques, notamment la liberté d’expression ou la liberté de manifester.
À l’instar de M. le ministre, je salue l’engagement unanime de la commission des finances en faveur de cet amendement. Je le fais d’autant plus volontiers que nous avions nourri quelques inquiétudes après la présentation du rapport de Philippe Dominati, dont je vous lecture d’un paragraphe : « Depuis 2012, le Gouvernement a fait le choix idéologique de concentrer l’effort budgétaire sur les créations d’emplois. Pourtant, les comparaisons internationales ne témoignent pas d’une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, un seul, l’Italie, a des effectifs supérieurs aux nôtres. »
Dans un premier temps, je n’avais pas très bien compris l’expression « choix idéologique », mais je réalise maintenant qu’il s’agissait de saluer l’action du Gouvernement et des socialistes, plus particulièrement du groupe socialiste et républicain du Sénat, qui défend depuis toujours une politique sécuritaire pour nos concitoyens. Je vous remercie donc d’avoir utilisé ce terme, mon cher collègue !
Sourires.
Après avoir affirmé dans votre rapport, monsieur Dominati, qu’il y avait peut-être trop d’emplois dans les forces de gendarmerie et de police, nous allons finalement voter, tous ensemble, la création de 5 000 emplois supplémentaires.
Ce cheminement mérite d’être salué, à moins qu’il ne faille voir dans l’extrait que j’ai cité une tentative pour justifier a posteriori la diminution d’emplois intervenue durant le quinquennat précédent… Il serait préférable, comme l’a fait Alain Juppé, de regretter tout simplement ces suppressions, et de s’en tenir là !
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
En ce qui concerne les comparaisons internationales, je vous engage, mes chers collègues, à faire preuve de constance dans vos analyses ; je vous l’ai dit en commission. Lorsque nous avons plus d’emplois que les autres, vous prétendez que nous gérons mal, et lorsque nous en avons moins – c’est le cas, notamment, pour la mission « Justice », rapportée par Antoine Lefèvre –, ce serait aussi dû à une mauvaise gestion : nous n’affecterions pas les effectifs nécessaires aux missions.
Mes chers collègues, il faudrait choisir : ça ne peut pas aller mal dans tous les cas de figure !
M. Claude Raynal. Quoi qu’il en soit, je vous félicite d’avoir, cette fois-ci, donné votre aval à cet amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La tonalité de mon intervention sera un peu différente.
Il n’est pas si fréquent – ce point mérite d’être souligné – qu’une disposition fasse l’unanimité des deux côtés de l’hémicycle, et, pour ma part, je m’en réjouis. Vous avez accompli, chers collègues de l’opposition, un chemin important pour venir nous rejoindre sur le budget de cette mission et l’amendement du Gouvernement.
Comme cela a été souligné, cet amendement est essentiel, non seulement parce qu’il vise à autoriser la création de près de 4 000 nouveaux postes en 2016 – je n’insiste pas sur les baisses d’effectifs qui sont intervenues précédemment, mais il faut les garder en mémoire ! –, mais aussi parce qu’il tend à opérer un rééquilibrage en termes de moyens. Je citerai simplement l’achat de 6 000 véhicules, une mesure réclamée à plusieurs reprises par les syndicats professionnels et qui, au regard de la faiblesse et du vieillissement de notre parc automobile, permettra une remise à niveau bienvenue.
Pour toutes ces raisons, nous voterons bien évidemment cet amendement.
M. Roger Karoutchi. Je veux dire mon admiration aux élus socialistes, qui sont presque en train d’atteindre le nirvana !
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Nous sommes ravis de ce virage à cent quatre-vingts degrés – vous devenez sécuritaires ! – par rapport aux politiques que vous prôniez voilà encore une dizaine d’années. Bienvenue ! Enfin, tout le monde, désormais, veut faire de la sécurité ! Lorsque j’ai créé, il y a quelque temps, le chapitre « sécurité » au sein du budget de la région d’Île-de-France, ce n’était pourtant pas gagné d’avance !
Pour le reste, nous allons bien entendu voter cet amendement, de même que les crédits de la mission « Sécurités ». Je le dis avec d’autant plus d’empressement que je vous décevrai sans doute ultérieurement, monsieur le ministre, pour ce qui concerne la mission « Immigration, asile et intégration ».
Je vous entends, mes chers collègues, rappeler les chiffres de 2007 à 2012. Mais la sécurité est, pour le Gouvernement, un acte permanent d’adaptation à la situation. Il y a cinq ans, ou dix ans, la menace terroriste n’existait pas ou était faible ; Daech n’existait pas. Il était alors normal de mener une réflexion sur la situation.
Aujourd’hui, avec les mouvements massifs de population vers l’Europe, les actes terroristes que nous venons de connaître et la menace qui reste forte, le ministre de l’intérieur estime qu’il faut renforcer la sécurité, et nous le suivons. C’est tout à fait logique et normal. La politique de sécurité du Gouvernement doit logiquement s’adapter en fonction des menaces. S’il n’y a pas de menace, nul besoin d’augmenter les crédits. Mais là, la menace existe, et, je le répète, naturellement, nous vous suivrons, monsieur le ministre.
Mme Jacky Deromedi applaudit.
Nous voterons évidemment cet amendement, mais je souhaite attirer l’attention de M. le ministre sur deux points importants.
Premièrement, nous serions bien peu de chose sans la coopération internationale, et nous devons impérativement flécher les financements dans la bonne direction et à destination de nos voisins qui en ont le plus besoin.
Deuxièmement, il est nécessaire de prévoir une répartition équitable des nouveaux effectifs sur le territoire. Les territoires ruraux, qui ne sont pas les moins exposés – des perquisitions ont ainsi été menées dans l’Orne, qui n’est pas un endroit aussi isolé ni perdu que certains veulent bien le dire ! –, ne doivent pas être oubliés.
J’attire l’attention sur le fait que ces 340 millions d’euros de crédits – excusez du peu ! – sont l’occasion de renforcer, non seulement les effectifs, ce qui est bien sûr nécessaire, mais aussi l’ensemble des éléments qui contribuent à l’efficacité des équipes.
En effet, face à la détermination fanatisée de quelques terroristes, la seule présence d’effectifs supplémentaires sur le terrain serait assez insuffisante si elle n’était pas complétée par des efforts budgétaires en matière de formation, de sécurisation des sites, d’équipement en véhicules, en armements, en moyens de protection et en moyens technologiques. Surtout, pour veiller à la prévention de ces actes, il est nécessaire, en complément de la loi récemment adoptée par le Parlement, de moderniser les systèmes d’information et de communication, afin de progresser, notamment, dans l’investigation numérique, le blocage des sites internet et la veille sur les réseaux sociaux, autant d’opérations qui doivent être prévues dans le budget, car elles nécessitent la mobilisation de professionnels qualifiés dotés des technologies les plus performantes et les plus novatrices. Nos moyens de lutte contre le terrorisme pourront ainsi être les plus efficaces possible.
J’ajouterai, enfin, l’absolue nécessité de développer la coopération internationale en matière de sécurité. Là encore, la volonté ne suffit pas ; il faut quelques lignes de crédit pour permettre à cette coopération internationale de se développer. Tout cela est prévu, et c’est tant mieux ! Nous vous remercions de ce travail, monsieur le ministre, et nous voterons bien entendu cet amendement.
Je ne veux pas relancer la polémique avec M. Karoutchi, mais, à chaque fois que la gauche est au pouvoir, elle renforce les effectifs des forces de l’ordre – c’était déjà vrai sous Lionel Jospin, et c’est maintenant encore le cas sous la présidence de François Hollande !
Certes, mais c’était aussi vrai sous M. Jospin, avec la police de proximité !
Et, à chaque fois que vous êtes aux affaires, pour des raisons idéologiques de lutte contre la dépense publique, d’abaissement du nombre de fonctionnaires, de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, nous assistons à une diminution des effectifs – c’est vrai pour la police, mais cela s’est aussi vérifié dans d’autres administrations –, qui affaiblit l’efficacité du service public. Même si l’efficacité ne tient pas seulement aux effectifs, elle tient aussi aux effectifs.
Nous avons assisté à une montée de l’insécurité et, depuis que M. Cazeneuve est ministre, nous nous réjouissons de voir l’insécurité et les délits diminuer en France, parce que les moyens mis en place se révèlent efficaces pour lutter contre la délinquance, ainsi que, nous le voyons d’ores et déjà, contre le terrorisme.
Depuis la mise en place de l’état de siège …
Pardonnez-moi ce lapsus, qu’il faut éviter.
Depuis la mise en place de l’état d’urgence, voulais-je dire, nous voyons les excellents résultats qui sont à porter au crédit de la politique menée depuis 2012. D’ailleurs, ces résultats s’accélèrent grâce aux moyens supplémentaires qui viennent d’être mis à disposition.
Deux visions s’affrontent : d’un côté, des services publics disposant de moyens et qui sont efficaces ; de l’autre, des services publics que l’on veut toujours plus affaiblir.
Les membres du groupe socialiste et républicain sont très satisfaits de constater que Les Républicains évoluent dans leurs positions, reconnaissent leurs erreurs et nous rejoignent dans nos positions. §Nous sommes d’autant plus satisfaits de voter ensemble cet amendement !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si créer des postes de gendarmes et de policiers, c’est être sécuritaire, alors soyons sécuritaires ! Le phénomène terroriste ne date pas d’hier matin. Cela fait déjà un moment que, malheureusement, l’Europe et le monde entier sont frappés. La création de ces postes est donc plutôt une bonne nouvelle. C’est ma première remarque.
Deuxième remarque, outre les créations de postes et l’acquisition de matériels, tout l’aspect idéologique et psychologique du problème mérite aussi d’être traité d’un peu plus près. Comprendre exactement le phénomène et produire un discours à destination de l’extérieur – pas seulement en direction des individus en voie de radicalisation, mais en direction de tout leur environnement – me semble absolument fondamental pour éviter cette propagation.
Troisième remarque, contrairement à ce qu’ont affirmé certains de mes collègues, si le pacte de sécurité doit l’emporter sur le pacte d’équilibre budgétaire, cela ne doit pas se faire au détriment des actions engagées en direction de la société et de la relance économique, de façon à faire disparaître l’un des terreaux du terrorisme.
J’entends certains de mes collègues socialistes utiliser le terme « justifier », et justifier leur politique par rapport à celle du gouvernement précédent. Mais les Français ne veulent plus de cela !
Pour ma part, je constate une chose : l’année 2015 a mal commencé avec le 7 janvier, et mal fini avec le 13 novembre. La faute à qui ? La faute à personne !
Les membres de la majorité sénatoriale – Les Républicains et l’UDI-UC – voteront, dans le cadre d’un rassemblement citoyen et de l’unité nationale, en faveur de cet amendement, et ils le font parce qu’ils sont tournés vers l’avenir.
Monsieur le ministre, bien évidemment, nous voterons l’augmentation des crédits ainsi que l’accroissement des effectifs, qui seront en formation l’année prochaine.
Mais, pour ma part, j’aimerais revenir au niveau des départements et des moyens qui leur sont alloués. Dans l’Aveyron, deux gendarmeries rurales ont été fermées cette année, contre notre avis. J’avais d’ailleurs rencontré votre conseiller, le général Rodriguez, pour lui exposer mon désappointement.
Monsieur le ministre, vous n’allez pas travailler par redéploiement, par adjonction, mais je souhaite vraiment que cela ne cache pas, dans les prochains mois, une réorganisation de la gendarmerie rurale.
Je vous rappelle – mais vous le savez mieux que moi ! – que, après les attentats ayant frappé les États-Unis, les Américains étaient venus en France parce qu’ils s’étonnaient de la qualité du renseignement français, qui était, en fait, largement attribuable à la gendarmerie. Or je ne voudrais pas que, aujourd’hui, la suppression de certaines gendarmeries rurales conduise peu à peu au délitement de la qualité du renseignement.
Je fais donc appel à vous, monsieur le ministre, pour que, dans les mois à venir, nous soyons informés très en amont des réorganisations envisagées.
Je remercie l’ensemble des sénateurs de leur contribution à ce débat et je tiens à leur dire à tous, toutes sensibilités politiques confondues, que je n’ai qu’une préoccupation, et une seule : surmonter la menace qui se présente à nous et qu’il faut regarder avec lucidité.
C’est une menace d’un niveau très élevé, qui doit nous conduire à prendre toutes les précautions et toutes les mesures. Dans la responsabilité qui est la mienne, mon seul objectif est que nous puissions atteindre le but d’une protection rehaussée dans le cadre d’un rassemblement le plus large possible de la représentation nationale, pour que nous soyons plus forts.
Je ne souhaite pas du tout évoquer l’évolution des effectifs dans le temps long de l’histoire. Je veux simplement dire à l’opposition que je lis, en permanence, des articles relatant que, depuis le mois de janvier, le Gouvernement n’a pas tiré les conclusions et n’a pas fait ce qui devait être fait ou des articles selon lesquels les textes d’application des lois que vous avez adoptées n’ont pas été pris, alors que je viens d’en faire l’inventaire devant vous. J’entends dire que les efforts budgétaires ne sont pas au rendez-vous. J’entends également dire – ces propos émanent non pas de l’opposition, mais de toute une série d’observateurs ! – que les services de renseignement n’ont pas fait ce qu’ils devaient, alors que nous avons été frappés par des terroristes ayant traversé l’ensemble de l’Union européenne sans qu’aucun service de renseignement les ait repérés.
Les attentats ont été préparés à partir de la Belgique, et ces individus n’étaient pas connus de nos propres services de renseignement.
Mais, bien entendu, tout cela produit systématiquement les mêmes débats, qui doivent résulter d’une forme de paresse d’analyse, sur les failles du service de renseignement intérieur et le choix de la technologie plutôt que des ressources humaines ou inversement. Pourtant, une analyse globale du sujet montre que nous sommes face à un problème qui résulte d’un terrorisme d’un type nouveau, dans un contexte géopolitique particulier, usant de dissimulations numériques par les moyens de la cryptologie, qui justifient la loi sur le renseignement.
Je vous le dis vraiment très sincèrement, évitons les polémiques inutiles ! Cela ne sert à rien. Quels que soient les gouvernements qui seraient en situation de responsabilité, ils auraient à faire face aux mêmes défis. Aucun gouvernement dans ce pays, quelle que soit sa sensibilité, ne souhaite exposer les citoyens français à une menace lourde, susceptible d’engendrer des tragédies pour des familles et des blessures inconsolables. §En la matière, chacun fait du mieux qu’il peut, sans jamais être sûr de faire aussi bien que nécessaire, sauf à manquer totalement d’humilité et d’être alors incapable de corriger sa propre politique en fonction de l’analyse qu’il doit faire du contexte.
Pour résumer, la lutte anti-terroriste est difficile. Elle implique une unité forte, une lucidité, un rassemblement. Elle exige aussi que l’on évite les mauvais procès, les mauvaises polémiques.
Dans la responsabilité qui est la mienne, je m’efforcerai de faire en sorte que nous ayons les moyens de bien faire, et je l’évoquerai devant la représentation nationale en toute transparence.
Nous le devons aux Français : ces derniers n’attendent pas de nous des querelles, ni des états d’âme, mais ils attendent des états de service !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° II-282, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Lutte contre le terrorisme
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Police nationale
dont titre 2
19 050 000
19 050 000
Gendarmerie nationale
D ont titre 2
17 050 000
17 050 000
Sécurité et éducation routières
Sécurité civile
dont titre 2
Lutte contre le terrorisme
dont titre 2
36 100 000
36 100 000
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Par cette proposition, qui avait été formulée dans le rapport de la commission d’enquête que j’ai présidée, nous voulons créer une mission dédiée aux budgets consacrés à la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, cela pourrait faire l’objet d’une mesure que vous décideriez au niveau de votre ministère. Mais nous avons pensé qu’un document de politique transversale, un orange budgétaire, serait peut-être intéressant de façon à pouvoir suivre à la fois l’évolution des crédits et celle des missions.
En conséquence, l’amendement que je propose, avec beaucoup de frustration – entre la LOLF et l’article 40 de la Constitution, la marge de manœuvre est assez faible ! –, vise à déplacer arbitrairement des budgets pour créer un document transversal, qui permettrait aux élus de mieux suivre le budget de la mission en matière de lutte contre le terrorisme.
L’amendement de Mme Goulet souligne un aspect assez intéressant que nous avons abordé lors de la mission d’information qui m’a été confiée sur les moyens consacrés au renseignement intérieur et que j’ai évoqué dans le rapport d’information que j’ai présenté à la commission des finances concernant la classification des financements sur les services du renseignement intérieur.
Si, pour ce qui concerne le ministère de la défense, les services de renseignement extérieur sont clairement identifiés dans les crédits alloués, ce n’est pas aussi clair dans l’organigramme budgétaire du ministère de l’intérieur. Certes, il y a un travail à engager dans le sens que vous souhaitez, madame Goulet, mais cela ne peut se faire par la voie de votre amendement, car les crédits affectés à l’antiterrorisme sont nettement supérieurs dans la mesure où ils sont répartis sur diverses lignes.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous rendre attentif, monsieur le ministre – vous n’avez reçu mon rapport que récemment, et vous avez beaucoup à faire à l’heure actuelle ! –, aux dix recommandations que nous avons formulées, au nom de la commission des finances, dont deux concernent la nomenclature financière des financements de nos services de renseignement intérieurs. Peut-être convient-il de prévoir une évolution en la matière.
Je partage l’avis de M. le rapporteur spécial.
Il me semble tout à fait légitime de vouloir suivre de façon détaillée les budgets que nous consacrons à la lutte antiterroriste. Mais les rapporteurs budgétaires qui sont chargés du suivi des différents budgets et des différentes missions du ministère de l’intérieur ont d’ores et déjà la possibilité, dans le cadre de l’exercice du suivi budgétaire qu’ils accomplissent, d’obtenir de ce dernier les éléments leur permettant de bien identifier ce qui correspond à la lutte antiterroriste dans la masse des crédits mobilisés pour les forces de sécurité.
Par ailleurs, comme vous l’avez souligné dans votre rapport d’information, et de nombreux parlementaires l’ont pointé à juste titre, nombre de ceux qui s’engagent dans le terrorisme ont été, avant de s’y engager, des trafiquants, de petits délinquants. Ainsi, lutter contre la délinquance de droit commun, développer des politiques préventives par la mobilisation de fonds interministériels de prévention de la délinquance, c’est aussi lutter contre le terrorisme.
Par conséquent, chaque service du ministère de l’intérieur est concerné. Lorsque la direction centrale de la police aux frontières fait sonner le système d'information Schengen, le SIS, elle lutte contre le terrorisme. Lorsque la police qui relève de la sécurité publique réalise, en liaison avec le service central du renseignement territorial, des missions d’information ou identifie des comportements, dans le cadre de la lutte contre la délinquance, elle lutte aussi contre le terrorisme. Quant au service du renseignement intérieur, il n’est pas nécessaire d’en faire la démonstration.
Par conséquent, si l’on devait isoler une mission ou un budget qui rende compte de tout ce que l’on fait en matière de lutte contre le terrorisme, il absorberait en réalité une grande partie des crédits de tous les services qui bénéficient de ces moyens budgétaires. Je ne pense pas que l’on en accroîtrait pour autant la lisibilité.
En revanche, pour répondre à votre préoccupation, il serait souhaitable – le Gouvernement y est tout à fait disposé, et je suis prêt à me rendre disponible pour ce faire! – que, deux fois par an ou une fois par trimestre, selon la périodicité souhaitée par le Parlement, le ministre de l’intérieur vienne rendre compte devant la commission des finances de l’utilisation précise des fonds mobilisés dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Je vais le retirer, madame la présidente.
Je remercie M. le ministre de ses explications. Comme le disait mon collègue Pierre-Yves Collombat, ce sont les limites de la LOLF, que l’on peut comprendre. La difficulté tient aussi au fait qu’il s’agit de programmes transversaux.
Aussi, votre proposition, monsieur le ministre, me semble tout à fait bienvenue, et je vous en remercie.
Je rappelle que le même dispositif a été mis en place, avec le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, pour ce qui concerne l’exécution de la loi de programmation militaire, ce qui permet un suivi exemplaire de l’application de cette loi depuis son entrée en vigueur. Cela me paraît un bon moyen de faire un point régulier sur des sujets qui nous concernent et qui mobilisent des financements publics importants.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n° II-282 est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Monsieur le ministre, nous saisissons la balle au bond, et la commission des finances vous invitera volontiers dès que possible pour évoquer ces dispositions. Je suis certaine que nos collègues seront ravis de cet échange !
L'amendement n° II-286, présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier, MM. Carvounas, Marie et Jeansannetas, Mme Conway-Mouret, MM. Montaugé et Roger, Mmes Bataille et Bonnefoy, M. Courteau, Mmes Guillemot, Jourda et Perol-Dumont, MM. Cazeau et Delebarre, Mme Campion, MM. Vincent, Tourenne et Berson, Mme Claireaux, M. Boutant, Mme Blondin, M. F. Marc, Mme D. Gillot et MM. Roux, Sutour et Carrère, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Police nationale
dont titre 2
Gendarmerie nationale
dont titre 2
Sécurité et éducation routières
Sécurité civile
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement vise à mener une expérimentation du port du gilet jaune pour tous les enfants dans les transports scolaires dans dix départements.
D’abord, il est toujours en soi un peu embêtant de s’opposer à une expérimentation ! Mais, en l’occurrence, il nous en coûterait 1, 25 million d’euros, une somme que les auteurs de l’amendement proposent de prélever sur le programme « Sécurité civile ». Dans le contexte de menaces terroristes que nous connaissons aujourd'hui, prélever de l’argent sur ce budget ne nous semble pas très opportun.
Ensuite, il ne nous semble pas forcément très réaliste de penser que tous les enfants qui utiliseront les transports scolaires porteront forcément leur gilet tous les jours. Entre ceux qui ont la tête en l’air et l’auront oublié, ceux qui l’auront perdu, un grand nombre d’enfants ne le porteront pas.
Enfin, si nous disposons, en matière de sécurité routière, de statistiques sur les accidents ayant entraîné le décès de jeunes de moins de dix-huit ans, je ne suis pas sûr qu’il existe des données portant spécifiquement sur les transports scolaires. Mon impression et mon expérience d’élu local me laissent simplement penser que, jusqu’à présent, les transports scolaires ne sont pas particulièrement impliqués dans les accidents, notamment mortels.
Pour toutes ces raisons, la commission des finances s’est montrée très réservée sur cet amendement. Mais elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement avant d’arrêter une position définitive.
Le Gouvernement est très sensibilisé à la question de la sécurité routière et très favorable à toutes les mesures visant à renforcer l’éducation à la sécurité routière, notamment pour les publics les plus jeunes.
Cependant, le présent amendement nous inspire une certaine réserve d’ordre budgétaire, car son dispositif est relativement coûteux. Si je comprends bien, la mesure pèserait sur le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Or ce budget est déjà extraordinairement contraint et, comme l’ont montré les événements récents, nous avons besoin de pouvoir mobiliser fortement les moyens de cette direction, soit pour faire face à de grandes catastrophes naturelles, ainsi que nous l’avons vu à l’occasion des intempéries qui se sont récemment produites dans le sud de la France, soit à l’occasion de tragédies comme celles du 13 novembre dernier. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à imputer les sommes visées sur ce budget.
Par conséquent, j’invite les auteurs de cet amendement à bien vouloir le retirer. En contrepartie, je m’engage à les recevoir au ministère de l’intérieur pour examiner ensemble les conditions dans lesquelles leur demande pourrait être satisfaite par la mobilisation de dispositifs adéquats et de lignes budgétaires plus opportunes.
L'amendement n° II-286 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Sécurités », figurant à l'état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 62, qui est rattaché, pour son examen, aux crédits de la mission « Sécurités ».
L'amendement n° II-281, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est joint au projet de loi de finances de l’année, dans les conditions prévues au 7° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l’exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Sécurités
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Monsieur le ministre, comme je l’ai évoqué dans la discussion générale, des sommes extrêmement importantes sont consacrées aux organismes et associations qui s’occupent de la déradicalisation. Il me semble absolument essentiel que nous puissions disposer d’un suivi et d’une évaluation de ces actions.
Je le sais bien, le Sénat est, dans son ensemble, assez hostile à la multiplication des rapports. Toutefois, si nous ratons le coche des opérations de déradicalisation, nous allons perdre du temps, tant dans la prévention de la radicalisation que dans la lutte contre ce phénomène.
En outre, la relative nouveauté du sujet et la création des outils de déradicalisation sont de nature à créer un appel d’air et un effet d’aubaine : un certain nombre d’associations vont peut-être se constituer alors qu’elles n’ont pas de compétences particulières en la matière.
Pour ce qui me concerne, je suis un peu inquiète, car, comme je l’ai dit à la tribune tout à l'heure, un certain nombre de personnes semblent travailler sur ces sujets, sans bénéficier de l’encadrement nécessaire.
Pour toutes ces raisons, il est vraiment important que nous puissions disposer d’un mécanisme de suivi des outils de déradicalisation que nous mettons en place. Tel est l’objet du présent amendement.
Madame Goulet, votre amendement pose à peu près les mêmes problèmes que celui que vous avez défendu précédemment.
D’une part, on a du mal à identifier les crédits exclusivement réservés à la lutte antiterroriste.
D’autre part, votre initiative pourrait contrarier l’action de la délégation parlementaire au renseignement, laquelle est destinataire du rapport exhaustif des crédits consacrés au renseignement, dont une partie est parfois classée « secret défense ».
Compte tenu de cette double difficulté, je sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Mais j’aimerais tout de même que l’on trouve un moyen d’évaluer ces outils de déradicalisation, dont on ne saura jamais s’ils fonctionnent si l’on ne met pas en place leur inventaire et leur évaluation – je pense, notamment, à l’aide aux familles ou à l’encadrement des victimes.
Un certain nombre d’appels d’offres et de contrats sont renouvelés sans que l’on dispose d’évaluation. Je ne veux pas vous contrarier, monsieur le ministre, mais nous devons être certains que l’offre et la demande sont bien ajustées.
Ces précisions étant apportées, je vais retirer l’amendement, madame la présidente.
Madame Goulet, je suis tout à fait favorable à ce que l’on mette en place, en matière de déradicalisation, un suivi similaire à celui que j’ai proposé pour les crédits consacrés à la lutte antiterroriste.
Pour ce qui concerne les appels d'offres, il existe un processus d’évaluation interne au ministère de l’intérieur.
Au demeurant, je rappelle que les rapporteurs spéciaux ont la possibilité de venir au ministère interroger ceux qui sont chargés de cette politique.
Je suis également prêt à venir devant la commission compétente du Sénat pour vous apporter toutes les réponses que, les uns ou les autres, vous pouvez vous poser et à accueillir, au ministère, l’ensemble des sénateurs qui souhaitent, sur ces sujets, procéder à la mise en œuvre de leur pouvoir d’enquête et d’investigation.
Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Radars
Fichier national du permis de conduire
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Désendettement de l’État
L'amendement n° II-324, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Radars
Fichier national du permis de conduire
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Désendettement de l’État
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement a pour objet d’augmenter de 5 millions d’euros la dotation de l’État à l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, afin de financer la nouvelle application de recouvrement des amendes.
Cet amendement vise à moderniser le recouvrement des amendes, par l’installation d’une nouvelle application, ainsi que par le recrutement de personnels chargés de sa mise en œuvre.
La commission des finances a émis un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-174, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Radars
Fichier national du permis de conduire
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Désendettement de l’État
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
Cet amendement, comme les deux suivants, concerne la sécurité routière.
Nous nous interrogeons sur l’efficacité des radars. Il faut dire que le coût à la fois d’investissement et de fonctionnement des radars « chantiers » et des radars « vitesses moyennes » est assez élevé.
Le présent amendement tend non pas à supprimer ces dispositifs, mais à diminuer le nombre de ceux qui doivent être installés : 53 nouveaux radars « vitesses moyennes » au lieu de 107 et 11 radars « chantiers » au lieu de 22. Cette réduction permettrait de réaliser une économie de 5, 25 millions d’euros.
Si nous venons d’augmenter de 5 millions d’euros la dotation attribuée à l’ANTAI, nous proposons que l’économie qui résultera de l’adoption de cet amendement soit portée aux crédits du programme 754 du compte d’affectation spéciale, destiné à l’équipement des collectivités territoriales.
Le Gouvernement ne partage pas l’analyse faite par M. le rapporteur spécial, ni pour ce qui concerne le coût de certains dispositifs de contrôle ni pour ce qui est de leur efficacité.
Le coût des dispositifs de contrôle des vitesses correspond, en réalité, à celui de deux radars, l’un placé à l’entrée et l’autre à la sortie de la zone contrôlée.
Le coût des radars autonomes est, quant à lui, beaucoup plus faible, car ces dispositifs, facilement déplaçables d’une zone à l’autre, ne nécessitent pas ou peu de travaux de génie civil. Cependant, leur efficacité ne saurait être remise en cause.
Les radars de contrôle des vitesses moyennes sont installés sur des sections dangereuses de plusieurs kilomètres, afin d’inciter les usagers à adopter une conduite responsable.
Le Gouvernement a, par ailleurs, annoncé un certain nombre de mesures qui doivent pouvoir être évaluées dans la durée. Si l’on redistribue les cartes alors même qu’un comité interministériel de la sécurité routière vient de se tenir, nous risquons de créer beaucoup de confusion !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour une fois, j’irai un peu à contre-courant : ce n’est pas souvent que je contredis M. le ministre !
Les policiers et les gendarmes doivent protéger la population, lutter contre le terrorisme, les cambriolages…
En revanche, je n’ai jamais été un fanatique des radars et des alcootests
Sourires.
Étant assez réservé sur ces outils, je ne suis pas favorable à ce que l’on en installe davantage, et je voterai donc l’amendement de M. Delahaye.
M. Roger Karoutchi. Je le voterai aussi et, pourtant, je n’ai pas le permis de conduire !
Sourires.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-172, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Radars
Fichier national du permis de conduire
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
Désendettement de l’État
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
L’amendement n° II-172 vise à supprimer la lettre de rappel adressée aux contrevenants pour leur indiquer le nombre de points qu’ils ont perdus. Mes chers collègues, ceux d’entre vous qui, comme moi, ont déjà reçu une contravention connaissent cette lettre !
Il est prévu que 15 millions de lettres soient envoyées l’année prochaine, pour un coût de 13, 1 millions d’euros. C’est énorme !
Les moyens modernes de communication dont nous disposons aujourd'hui me semblent suffisants. Je pense, par exemple, au site internet qui a été mis en place par le ministère de l’intérieur et à la possibilité pour les usagers d’être informés de leur nombre de points par voie électronique. L’économie qui résulterait de la suppression des lettres de rappel permettrait de réduire l’endettement de l’État.
L’amendement n° II-175, qui sera examiné dans un instant, tend, quant à lui, à modifier en conséquence les dispositions du code de la route.
On ne peut supprimer l’envoi de tous les courriers, notamment pas ceux à destination de personnes dont la perte de points est telle qu’elle entraîne le retrait de leur permis de conduire.
Par ailleurs, la suppression des lettres suppose que nous ayons financé la totalité de la dématérialisation. Or cela ne se fera qu’au terme de l’exercice budgétaire de l’année 2016. Il y aurait donc une année au cours de laquelle aucune information ne serait donnée. Or nous sommes dans l’obligation d’envoyer des lettres à ceux qui ont perdu leur permis de conduire.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
L'amendement n° II-175, présenté par M. Delahaye, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 223-3 du code de la route, les mots : « par lettre simple ou, sur sa demande, » sont supprimés.
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.
Par coordination avec le vote intervenu sur l’amendement n° II-172, je le retire, madame la présidente.
L’amendement n° II-175 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Avant de passer à la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, monsieur le ministre, dans le délai qui m’est imparti, je ne reprendrai pas tous les éléments des débats que nous avons déjà eus il n’y a pas si longtemps, lors de l’examen du texte relatif à l’asile.
Pourquoi ne suis-je pas, en cet instant, un rapporteur spécial heureux ? Tout simplement parce que, en matière d’immigration, et alors que je viens de voter sans réserve les crédits de la mission « Sécurités », la remise à plat n’est pas encore faite.
Bien sûr – et je ne le conteste pas –, le Gouvernement réalise des efforts : vous avez fait adopter, à l’Assemblée nationale, un amendement de 100 millions d’euros, et un autre de 14 millions d’euros nous sera présenté ultérieurement ; vous construisez des places dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, à un rythme plutôt soutenu ; vous avez recruté un peu de personnel supplémentaire à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA.
Oui, un peu, monsieur le ministre.
Nonobstant tout cela, comme je le disais voilà quelques instants à propos de la mission « Sécurités », c’est la réponse apportée à un moment précis qui compte. Or, face à la vague migratoire, nous sommes loin du compte.
Bien évidemment, nous ne sommes pas dans la situation de l’Allemagne qui aura reçu, au cours de l’année 2015, 20 millions de migrants. Toutefois, et indépendamment des 30 000 migrants que vous avez accepté de recevoir sur le territoire national en deux ans dans le cadre du plan européen de relocalisation, nous aurons probablement accueilli environ 80 000 demandeurs d’asile en 2015, soit déjà 15 000 de plus qu’en 2014.
Or l’État aura, à la fin de cette année, une dette auprès de Pôle emploi, au titre de l’allocation pour demandeur d’asile, évaluée entre 100 et 200 millions d’euros, qui n’est pas réglée. L’État donne un peu plus de moyens à l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et à l’OFPRA, mais ce n’est pas assez, très sincèrement, pour affirmer que l’OFPRA réussira à traiter toutes les demandes d’asile – le nombre de demandeurs est conséquent en 2015 et le nombre probable de demandeurs en 2016 le sera tout autant ! –, si l’on se fonde sur les conditions actuelles.
S’agissant de l’OFII, on a prévu, ici ou là, quelques moyens supplémentaires, mais ceux-ci sont en réalité très limités par rapport aux moyens que je demande depuis des années en faveur de l’intégration.
Monsieur le ministre, l’Allemagne a annoncé qu’elle consacrerait, en 2016, 10 milliards d’euros de plus. J’ai même entendu l’un de vos collègues du Gouvernement, l’inestimable ministre de l’économie, dire qu’il faudrait créer un fonds franco-allemand pour les migrants et les réfugiés, doté de plusieurs milliards d’euros. Je ne sais pas ce qu’il voulait en faire exactement, …
… mais il semble dire que, au vu du problème migratoire, on ne s’en sortira pas avec l’ensemble des moyens budgétaires aujourd'hui prévus.
La réalité est relativement simple, monsieur le ministre. Oui, vous faites un effort. Oui, vous avez construit des places en CADA. Oui, vous avez prévu du personnel supplémentaire à l’OFPRA. Le rapporteur spécial que je suis pourrait vous dire : « Banco ! On vote les crédits de la mission », si nous étions dans une situation globalement normale. Mais nous ne le sommes pas !
Je le reconnais bien volontiers, je vois assez peu de ministres de l’intérieur européens être aussi fermes que vous pour ce qui concerne le contrôle des frontières. Pour autant, ni les hotspots ni le contrôle des frontières n’ont encore été mis en place ! Toutes les mesures nécessaires qui devaient être prises au niveau européen pour maîtriser les entrées et les flux ne le sont toujours pas. Tout cela signifie que nous aurons forcément, en 2016 et en 2017, une situation extrêmement compliquée en France. Celle-ci aurait probablement nécessité de prévoir un « plan d’urgence pour les migrants » – appelez-le comme vous voulez ! –, avec des crédits nettement plus importants que ceux qui sont alloués à la mission actuelle.
Ce n’est pas en passant de 700 à 800 millions d’euros que vous traiterez la crise migratoire à laquelle nous sommes confrontés. Vous pourriez m’expliquer, et je pourrais le comprendre, que tant que les demandeurs d’asile ne sont pas là, on ne budgète pas un effort supplémentaire. Mais une telle position implique que nous devrons, au cours de l’année 2016, voter des rallonges budgétaires, qu’il faudra bien, par définition trouver, parce que les crédits qui nous sont aujourd'hui présentés sont sous-évalués.
Par conséquent, mon sentiment est partagé. Je ne suis pas opposé, je l’ai dit en commission, à cet amendement visant à créer quelques postes à l’OFII et à l’OFPRA, dont le coût est évalué à 14 millions d’euros. Toutefois, je continue de m’inquiéter de la dette due à Pôle emploi et de l’absence de moyens supplémentaires en faveur des centres d’hébergement d’urgence. On a, en outre, le sentiment que, pour des raisons que je ne maîtrise pas, vous ne souhaitez pas envisager une augmentation réelle du nombre de demandeurs d’asile en 2016 et 2017. Pourtant, une telle hausse se fera mécaniquement.
Je ne vois pas comment on pourrait éviter que le nombre de demandeurs d’asile ne s’élève à 90 000 ou 95 000 en 2016. Il faudra bien les héberger, leur accorder une allocation, les intégrer ! Or tout cela n’est absolument pas budgété.
Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Oui, vous faites des efforts, que je reconnais bien volontiers. Malgré tout, je considère que, eu égard à la vague migratoire que nous connaissons et à l’absence, pour le moment, de maîtrise européenne sur ce sujet, la France devrait consacrer davantage de moyens pour sécuriser l’entrée des migrants en France. C’est la raison pour laquelle j’appelle à ne pas voter les crédits de cette mission.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année a été marquée par l’afflux massif en Europe de demandeurs d’asile en provenance de Syrie et d’Irak, un afflux communément désigné comme la « crise des réfugiés », dans laquelle la France occupe une place paradoxale.
Ce budget porte la marque de ce contexte, par la mise en œuvre du plan « Répondre au défi des migrations : respecter les droits – faire respecter le droit », dit « plan Migrants », annoncé en juin dernier par le Gouvernement.
En 2016, les crédits consacrés à l’exercice du droit d’asile figurant dans le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration », au titre de l’action n° 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, ont été portés à 601, 1 millions d’euros, soit une augmentation de 21 %.
De même, le parc des CADA, moins coûteux que l’hébergement d’urgence, passera de 21 410 places en 2013 à 33 100 places à la fin de l’année 2016. Ce sont 2 000 nouvelles places qui devraient être créées en 2017.
Les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d’asile augmenteront également de près de 4, 5 %.
Dans le contexte de forte contrainte budgétaire actuelle, l’effort consenti en faveur de la garantie de l’exercice du droit d’asile mérite donc d’être salué.
Signalons également les créations de postes à l’OFPRA, qui se trouve doté de 110 emplois supplémentaires pour 2016. Ce projet de budget répond en principe aux grandes lignes de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, à savoir la réduction du délai de traitement de la demande d’asile et l’amélioration de la prise en charge des demandeurs d’asile.
À ce propos, permettez-moi de rappeler que la question de l’accueil des demandeurs d’asile en Île-de-France reste encore actuellement problématique, ces derniers peinant à obtenir un rendez-vous en préfecture. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?
La commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l’asile, sous réserve, toutefois, d’un nouvel abondement en cas de flux non anticipé de demandeurs d’asile.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part des observations formulées par la commission des lois sur les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2016 à la politique d’immigration et d’intégration.
Tout d’abord, la commission a constaté que le budget de la mission a été élaboré selon des principes bien différents et même en totale rupture avec les budgets des années précédentes.
En effet, l’augmentation du budget de l’action dédiée à l’asile s’est également accompagnée d’une progression des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière. En outre, les crédits du programme relatif à l’intégration et à l’accès à la nationalité française sont également en hausse, et la commission l’a souligné.
Cette évolution est d’ailleurs liée en grande partie à l’anticipation de la réforme du droit des étrangers, actuellement en cours de discussion au Parlement.
La commission n’a pas constaté de très grands changements quant à la structure de l’immigration irrégulière, qu’il s’agisse de l’origine de l’immigration ou des raisons l’ayant justifié. Ainsi, l’immigration familiale, qui atteint 47 %, est presque majoritaire, alors que l’immigration économique, beaucoup plus faible, est de l’ordre de 9 %, et cela, je le redis, sans changement par rapport aux années précédentes.
Je formulerai trois observations principales.
Premièrement – la presse qualifierait cette remarque de « marronnier » –, la commission des lois regrette la sous-utilisation chronique des salles d’audience délocalisées et de la vidéo-audience, singulièrement pour ce qui concerne la mise en service de l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny dans la zone d’attente à Roissy. Il n’est pas normal que cette salle d’audience ne fonctionne pas comme elle le devrait.
Deuxièmement, la commission a constaté qu’il n’existait pas d’évaluation du coût réel de la politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Elle a déploré en particulier que l’indicateur permettant d’évaluer l’effectivité des reconduites soit construit sans intégrer le nombre de décisions d’éloignement prononcées.
Nous avons, toutefois, estimé que le bilan de la lutte contre les filières d’immigration clandestine était positif, en particulier grâce à l’action de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre, plus connu sous l’acronyme d’OCRIEST.
Troisièmement, la commission s’est une fois de plus inquiétée de la faiblesse des moyens accordés à l’OFII. Les contraintes financières qui pèsent sur cet office, alors même que son champ d’intervention a été largement développé, risquent de le mettre dans l’incapacité d’exercer ses propres missions. Je rappelle notamment que le budget de l’allocation pour demandeur d’asile n’est pas intégré au sein d’un budget annexe.
C’est donc sous réserve de ces trois observations que la commission des lois a émis favorable sur ces crédits.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Natacha Bouchart.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les circonstances que connaît actuellement notre pays et que je connais moi-même, la question migratoire se pose avec une acuité encore plus forte.
Bien entendu, il ne faut pas confondre les questions de sécurité liées au terrorisme et les questions politiques, économiques et sociales liées à l’immigration. Pourtant, c’est vrai, elles se recoupent partiellement, car la perméabilité de nos frontières est une faille dans notre défense contre les nouvelles menaces qui se sont rappelées cruellement à nous lors des attentats du 13 novembre dernier.
Mais si la question migratoire dépasse largement cette problématique, il n’en reste pas moins que la tension qui s’exerce aujourd’hui sur le moral de la nation accroît encore plus l’urgence d’adapter notre politique de maîtrise et de contrôle des flux migratoires.
C’est donc avec détermination que j’aborde cette question, consciente de ses enjeux, en raison de mon parcours personnel.
Je tiens à le dire à cette tribune, étant moi-même issue d’une famille d’origine polonaise et arménienne, je sais la contribution que peuvent apporter à la France des étrangers qui viennent chez nous avec, dans le cœur, le respect de la République et la volonté de réussir leur vie.
Je sais l’espoir que peut représenter la France pour les candidats à l’émigration, partout dans le monde. Mais en tant que maire de Calais, je sais aussi les contraintes qu’une immigration incontrôlée, irrégulière, permise par l’affaiblissement des outils régaliens, peut faire peser, tout autant sur la population française que sur les clandestins, qui se retrouvent chez nous dans des situations humainement insupportables.
Monsieur le ministre, le budget que vous proposez est en augmentation, ce dont je ne peux que me réjouir. Mais cela sera-t-il suffisant pour assumer la situation inédite que nous vivons actuellement ? En effet, depuis trois ans, la crise migratoire a changé de dimension.
La situation à Calais en est la preuve la plus évidente. Alors que l’on y dénombrait 500 migrants environ voilà trois ans, nous avons dépassé les 6 000 migrants il y a quelques semaines, pour redescendre aujourd'hui à 4 500.
Face à cette situation exceptionnelle, les moyens mis en œuvre par l’État sont-ils suffisants ?
Nous ne pouvons nier les efforts accomplis par les services de l’État, notamment par le ministère de l’intérieur, et en particulier par vous-même, plus personnellement, monsieur le ministre. Je pense, par exemple, au travail réalisé par l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre contre les filières de passeurs qui exploitent la misère humaine.
Comme le souligne, dans son rapport, notre collègue François-Noël Buffet, sur les dix premiers mois de l’année 2014, huit filières d’acheminement vers le Royaume-Uni ont été démantelées. En 2015, pour la même période, ce sont près de vingt-six filières qui ont été démantelées, dont vingt-quatre sur l’initiative de la direction centrale de la police aux frontières.
Ce travail remarquable de nos fonctionnaires de police doit être salué, même si des réseaux, notamment organisés par certains ressortissants albanais, restent bien trop actifs et doivent encore être combattus.
Je n’oublie pas non plus, monsieur le ministre, les investissements consentis par l’État pour l’aménagement de la lande et du centre Jules-Ferry.
Mais force est de constater l’étendue de la problématique : les questions financières, notamment, restent entières, y compris pour la ville de Calais, qui est amenée à assumer un certain nombre de tâches liées au phénomène migratoire, même si la logique de convention qui lie notre collectivité locale et l’État a vocation à en compenser le coût.
De manière plus générale, je veux souligner l’importance de la réponse apportée au titre de la politique de l’asile, mais celle-ci ne peut faire oublier toutes les autres actions nécessaires pour lutter contre l’immigration irrégulière. En particulier, j’appelle de nouveau le Gouvernement à prendre en compte l’indispensable identification des migrants, spécialement ceux qui ne relèvent pas de l’asile.
En effet, cette mesure ne peut concerner les seuls réfugiés : elle doit être systématiquement mise en œuvre pour tous les clandestins. L’enregistrement des photos et des empreintes digitales doit être non pas une option, mais une obligation.
Nous ne sommes pas en mesure de dire, aujourd’hui, qui se trouve sur la lande de Calais !
Se donner les moyens de savoir qui entre sur notre territoire, qui y circule, qui y stationne, à Calais comme ailleurs, c’est se donner les moyens non seulement d’assurer la sécurité de nos compatriotes, mais aussi de procéder à une gestion ferme et rigoureuse des flux migratoires. Ne pas le faire serait, à mon sens, une faute. Face à l’inquiétude de notre population, à la crise migratoire sans précédent que nous vivons, au défi lancé à notre sécurité, peut-on laisser la place au hasard ?
Une telle action d’identification permettrait de connaître les besoins des migrants, pour pouvoir mieux les aider et leur fournir l’aide humanitaire appropriée. Mais mener cette politique de façon systématique nécessite, il est vrai, des moyens, et ce sont ces moyens que le pays attend aujourd’hui.
De même, une politique ferme de reconduite à la frontière, sans laxisme pour les clandestins qui commettent des délits, implique que des moyens conséquents soient au rendez-vous.
Cette fermeté doit aussi s’appliquer aux activistes No Borders, qui instrumentalisent les migrants pour des motifs politiques et sont à l’origine des mouvements de foule et des attaques de migrants contre, par exemple, le site du tunnel sous la Manche, le port de Calais ou les fonctionnaires de police eux-mêmes. Ils représentent la même idéologie et utilisent les mêmes méthodes que celles que nous avons tristement vues à l’œuvre ce week-end, place de la République à Paris.
Mme la présidente de la commission des finances et M. le rapporteur spécial acquiescent.
Les No Borders étrangers qui attisent le désordre à Calais doivent être expulsés sans délai de notre pays.
Mme Natacha Bouchart. La situation de Calais, parce que je la vis au quotidien, m’en donne la certitude : la politique de la France en matière d’immigration nécessite une fermeté, qui exige des moyens nouveaux, pour apporter également beaucoup d’humanité.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Guillaume Arnell applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un entretien publié le 25 novembre dernier par un grand quotidien allemand, le Premier ministre a réclamé que l’Europe cesse d’accueillir des réfugiés en raison de la menace djihadiste.
Il a expliqué sa fermeté concernant l’accueil des migrants en se référant à certaines indications des enquêteurs français : deux des tueurs du 13 novembre à Paris avaient profité du flux de migrants pour traverser l’Europe et rejoindre la France.
Il semblerait que l’amendement déposé par le Gouvernement visant à augmenter le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » confirme cet état de fait.
Passant de 652 millions d’euros en 2015 à 703 millions d’euros pour 2016, le Gouvernement a décidé d’abonder davantage ce budget, en y ajoutant près de 14 millions d’euros, dans le cadre de l’effort déjà engagé au titre du renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme et de sécurisation des frontières.
Si nous ne pouvons que soutenir la décision du Gouvernement d’augmenter les budgets des missions « Justice » et « Sécurités » avec des sommes autrement plus conséquentes – les dotations supplémentaires s’élèvent respectivement à 266 millions et à 340 millions d’euros –, permettez-nous néanmoins de douter de l’objectif qui sous-tend l’augmentation du budget de la mission « Immigration, asile et intégration », à savoir abonder, notamment, les moyens nécessaires à l’armement des hotspots en Italie et en Grèce.
Certes, un renforcement des outils de contrôle aux frontières est plus que jamais nécessaire, mais nous vous mettons en garde contre les amalgames, renforcés par les tragiques événements que nous venons de vivre.
Le thème du terrorisme et celui des migrants se télescopent. Cependant, ne cédons pas à l’instrumentalisation de ces deux sujets, trop souvent pratiquée par la droite au pouvoir !
Nous ne pouvons nier que quelques terroristes passent entre les mailles des flux de migrants. Mais faut-il pour autant renoncer à trouver une solution d’accueil pour l’immense majorité des autres ? Rappelons que la quasi-totalité des réfugiés fuient des zones de conflits et de massacres dans le monde, notamment au Proche-Orient : victimes des persécutions que nous connaissons, ils nous demandent l’asile.
D’ailleurs, si les crédits de l’action n° 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, sont en nette progression par rapport à 2015, avec une augmentation de 7, 4 %, il faut noter que cette action est sous-dotée depuis plusieurs années et nécessite, à chaque exercice, d’importantes rallonges budgétaires.
Les dotations prévues pour 2016 sont hypothéquées, en raison précisément des conséquences, difficiles à prévoir, de la crise migratoire et de la mise en œuvre des programmes de relocalisation, dans le cadre desquels la France accueillera des demandeurs d’asile supplémentaires ; c’est du moins ce que nous osons espérer.
Concernant l’hébergement, on peut se féliciter de la poursuite de la progression du nombre de places en centres d’accueil de demandeurs d’asile : 3 500 nouvelles places seront créées en 2016 et 2 000 en 2017.
En définitive, avec 33 000 places en CADA prévues en 2016, un nombre de demandeurs d’asile estimé à 70 000 et une durée moyenne de traitement des demandes par l’OFPRA de 200 jours, le dispositif national d’accueil restera insuffisant pour garantir un hébergement à tous ceux qui en ont besoin.
Les crédits de l’action n° 3, Lutte contre l’immigration irrégulière, globalement en augmentation, se caractérisent par une hausse significative des crédits dédiés aux frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière.
De manière générale, nous regrettons que la politique menée en la matière s’inscrive dans la continuité de la politique conduite par la précédente majorité.
Dans le cadre du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, nous déplorons en particulier la volonté d’accélérer le traitement des mesures d’éloignement au mépris du droit à un recours effectif pour les personnes en situation irrégulière.
S’agissant de la rétention, on peut, certes, se réjouir que le projet de loi susmentionné prévoie d’accorder la priorité à l’assignation à résidence plutôt qu’au placement en rétention. Mais on peut s’inquiéter de la volonté du Gouvernement, annoncée en juin 2015 dans le cadre du plan « Migrants », de renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, en optimisant l’utilisation des places existantes dans les centres de rétention administrative.
La banalisation des restrictions à la liberté individuelle par l’interchangeabilité de l’assignation à résidence et de la rétention administrative n’est pas, à nos yeux, acceptable.
Plus spécifiquement, concernant le principe de l’interdiction de la rétention des enfants, rappelons que l’engagement du candidat François Hollande en 2012 était non pas de limiter la rétention des enfants et de familles, mais bien d’y « mettre un terme ». Nous déplorons que cette promesse ne soit pas honorée.
Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » représente, avec 70, 2 millions d’euros prévus pour 2016, moins de 10 % des crédits de paiement de la mission. On peut se féliciter que ce programme connaisse, pour la première fois depuis plusieurs années, une hausse de ses crédits de 20 %. Mais là encore, sur le fond, nous regrettons que les procédures d’accès à la nationalité française n’aient pas rompu avec le dispositif mis en place par la majorité précédente.
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France ne prévoit pas de modifier fondamentalement la logique du contrat d’accueil et d’intégration. Rebaptisé « contrat d’intégration républicaine », celui-ci demeure avant tout, malheureusement, destiné à la maîtrise des flux migratoires. Nous réfutons cette logique d’« insertion-stabilisation » selon laquelle la signature du contrat d’intégration républicaine est nécessaire à l’obtention d’un titre de séjour. Au contraire, nous considérons que c’est d’abord la garantie de stabilité du séjour qui permet de faciliter l’insertion des étrangers.
En définitive, au regard de l’insuffisance des moyens déployés pour faire face à la crise migratoire et du tournant idéologique qui semble être pris par le Gouvernement en matière d’immigration – en témoigne le projet de réforme sur le droit des étrangers en France –, les sénateurs du groupe CRC, vous l’aurez compris, mes chers collègues, ne voteront pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, apprendre qu’une bombe vient d’exploser, qu’une fusillade vient d’éclater ; s’inquiéter pour ses proches, sa famille, ses amis, dont on sait ou dont on peut supposer qu’ils se trouvent près des lieux touchés ; ne rien pouvoir faire ; ressentir l’angoisse de l’attente, puis bien pire, si le pire est arrivé : c’est ce que nous avons vécu le 13 novembre dernier.
Mais cette vie, cette attente, ces deuils, c’est ce que vivent au quotidien, parfois depuis des années, ceux qui aujourd’hui se trouvent dans des camps en Jordanie, au Liban, en Turquie, et tentent, pour certains d’entre eux, de rejoindre l’Europe. Imaginez ce que signifie pour ces personnes : offrir une protection.
C’est dans cette perspective qu’il nous faut aborder cette belle politique, solidaire et humaniste, que doit être la politique de l’asile.
Deux sujets méritent d’être abordés : d’une part, la mise en œuvre de la réforme de l’asile et, d’autre part, le contexte international, les deux étant évidemment liés.
La réforme de l’asile adoptée en juillet 2015 est fondée sur les principes suivants : plus de droits pour les requérants, pour une meilleure efficacité de notre système, moins de détournements de la procédure, un accroissement de la capacité d’intégration et des délais de réponse plus courts.
La lecture des chiffres de l’OFPRA en atteste : depuis 2012, le taux de reconnaissance de protection est passé de 44 % à 77 %, les admissions étant prononcées plus rapidement et plus souvent en première instance ; le stock de demandes a diminué de plus de 20 % en un an ; le nombre d’agents de l’OFPRA est passé de 420 à 525 entre 2012 et 2015.
Après avoir augmenté de manière significative les moyens relatifs à l’instruction des dossiers, il est prévu, pour 2016, de faire des efforts pour ce qui concerne le back office, chargé notamment de notifier les décisions et de dresser les actes de l’état civil.
Même si je déplore le recours trop important à des contractuels, ces nouvelles embauches permettront néanmoins à l’OFPRA de répondre aux exigences de la réforme de l’asile.
Quant à l’augmentation du nombre de places en CADA, qui a déjà été évoquée, elle devrait, conjuguée au raccourcissement des délais de réponse, contribuer à un déblocage de notre dispositif national d’accueil, qui était fortement « embolisé ».
Je salue également le travail accompli à Calais depuis un an – les services de l’État ont convaincu 2 000 personnes présentes sur place de faire une demande d’asile en France –, ainsi que l’efficacité de notre procédure de demande de visa au titre de l’asile : en Jordanie, au Liban, en Turquie, elle permet de recevoir des demandes de la part de ceux qui ont besoin d’une protection de la France.
À mes yeux, il est souhaitable d’avoir un tel dispositif, qui permet aux personnes concernées d’éviter de risquer leur vie pour venir jusqu’en Europe. Mais il faudrait que la procédure soit plus normée et que l’OFPRA puisse jouer un rôle dès l’étape de la demande de validation auprès de l’administration, avant la délivrance du visa.
En revanche, j’aimerais vous faire part de quelques inquiétudes.
D’abord, dans certains départements, les plateformes de premier accueil ne semblent pas capables de donner à temps les rendez-vous au guichet OFII/préfecture. Cela allonge d’autant la possibilité de formuler une première demande d’asile ; nous le constatons depuis la mise en œuvre de la réforme.
Ensuite, alors que nous avons assigné des objectifs à la CNDA, en l’occurrence cinq semaines pour les procédures accélérées et cinq mois pour la procédure normale, les crédits alloués à la Cour – certes, ils figurent dans la mission « Conseil et contrôle de l’État », et non dans celle que nous examinons aujourd'hui – sont en recul. C’est regrettable, car la réussite de la réforme devra nécessairement être une réussite globale. Si la CNDA n’a pas les moyens d’exécuter les tâches que la loi lui confie, c’est un problème !
Enfin, je m’interroge sur les évolutions budgétaires si la France commence à être sollicitée au titre des demandes d’asile dans les mêmes proportions que le reste de l’Europe.
Je voudrais à présent évoquer la situation internationale. Pourriez-vous nous faire un point sur la mise en œuvre des hotspots et sur la relocalisation ? Cette politique est indispensable pour les pays de première arrivée dans l’Union européenne, mais on a l’impression que son démarrage effectif n’est pas parfait.
L’observation des mouvements migratoires dans les Balkans, depuis la Grèce jusqu’à la Croatie, en passant par la Macédoine et la Serbie, met en lumière la nécessité de travailler ensemble, tant pour l’accueil des réfugiés que pour la sécurité des Européens. Il n’est pas logique que des pays européens réalisent deux fois le même travail. Tout doit être coordonné depuis la Grèce jusqu’à l’arrivée en Croatie, afin que les choses se passent le mieux possible. Certes, il est très difficile de contrôler les frontières extérieures de la Grèce. Mais essayons au moins d’avoir des équipes européennes capables d’accompagner au mieux les sorties de Grèce et les arrivées en Macédoine.
Voilà qui m’amène à aborder la question de la sécurisation des frontières. Il y a un contrôle biométrique à l’entrée et à la sortie de la plupart des pays du monde. Si nous voulons consolider l’espace Schengen, il faut instituer un contrôle systématique biométrique à l’entrée et à la sortie. C’est finalement le meilleur moyen d’assurer notre sécurité, en complément avec les dispositions en matière d’interdiction de sortie du territoire que nous avons adoptées au cours de la dernière période.
Je conclurai par une question et une remarque.
D’abord, la France restera-t-elle toujours une exception en Europe ? Les demandes d’asile ont augmenté de 15 % dans notre pays, alors qu’elles ont plus que doublé dans l’ensemble des pays européens. La France doit-elle être durablement une exception, et le peut-elle ?
Ensuite, aucun budget, aussi important soit-il, ne garantira l’intégration des étrangers en France tant qu’on leur renverra systématiquement et à chaque instant leur condition d’étranger au visage ! Aussi, il importe d’affirmer l’égalité des droits et des devoirs de tous ceux qui ont le droit de vivre sur le territoire de la République ! C’est bien plus important aujourd’hui que des variations de quelques millions d’euros sur un budget.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain votera ces crédits, qui marquent la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre la réforme de l’asile, de faire face aux contraintes internationales et de répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la réforme de l'État et de la simplification, mes chers collègues, la crise des réfugiés doit, plus que jamais après les événements qui ont secoué notre pays le 13 novembre dernier, trouver une solution globale, c'est-à-dire européenne, mais également internationale, négociée notamment avec la Turquie – cela semble être le cas depuis hier – et l’ensemble des parties prenantes.
Selon les chiffres de l’agence FRONTEX, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, plus de 500 000 hommes, femmes et enfants ont été dénombrés aux frontières de l’Union européenne au cours des huit premiers mois de l’année. C’est donc une urgence humanitaire. Mais il y va de la sécurité de nos concitoyens et de la cohésion de notre pacte républicain.
Dans ces conditions, la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » pour 2016, que nous examinons aujourd’hui, revêt une importance toute particulière. Elle traduit en termes budgétaires à la fois le contexte migratoire particulier que nous connaissons et la mise en œuvre des mesures de bon sens que nous avons adoptées dans la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et dans le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, qui est en cours de navette parlementaire.
L’approche globale du Gouvernement sur le sujet se veut pragmatique. Elle reprend les mêmes objectifs que l’année dernière, et nous continuons – comment pourrait-il en être autrement ? – à y adhérer : maîtrise des flux migratoires, garantie du droit d’asile et intégration des personnes en situation régulière. En d’autres termes, il s’agit d’adapter la politique d’immigration à la réalité économique et sociale de notre pays et de renforcer notre attractivité, tout en luttant contre les flux irréguliers et leurs corollaires : la traite humaine et les réseaux mafieux.
La maîtrise des flux migratoires constitue la condition sine qua non d’une politique d’accueil. Le budget pour 2016 prévoit une progression des crédits de près de 20, 5 %, ce qui porte la part de ces actions à 12 % du programme 303. Cette augmentation intervient en complément des différentes mesures visant à nous doter d’un arsenal législatif approprié, que nous avons adoptées.
Je pense particulièrement, en matière d’asile, à l’établissement d’une liste de pays sûrs et à la création de procédures « accélérées » dans les cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection. Je pense également, en matière de droits des étrangers, aux dispositions relatives à la réduction des délais d’éloignement des personnes en situation irrégulière.
L’immigration irrégulière touche de longue date les territoires ultramarins. Je profite de cette discussion pour souligner que nous devons faire face aux mêmes flux migratoires que la métropole.
À Saint-Martin, territoire dont je suis élu, voilà une dizaine de jours, trois hommes suspectés d’être des ressortissants syriens, mais voyageant avec de faux passeports grecs, ont été interpellés dans la partie néerlandaise de l’île. Ils étaient en provenance de l’aéroport international de Port-au-Prince à Haïti. Une enquête est en cours pour connaître leurs motifs et les réseaux qui ont permis leur arrivée à Saint-Martin. Là encore, la question de la libre circulation au sein de l’Union européenne se pose. C’est bien tout le territoire français qui est confronté aux problématiques de la crise migratoire.
L’accueil et l’intégration des étrangers constituent des aspects clés de la politique d’immigration, ce que la future réforme du droit des étrangers en France a bien acté, avec la création d’un titre de séjour pluriannuel, la simplification des démarches administratives et la promotion de l’apprentissage de la langue française.
De manière essentielle, le budget pour 2016 de la mission s’attache à donner des moyens importants à cet objectif. Contrairement aux années précédentes, une augmentation est prévue. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement progressent de près de 21, 3 % par rapport à 2015, atteignant 70, 3 millions d’euros pour 2016. Le devoir d’intégration oblige aussi bien ces individus que la communauté nationale dans sa capacité à respecter les différences. Nous saluons un tel infléchissement de la politique migratoire. Pour que France reste un pays d’accueil où les étrangers sont traités dignement et respectueusement, il faut que la politique d’immigration soit clairement définie et ne soit pas subie.
Je tiens ainsi à souligner que l’effort en la matière doit être particulièrement continu et soutenu. Dans un territoire comme le mien, Saint-Martin, la population a triplé en vingt ans. L’île connaît en effet une forte immigration régionale, principalement en provenance d’Haïti ou de la République dominicaine. La construction d’un projet de société n’est possible que par le biais d’une politique volontariste d’intégration des nouveaux arrivants, doublée d’une nécessaire et obligatoire politique de maîtrise des flux migratoires.
Enfin, et c’est une autre ligne directrice de ce budget, dans le droit-fil de la réforme du droit d’asile, l’accent est mis sur l’exercice du droit d’asile. Les crédits dédiés à cette mission progressent de près de 20, 5 %, ce qui permet de traduire en actions la réduction des délais de traitement des demandes et la rationalisation des moyens financiers consacrés à la prise en charge des demandeurs d’asile.
Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont ainsi en augmentation.
Nous prenons acte de l’engagement du Gouvernement en faveur d’un plan global de financement de 279 millions d’euros. Mais cela sera-t-il suffisant ?
À l’instar de la commission, nous nous interrogeons également sur l’aide aux communes créant des places d’hébergement, mais aussi sur les financements de l’OFPRA et sur ceux qui sont liés à l’accroissement des missions attribuées à l’OFII.
La tâche est énorme, nous le savons. Le groupe du RDSE votera les crédits de la mission. Mais gardons à l’esprit que, derrière chaque chiffre, il y a des êtres humains !
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme Natacha Bouchart, je suis issue de l’immigration.
Initialement, je n’avais pas l’intention de participer au débat sur cette mission. Mais les événements de ces derniers jours m’ont donné une envie folle de m’exprimer sur ce sujet. Nous sommes face à des réalités humaines et, cela a été rappelé, à une crise migratoire sans précédent, dans un contexte de campagne haineuse de rejet de l’altérité, surfant sur les peurs, alliant immigration et terrorisme. On a même entendu quelqu’un déclarer à la tribune que l’immigration d’aujourd'hui était le terrorisme de demain ! Il fallait quand même oser le dire…
L’équation est à la fois politique et budgétaire.
L’année 2015 connaît un pic. D’après les données de l’OFPRA, le nombre de demandes d’asile a augmenté de 12 % sur les dix premiers mois de l’année 2015 par rapport à 2014, avec une accélération au cours de ces derniers mois, avant même que le programme de l’Union européenne pour la répartition des réfugiés, qui prévoit le transfert de 160 000 personnes en provenance d’Italie et de Grèce vers des pays participants de l’Union européenne, ne soit pleinement mis en place.
En France, il est peu probable que l’accueil de demandeurs d’asile se limitera à 31 000 réfugiés. Ce projet de budget pour 2016 est donc hypothéqué par les conséquences, difficiles à prévoir à ce jour, de la crise migratoire.
Il faut trouver des solutions, à la fois humaines, et de nature à garantir la sécurité de notre pays.
Cette année, on a traité 64 000 dossiers, pris 69 555 décisions, décidé que 193 550 personnes seraient protégées et accordé 237 000 certificats de protection. Autant dire que les services sont surchargés ; ils comprennent, si mes références sont exactes, 497 salariés.
Aussi, je m’interroge. Ne devrions-nous pas organiser des bureaux communs de l’OFPRA, ou des offices équivalents, avec nos voisins européens ? Nous pourrions très bien essayer d’agir de concert avec l'Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, afin de traiter une seule fois les demandes des réfugiés, les demandes d’asile et celles des migrants, dont l’accueil soulève aussi des difficultés techniques et administratives.
Il faut aussi décentraliser les bureaux de l’OFPRA dans les zones particulièrement sensibles, comme Nice ou Strasbourg.
Pour répondre à des problèmes nouveaux, il est important d’apporter des solutions nouvelles et innovantes : nous ne pouvons continuer, avec la porosité de nos frontières, en France et en Europe, à garder les mêmes structures centralisées. On devrait essayer – mais c’est sûrement dans les projets du Gouvernement ! –, avec FRONTEX, de décentraliser les bureaux pour les rendre plus proches des lieux de passage. Nous devrions engager une réflexion sur ce point.
L’immigration doit aller de pair avec l’intégration. Tel est le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Comment créer et solidifier le lien citoyen ? Nous l’avons vu précédemment lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » et les discussions que nous avons eues sur le terrorisme, sans faire de lien entre celui-ci et l’immigration, l’absence de lien citoyen ainsi que la mauvaise connaissance des règles de fonctionnement de la République sont des sources de dysfonctionnement, aussi bien pour l’éducation nationale que pour d’autres secteurs.
Au travers de l’amendement qui sera présenté, le budget alloué à la mission ne répond pas pleinement aux enjeux en matière d’immigration, d’asile et d’intégration, notamment parce que perdure, comme le souligne chaque année notre collègue Roger Karoutchi dans son rapport, une sous-budgétisation des dispositifs en matière d’hébergement, d’urgence et d’allocation.
S’agissant de l’allocation, la dotation inscrite est systématiquement inférieure d’au moins 40 millions d’euros à la dépense constatée l’année antérieure. Il en est de même pour l’hébergement d’urgence. Cette sous-budgétisation systématique est anormale.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous communiquer les éléments dont dispose l’administration pour s’assurer de l’identité des réfugiés venant de Syrie et d’Irak ? J’ai déjà posé cette question écrite, qui figure au Journal officiel du 22 octobre 2015, elle n’a donc strictement rien à voir avec les événements qui viennent de se produire.
Nous sommes certes convaincus que les populations qui embarquent sur des canots pour sauver leur vie n’ont pas nécessairement sur eux leurs papiers d’identité. Néanmoins, l’entrée sur le territoire national doit être encadrée et faire l’objet d’un minimum de mesures de sécurité. Comment vous coordonnez-vous avec l’agence FRONTEX ?
Si ce débat pouvait au moins nous éclairer sur ce point, nous pourrions alors savoir de quelle manière il conviendra de flécher les prochains budgets, notamment pour ce qui concerne l’identification des personnes auxquelles nous nous apprêtons à donner l’asile.
Le flou dans lequel nous nous trouvons est une source inépuisable d’arguments pour les partis non démocratiques qui s’apprêtent à faire un score-fleuve aux élections régionales. Si des partis républicains ne répondent pas à ces questions dans un cadre démocratique, c’est laisser la voie ouverte au Front national. De cela, je n’en veux pas !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens ici non plus en tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, mais en tant que membre du groupe écologiste sur l’ensemble de la mission « Immigration, asile et intégration ».
J’attirerai votre attention sur plusieurs points concernant le volet asile.
Il demeure essentiel d’assurer la mise en œuvre de la réforme de l’asile engagée dans le cadre de la loi du 29 juillet 2015. Dans le contexte de forte contrainte budgétaire actuelle, les efforts engagés pour garantir l’exercice du droit d’asile méritent d’être salués, et le groupe écologiste ne peut que s’en féliciter.
Le dispositif national d’accueil restera toutefois insuffisant pour garantir des conditions d’accueil et un hébergement à tous les demandeurs d’asile, vu la sous-budgétisation en la matière depuis des années.
Cette réalité a, d’une part, des conséquences sur la qualité de la prise en charge des demandeurs d’asile. Elle conduit, d’autre part, à dégrader leurs conditions de vie. Il est pourtant essentiel d’organiser un accueil digne et humain pour les réfugiés.
Il est particulièrement regrettable que l’État se soit vu condamné par le Conseil d’État pas plus tard que la semaine dernière pour sa mauvaise gestion de la situation à Calais. Les juges du Palais royal ont ainsi considéré que les conditions de vie des migrants dans la « jungle » étaient « de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2016, M. le ministre avait rappelé la mobilisation du Gouvernement pour faire face à la situation à Calais. Il avait d’ailleurs affirmé que « la résolution de la situation à Calais, dans un contexte extraordinairement difficile, implique de la persévérance, de l’opiniâtreté, de la constance et de la maîtrise ». S’il est vrai que nul ne peut se targuer d’avoir une solution toute faite pour faire face à cette situation, nous devons nous assurer qu’une réponse humanitaire adaptée soit apportée.
Le contexte migratoire est certes difficile, mais il ne doit pas justifier que les migrants soient exposés à des conditions de vie peu dignes.
Les écologistes refusent que les demandeurs d’asile comme les migrants soient délaissés dans un climat anxiogène, propre à l’insécurité, lequel exacerbe incontestablement les tensions.
Depuis le 29 octobre dernier, 134 personnes ont été placées au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes en cinq convois, dont le dernier le 15 novembre. La plupart d’entre elles avaient été arrêtées à Calais et quelques-unes, qui comptaient se diriger vers Calais, le furent dans des gares parisiennes. Elles sont toutes arrivées au centre de rétention administrative en faisant l’objet d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, 118 personnes, parmi lesquelles, notamment, 17 Syriens, 25 Érythréens et 27 Irakiens, sont issues de pays d’origine non sûrs. Dix-neuf personnes sont encore là, sans comprendre pourquoi d’autres ont été libérées et pas elles. Des ressortissants irakiens, syriens et érythréens y sont toujours retenus.
Répondant à ma récente question au Gouvernement sur ce sujet, M. le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, avait omis de donner les vraies raisons de cette rétention, évoquant juste une vérification de l’identité des personnes envoyées au centre de rétention administrative. Elles arrivent pourtant sous le coup d’une OQTF. Les OQTF qui sont délivrées par la préfecture du Nord-Pas-de-Calais comportent une restriction : les personnes venant de Syrie, d’Irak et d’Érythrée ne peuvent pas être expulsées. Pourquoi enfermer dans un CRA des personnes non expulsables ? S’agit-il seulement de désengorger quelque peu Calais ?
Je tiens à rappeler que, sur les 134 personnes arrivées au CRA de Paris-Vincennes, une seule a été éloignée : il s’agit d’un Albanais, l’Albanie faisant partie des pays sûrs. J’espérais que M. Cazeneuve apporterait aujourd'hui des réponses plus argumentées à mes interrogations. Mais peut-être le ferez-vous à sa place, madame la secrétaire d’État ?
Pour conclure, nous sommes prêts à soutenir le budget alloué à la mission « Immigration, asile et intégration », tout en souhaitant l’amélioration des conditions d’accueil de ces réfugiés – je pense notamment au raccourcissement des délais de traitement des dossiers – et de leur hébergement.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » s’inscrivait déjà, avant les événements tragiques du 13 novembre dernier, dans un contexte tout à fait particulier, en raison d’une crise migratoire d’une ampleur totalement inédite, puisque l’on évalue à plus de 600 000 le nombre de personnes ayant tenté de rejoindre l’Europe depuis le début de l’année.
De cet afflux découle l’engagement pris par la France en septembre dernier d’accueillir un peu plus de 30 000 demandeurs d’asile. L’examen de ce budget s’inscrit donc dans un cadre exceptionnel.
De fait, nos rapporteurs n’ont pas manqué de saluer l’augmentation sensible des crédits de cette mission, dont il faut souligner qu’elle contraste avec la sous-évaluation chronique qui caractérisait ces crédits les années précédentes.
Cependant, ce projet de budget pour 2016, déjà lourdement hypothéqué par les conséquences difficiles à évaluer aujourd'hui des programmes de relocalisation dans le cadre desquels la France accueille des demandeurs d’asile supplémentaires, repose désormais sur des hypothèses que les conséquences de la guerre que nous livrons à l’État islamique rendent, à mon sens, obsolètes, s’agissant des déplacements de population à venir et de l’arrivée prévisible en Europe de nouvelles vagues de migrants.
Ainsi, l’augmentation, certes importante, des crédits consacrés à la nouvelle allocation pour demandeur d’asile, en hausse de 25 %, me semble bien insuffisante, étant donné l’afflux des nouveaux demandeurs, quand bien même le traitement de leur demande serait considérablement accéléré.
De même, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence subissent une baisse de presque 12 % par rapport à 2015, qui serait justifiée par la création de places en CADA. Or l’augmentation de places ne permettra pas de couvrir tous les besoins en termes d’hébergement. Il sera donc nécessaire d’orienter les demandeurs d’asile vers l’hébergement d’urgence, qui se révélera insuffisamment doté.
Une véritable dérive budgétaire en cours d’exécution me semble inévitable. Aussi, je voudrais savoir, madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend gérer cette évolution imprévisible, qui risque de remettre fondamentalement en question les hypothèses de départ.
Pourtant, en dépit de ces incertitudes et des difficultés, nous devons tout faire pour que le respect du droit d’asile puisse continuer à s’exercer en France, même si le réalisme nous commande de l’appliquer de façon drastique, en recourant, chaque fois que cela est possible, au régime plus léger de la protection subsidiaire. Ce régime est néanmoins tout à fait légal dans le cadre européen.
Mais alors, madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que cette rigueur et cette générosité avec laquelle les Français et leurs élus observent leur devoir d’accueil vis-à-vis des demandeurs d’asile appellent simultanément de votre part un combat plus cohérent et plus énergique dans la lutte contre l’immigration irrégulière ?
Si l’augmentation des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière est indéniable, ne craignez-vous pas que l’impact de cet effort financier ne se trouve réduit à néant par l’application des dispositions que vous proposez au travers d’un texte relatif aux droits des étrangers en France, qui constitue au minimum un encouragement au maintien en France des immigrés clandestins, voire un de ces fameux appels d’air dont les filières criminelles savent si bien tirer parti ?
Il y a deux ans, un rapport de la Cour des comptes estimait qu’il fallait compter un peu plus de 13 000 euros par réfugié jusqu’à ce que ce dernier obtienne l’asile. Quant à ceux qui sont déboutés, il en coûterait au budget français un peu plus de 5 500 euros par personne. La dépense totale pour la France s’est élevée il y a deux ans à près de 2 milliards d’euros, une somme vouée à une croissance rapide, voire exponentielle. L’effort sans précédent et durable – ne nous leurrons pas, il ne s’agira pas de quelques années, mais ce sera un long processus ! – que consentent les Français n’implique-t-il pas que, face à l’immigration irrégulière, le Gouvernement renonce définitivement à une politique laxiste, dont les Français ne veulent ni ne peuvent assumer le financement et les conséquences dans leur quotidien ?
Plus précisément, dans ce contexte nouveau, entendez-vous revenir, madame la secrétaire d’État, sur le refus que vous avez opposé aux mesures que la majorité sénatoriale proposait dans le cadre de l’examen du texte susmentionné pour améliorer l’exécution des mesures d’éloignement et lutter efficacement contre l’immigration irrégulière ? Nous avions souhaité, notamment, le renforcement de l’assignation à résidence, l’allongement de la durée d’interdiction de territoire, l’abaissement du délai de départ volontaire, le maintien du principe de titre de séjour annuel jusqu’à la cinquième année de résidence régulière pour garantir le contrôle de la régularité du séjour et la restriction des conditions du regroupement familial.
Nous avons également demandé, sans être entendus, que le Parlement définisse annuellement notre capacité d’accueil sur des critères économiques et sociaux. Pourquoi ? Parce que c’est l’un des moyens de définir les bases d’une politique migratoire qu’il est désormais urgent de construire au niveau de l’Europe, laquelle doit impérativement s’organiser face à cette crise majeure et durable, tant structurelle qu’événementielle.
En refusant de développer depuis vingt ans une véritable politique commune en matière de contrôle de l’immigration et de droit d’asile, l’Europe a perdu le leadership et s’est mise sous la coupe des trafiquants, qui détiennent aujourd’hui le pouvoir de décider à sa place de l’origine, du nombre et des lieux d’entrée des migrants.
Pour mesurer le défi qui nous attend, je rappelle simplement que le trafic des migrants représente en chiffre d’affaires le troisième trafic criminel mondial, après ceux de la drogue et des armes.
Pour l’heure, l’Europe n’a ni politique migratoire commune, ni droit d’asile unifié, ni même de budget pour l’accueil. Sa seule intervention consiste à financer la lutte contre l’immigration clandestine via FRONTEX et l’opération Triton, avec l’impuissance que l’on connaît, voire l’aveuglement que l’on découvre, quand on reconstitue les allers-retours effectués par certains auteurs des attentats du 13 novembre...
En quinze ans, 13 milliards d’euros ont été consacrés à cette politique par Bruxelles, soit moins de 1 milliard d’euros par an sur un budget européen annuel de 142 milliards d’euros. Moins de 1 %, c’est peu !
L’Europe a Schengen, dont les accords ne sont plus du tout adaptés et qu’il faut revoir, sans regretter le passé. En effet, n’eût-elle pas institué la libre circulation entre la plupart de ses membres que l’Union européenne n’en serait pas moins la destination privilégiée de ces migrants pour d’élémentaires raisons géographiques et matérielles. Il est donc urgent de renforcer la coordination et les outils de sécurisation de nos frontières maritimes et terrestres, ainsi que de responsabiliser les États où se trouvent nos frontières communes. Faute de quoi, chacun fermera ses frontières, et nous régresserons.
À terme, c’est dans les régions dites « de départ » – Grand Moyen-Orient et Afrique – que l’Europe devra se donner les moyens d’une politique migratoire commune. Cela suppose de s’entendre sur une liste de pays dits « sûrs », dont les ressortissants n’ont pas vocation à bénéficier du statut de réfugié politique, ni même à le solliciter. Cela suppose aussi d’unifier les législations sur le droit d’asile. Devons-nous, en ce qui nous concerne, maintenir à dix ans la durée de l’asile politique, alors que les règles européennes fixent le délai maximum à cinq ans, renouvelable aussi longtemps que dure le danger encouru ? Il faudra, enfin, accepter une clé de répartition des migrants décidée en commun.
Madame la secrétaire d’État, le Premier ministre a dit la semaine dernière : « Nous ne pouvons pas accueillir encore plus de réfugiés en Europe. » Sur les intentions de la France, sur les initiatives qu’elle compte prendre au niveau européen pour mettre en place les mesures urgentes de cette politique, je souhaiterais que vous puissiez nous informer.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean-Yves Leconte étant déjà intervenu pour le groupe socialiste sur le volet « asile » de cette mission, je concentrerai mon propos sur la partie « immigration et intégration ».
Je commencerai par faire un simple constat : l’augmentation des crédits alloués à cette mission montre clairement que le Gouvernement a pris toute la mesure de la question et qu’il veut mener une politique équilibrée entre l’amélioration de l’accueil et l’intégration des personnes en situation régulière, d’une part, et la lutte accrue contre l’immigration clandestine et les réseaux, d’autre part.
S’agissant des crédits en faveur de l’intégration des personnes immigrées en situation régulière, ceux-ci passent de 59 millions à 70, 4 millions d’euros, soit une hausse de près de 20 %. Le renforcement des crédits permettra de mettre en œuvre l’objectif ambitieux, largement débattu lors de l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, d’un véritable parcours d’intégration républicaine, matérialisé par un contrat d’intégration républicaine, le CIR.
Le Gouvernement poursuit un triple objectif, en vue d’améliorer l’accueil des nouveaux arrivants en situation régulière.
Premièrement : renforcer l’exigence de connaissance de la langue française. L’objectif fixé par la feuille de route gouvernementale du 11 février 2014 est d’accompagner les étrangers primo-arrivants dans un parcours de progression linguistique leur permettant d’atteindre un niveau A1 au terme de la première année et un niveau A2 au terme des cinq années de leur arrivée.
Deuxièmement : garantir la transmission des droits et devoirs de la République en redéfinissant les contenus et les modalités des formations relatives aux valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité, de justice, de tolérance, de respect de l’autre et de laïcité.
Troisièmement : orienter et accompagner les primo-arrivants vers les services de droit commun suivant l’orientation personnalisée définie, d’un commun accord, en matière de scolarité, de formation et d’emploi.
Dans le cadre de ce triple objectif, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France a créé une carte de séjour pluriannuelle, dont la délivrance est liée à une condition d’assiduité aux formations prescrites par l’État dans le cadre du parcours individualisé.
On voit clairement que le Gouvernement a la volonté, au travers du projet de loi relatif au droit des étrangers en France et du présent projet de budget, de faire en sorte que les étrangers en situation régulière soient bien accueillis et que leur intégration soit favorisée. Il faut, à cet égard, répondre aux propos de certains partis politiques sur cette question. Je vise en particulier le Front national, qui fait tout, depuis plusieurs années, pour instrumentaliser les étrangers et en faire des boucs émissaires, en les rendant responsables de tous les maux de notre société. Ce n’est pas parce que ce sujet est sensible qu’il faut accepter cette instrumentalisation.
Le nombre des entrées sur notre territoire est, en définitive, assez peu élevé : 200 000 entrées par an, dont 80 000 sont liées à des regroupements familiaux – il s’agit souvent d’un Français épousant une étrangère – et 60 000 concernent des étrangers venus étudier en France. Seuls quelques milliers d’étrangers, soumis à des conditions très strictes, viennent dans notre pays pour travailler. Pour le reste, il s’agit de personnes accueillies pour des raisons humanitaires. La France, nous le voyons bien, n’est pas submergée par des vagues d’immigration.
L’immigration est largement maîtrisée dans notre pays depuis de très nombreuses années. Ainsi n’y a-t-il plus, depuis 1974, d’immigration liée au travail. Cela n’empêche pas certains partis politiques de continuer à transformer les étrangers, je le répète, en boucs émissaires, avec la volonté électoraliste de les stigmatiser. Nous avons, pour notre part, la volonté d’intégrer ceux qui sont entrés dans notre pays de manière régulière, mais aussi de lutter contre l’immigration clandestine.
L’Office français de l’immigration et de l’intégration, opérateur chargé de l’accueil et de l’intégration des étrangers primo-arrivants, voit aussi ses crédits augmenter de manière considérable, de près de 10 %. Quant aux crédits dévolus aux actions d’accompagnement des étrangers primo-arrivants, ils augmentent de 15 %.
Le deuxième volet de la politique menée par le Gouvernement en matière d’immigration est la maîtrise des flux. Son objectif est de lutter contre l’immigration irrégulière, qui, elle, pose problème, et de reconduire les personnes concernées à la frontière. Ce volet est marqué par une forte hausse budgétaire, de plus de 20 %, avec 76 millions d’euros de crédits.
Les crédits relatifs à l’assignation à résidence augmentent de 25 %, ce qui permettra d’atteindre les objectifs fixés dans le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, qui vise à utiliser cette mesure pour isoler les personnes en situation irrégulière avant de les reconduire dans leur pays d’origine.
L’intégralité de ces crédits est nécessaire pour lutter contre l’immigration clandestine, qui est alimentée par de véritables réseaux. Le ministre de l’intérieur nous a rappelé quelles mesures avaient été prises pour les combattre. Depuis un an, le nombre de personnes interpellées et de réseaux démantelés a augmenté de façon très importante. Cette politique doit être poursuivie afin de rassurer nos concitoyens, de faire en sorte que la loi soit respectée, mais également de permettre une bonne intégration des étrangers en situation régulière.
Le groupe socialiste votera, bien sûr, ce budget. Il soutiendra également l’amendement du Gouvernement visant à renforcer encore les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la République est aujourd’hui confrontée à des défis majeurs. Au rang de ces défis, il y a la situation migratoire sans précédent que nous connaissons.
Le Gouvernement, en étroite coordination avec ses partenaires européens, a engagé d’importantes réformes au travers des lois sur le droit des étrangers au séjour et de réforme de l’asile. Le projet de loi de finances pour 2016 traduit ces engagements, et les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » reflètent la volonté du Gouvernement de répondre de façon durable à ce défi.
Par ailleurs, l’action du Gouvernement en matière d’immigration, d’asile et d’intégration fait partie intégrante de la réponse que le Président de la République entend apporter à la menace terroriste. C’est pourquoi je vous soumettrai un amendement de renforcement des moyens de la mission dans le cadre du pacte de sécurité.
Je commencerai par souligner l’effort important qui est consenti en termes d’effectifs.
Pour tenir compte des décisions prises par le Conseil européen en septembre en vue de relocaliser 160 000 personnes d’ici à 2017, Conseil au cours duquel la France s’est engagée à relocaliser 30 700 réfugiés, le Gouvernement propose un renfort de l’OFII, de l’OFPRA, des préfectures et de la Direction générale des étrangers en France de 266 agents en 2016. L’OFII et l’OFPRA bénéficieront respectivement de 126 et de 100 effectifs supplémentaires, les préfectures de 30 renforts et la DGEF de 10 renforts.
Dans le cadre de la mise en place des hotspots, la France entend pleinement contribuer au fonctionnement de ces centres d’accueil, tant en Italie qu’en Grèce, par la mise à disposition de 18 personnes pour le Bureau européen d’appui en matière d’asile et de 60 personnels pour FRONTEX. L’amendement qui vous sera proposé visera donc à créer 9 postes pour l’OFII et 15 postes pour l’OFPRA, afin de permettre à ces opérateurs de contribuer efficacement au fonctionnement de ces hotspots.
Pour que les effectifs supplémentaires puissent remplir leur mission, le projet de loi de finances pour 2016 renforce également les moyens en vue de la mise en œuvre de la réforme de l’asile dans le cadre de la loi du 29 juillet 2015, laquelle prévoit la réduction des délais de traitement des demandes ainsi qu’un dispositif national d’accueil et une répartition équilibrée des demandeurs d’asile sur le territoire. L’équilibre de ce dispositif repose sur la poursuite des créations massives de places d’hébergement de demandeurs d’asile. Au total, ce seront 23 100 places d’hébergement des demandeurs d’asile qui seront créées d’ici à la fin de l’année 2017.
En vue de la mise en œuvre de cette réforme, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont accrus de 7, 8 % en crédits de paiement et de 9, 62 % en autorisations d’engagement. En plus de ces crédits déjà inscrits au budget, le Gouvernement proposera, au travers de l’amendement qui vous sera soumis, de renforcer les crédits nécessaires à l’ensemble des acteurs pour traiter l’afflux de demandes d’asile et apporter une aide aux communes qui s’engagent dans la démarche de relocalisation.
Tout en assumant la plénitude de ses compétences, l’État a décidé d’apporter un soutien exceptionnel aux communes, comme le ministre de l’intérieur a eu l’occasion de l’annoncer devant 700 maires le 12 septembre dernier. Ces aides sont les suivantes : un soutien exceptionnel de 1 000 euros accordé aux communes volontaires par place d’hébergement ou de logement créée, à hauteur de 15 millions d’euros au total ; des primes complémentaires dans le cadre des dispositifs d’amélioration de l’habitat et de garantie de loyer, à hauteur de 1 000 euros par logement. S’y ajoute un fonds de soutien à l’investissement local, doté de 50 millions d’euros, pour contribuer à la réalisation de logements et d’équipements publics, à la main des préfets de région.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de renforcer très significativement le budget de l’intégration, avec une hausse de 20 % des crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité française » et une augmentation de 40 % de la subvention pour charge de service public de l’OFII, notamment pour renforcer l’apprentissage de la langue française.
Enfin, dans le cadre du pacte de sécurité voulu par le Président de la République, l’amendement qui vous sera soumis prévoit l’ouverture de 13, 8 millions d’euros supplémentaires destinés à renforcer les outils nécessaires au contrôle des frontières, notamment les systèmes d’information, les équipements, le contrôle des visas, et à acquérir cent bornes Eurodac supplémentaires pour améliorer l’équipement des centres de rétention et des points de passage aux frontières.
Ces moyens supplémentaires contribueront directement à la sécurisation des frontières et à la lutte contre la menace terroriste. Face à cette menace, nous devons garantir aux services chargés de la politique de l’immigration, de l’asile et de l’intégration tous les moyens nécessaires non seulement à notre protection, mais aussi à la préservation de notre politique d’asile et de notre capacité d’intégration, lesquelles sont, plus que jamais, essentielles à l’affirmation des valeurs de la République.
Après ce préalable, je souhaiterais répondre aux questions précises soulevées par certains orateurs.
Je voudrais dire à Mme Bouchart que, comme chacun le sait, le ministre de l’intérieur est très attentif à la situation à Calais, où des moyens importants ont été déployés : multiplication des maraudes et des patrouilles, nombre d’interpellations record en octobre et novembre avec près de cinquante procédures par jour, hausse des reconduites à la frontière et déploiement de dix-huit unités de forces mobiles. Bernard Cazeneuve s’est engagé à poursuivre cet effort de surveillance, de multiplication des maraudes et des contrôles aux frontières. Nous avons là un dispositif complet, auquel le ministre de l’intérieur prête une attention permanente.
À Roger Karoutchi, je souhaiterais rappeler que l’OFPRA bénéficie de 100 renforts aux termes du projet de loi de finances pour 2016 et l’OFII de 126 renforts. L’amendement du Gouvernement porte ces renforts à 115 pour l’OFPRA et à 135 pour l’OFII. Monsieur le rapporteur spécial, votre préoccupation est bien prise en compte ; ces renforts permettront notamment d’armer les hotspots en Italie et en Grèce, comme je l’ai déjà indiqué.
À Mme Goulet, qui a posé une question très précise sur les moyens d’identification des demandeurs d’asile lors du franchissement des frontières extérieures, je signale que la prise des empreintes est effectuée dans Eurodac et que l’État de première entrée a l’obligation d’effectuer un criblage par rapport à plusieurs fichiers de police internationaux. Pour la relocalisation, l’identification est l’une des missions des hotspots. Les forces de sécurité des pays concernés y procèdent avec l’aide de FRONTEX. Enfin, lors de l’enregistrement de la demande d’asile en France, il y a une prise d’empreintes et un criblage du fichier des personnes recherchées.
Mme Benbassa a soulevé la question de la rétention des personnes se déclarant syriennes ou irakiennes. La préfecture du Pas-de-Calais a pour pratique de ne pas prendre de mesure d’éloignement contre les personnes dont la nationalité syrienne est établie. Toutefois, dans un nombre significatif de cas, cette nationalité est seulement déclarée et non démontrée. Elle repose sur des documents, hélas ! fréquemment falsifiés. Dans ces cas, le placement en rétention se justifie pour vérifier la nationalité alléguée et établir, le cas échéant, la véritable nationalité à des fins de réadmission.
Je voudrais aussi rappeler que la France a la durée de rétention la plus brève en Europe, que les conditions de placement en rétention sont soumises au contrôle du juge et que les personnes placées en rétention peuvent effectuer une demande d’asile.
Enfin, je tiens à dire à Mme Gonthier-Maurin que nous consolidons le contrat d’intégration avec un parcours d’intégration dans la durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, un relèvement du niveau de langue, un renforcement de l’OFII pour faire un diagnostic social de l’étranger et une incitation forte à l’intégration avec la délivrance d’une carte pluriannuelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu à toutes vos préoccupations.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Intégration et accès à la nationalité française
L'amendement n° II-255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Immigration et asile
Intégration et accès à la nationalité française
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
À la suite des attentats, dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République devant le Congrès, le Gouvernement a souhaité accélérer l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de notre pays. Ce renforcement se traduit par une série de mesures, dont la création de 5 000 postes supplémentaires d’ici à 2017 au sein de l’ensemble des services du ministère de l’intérieur.
J’ai proposé à la commission de s’abstenir sur cet amendement, ce qu’a fait la majorité de droite. Néanmoins, comme les sénateurs de gauche l’ont approuvé, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Cet amendement ne pose pas de problème sur le fond : après tout, madame la secrétaire d'État, si vous voulez ajouter 14 millions d’euros supplémentaires, je les prends ! Mais la difficulté vient du fait que ces crédits ne correspondent pas à ce que nous attendons. Je n’irai pas plus avant, car, comme je l’ai déjà dit, les crédits de la mission sont sous-budgétés dans un certain nombre de domaines. Aucune réévaluation n’a été faite pour tenir compte de la crise migratoire et de l’arrivée probablement plus massive de demandeurs d’asile en 2016 et 2017.
Nous aurions pu accepter cet amendement, mais, en réalité, il ne change pas l’équilibre budgétaire de la mission.
Je suivrai l’avis du rapporteur spécial. Abonder cette mission est une bonne nouvelle – nous n’allons évidemment pas refuser ces crédits supplémentaires que nous réclamions –, mais la sous-budgétisation systématique et l’absence de fléchage nous conduiront à nous abstenir.
Je précise néanmoins que cette mission est absolument essentielle dans la lutte contre la radicalisation. Il conviendrait de travailler sur le lien citoyen, en renforçant tout ce qui permet l’intégration, et sur la rupture du lien sociétal – je vous rappelle que, parmi les personnes radicalisées, figurent plus de 30 % de convertis.
L’amendement du Gouvernement s’inscrit dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre dernier. Les crédits ajoutés au profit du programme « Immigration et asile » sont, selon le Gouvernement, justifiés par le « renforcement des systèmes d’information et [...] la sécurisation des frontières ».
Si l’on peut bien sûr comprendre que l’accroissement de la menace terroriste nécessite davantage de contrôle des flux migratoires, les écologistes s’interrogent toutefois sur l’affectation exclusive de ces nouveaux fonds aux problématiques sécuritaires. En effet, le Conseil d’État vient de condamner définitivement l’État à rendre plus dignes les conditions de vie des migrants dans la « jungle » de Calais. Il s’agissait là, depuis longtemps, d’une urgence humanitaire. C’est désormais pour l’État une urgence judiciaire. Pouvez-vous donc nous préciser, madame la secrétaire d'État, par le biais de quels crédits l’État va répondre à cette autre urgence et, ainsi, se conformer à la décision du Conseil d’État ?
Par ailleurs, permettez-moi de vous demander une précision sémantique. Dans l’objet de son amendement, le Gouvernement évoque « les moyens nécessaires à l’armement des hotspots en Italie et en Grèce ». Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « armement » ?
Monsieur Karoutchi, nous ne partageons pas votre réticence. Vous demandez 100 millions d’euros supplémentaires pour ce budget. Mais je ne crois pas que les 13 millions d’euros dont il est question dans cet amendement aient à voir avec les 100 millions d’euros que vous avez en tête. Comme il est indiqué dans l’objet de l’amendement, cette somme va servir à aider à la mise en place et au fonctionnement des hotspots. Aujourd’hui, quatre hotspots fonctionnent en Italie et trois en Grèce. C’est évidemment très largement insuffisant. Il est normal que la France ou l’Allemagne aident l’Italie et, surtout, la Grèce à mettre sur pied des centres qui sont essentiels au contrôle de la politique de migration. Il est tout à fait dans l’intérêt de notre pays d’aller en ce sens.
Je ne développerai pas davantage mon propos. Il est question dans cet amendement de créer quelques postes supplémentaires, ce qui est finalement assez modeste. Or si tous les pays de l’Union européenne s’y mettaient, nous parviendrions à mettre en place un maillage significatif de centres d’accueil. Pour ces raisons, nous voterons l’amendement.
Bien entendu, je suivrai la position de mon groupe sur cet amendement, mais je souhaite indiquer en complément que ces 13 millions d’euros, qui serviront en particulier au renforcement du contrôle et à la sécurisation des frontières, ne remplaceront en rien l’efficacité que permettrait une meilleure coopération européenne. C'est d’ailleurs ce qu’a en partie obtenu le ministre de l’intérieur lors du dernier conseil des ministres de l’Union européenne consacré à ce sujet, et qui était indispensable. Nous pensons au PNR, à une sécurisation et à un meilleur contrôle des frontières de l’espace Schengen.
Ces questions restent prioritaires. Ne faisons pas croire aux Français que, en sécurisant mieux nos propres frontières sans coopération européenne, nous réussirons à sécuriser notre pays. C’est tout le contraire !
Il faut pallier les manques de l’Union européenne et répondre à l’urgence, mais la priorité et la solution passent par une meilleure coopération européenne. L’Union doit comprendre qu’elle doit changer de point de vue en matière de contrôle des entrées et sorties de l’espace Schengen.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
La France, qui est corédactrice de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, a une longue tradition et une grande expérience en matière d’accueil. Il faut d’ailleurs saluer l’attitude des Français qui se mobilisent, dans un mouvement désintéressé, pour accueillir les hommes et les femmes victimes, dans leur pays, de conflits ou de méfaits abominables.
Notre groupe éprouve une réserve vis-à-vis de cet amendement, dont nous craignons qu’il tende à modifier le rôle de l’OFPRA pour en faire l’auxiliaire d’une politique de sélection des réfugiés politiques. Ce n’est pas un choix que nous soutenons ; au contraire, nous pensons qu’il faudrait augmenter ses moyens pour accueillir ces personnes dans de bonnes conditions. Aussi, au risque de dénoter, voterons-nous contre cet amendement.
L’amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les crédits.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’administration préfectorale s’est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de transformation profonde de son organisation et de ses missions, mouvement qui se poursuivra et s’amplifiera en 2016.
La réforme de la carte territoriale se traduira par une réduction du nombre de préfectures de région – qui passeront, en France métropolitaine, de vingt-deux à treize – et par le regroupement de certains services au sein des futurs chefs-lieux de région. Il existe encore de nombreuses incertitudes quant aux modalités pratiques de cette réorganisation et à ses conséquences budgétaires.
Une autre inconnue existe : celle de la révision de la carte des sous-préfectures, qui devait être réalisée par vagues successives. Or le travail de concertation qui devait être mené dans cinq régions en 2015 a été interrompu et ne devrait reprendre qu’après les élections régionales. Madame la secrétaire d’État, nous avons besoin de visibilité sur ce point ; pouvez-vous nous dire quel sera le calendrier de cette réforme ?
Lors de l’examen des crédits de cette mission par la commission des finances, l’importance du maintien de la présence infra-départementale de l’État dans les territoires ruraux et urbains a été soulignée de manière unanime. Dans une période où le besoin d’État s’exprime avec force, cette présence est essentielle pour les collectivités comme pour les citoyens.
Les missions des préfectures aussi continueront d’évoluer, dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération présenté le 9 juin 2015. Ce plan prévoit de poursuivre le retrait des préfectures des missions de guichet pour la délivrance de titres tels que les certificats d’immatriculation des véhicules ou les permis de conduire. Cela sera rendu possible par le recours à des tiers de confiance et à des procédures dématérialisées ainsi que par la création de plateformes régionales d’instruction des demandes de titres. Cette réduction des activités de guichet doit permettre de renforcer quatre missions identifiées comme prioritaires, dont la sécurité et l’ordre public.
À la suite des attentats du 13 novembre dernier et du renforcement annoncé des moyens de lutte contre le terrorisme, vous proposez, madame la secrétaire d’État, de créer 185 postes dans l’administration préfectorale pour renforcer les missions de lutte contre la radicalisation et contre la fraude documentaire. Néanmoins, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 200 postes l’année prochaine ; il y aura donc quand même une réduction nette d’effectifs. Je m’interroge par conséquent sur la capacité des préfectures à répondre à l’urgence de la situation. J’imagine que les postes créés ne viendront pas remplacer exactement ceux qui seront supprimés ; avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?
Par ailleurs, les crédits dédiés au financement des élections connaissent une baisse importante en raison de l’absence d’élections générales en 2016. J’ai présenté récemment à la commission des finances les conclusions du contrôle budgétaire que j’ai mené sur le coût de l’organisation des élections. J’ai fait plusieurs propositions, dont l’expérimentation de la dématérialisation de la propagande électorale pour l’élection présidentielle de 2017. Une telle expérimentation permettrait de faire des économies sans remettre en cause la bonne tenue des scrutins. La commission reste en revanche attachée à l’envoi de la propagande électorale sous format papier pour les élections locales, par nature moins médiatisées.
Il paraît également urgent de revoir le système d’inscription sur les listes électorales, source de nombreux dysfonctionnements et d’incohérences, et de faire aboutir le projet de dématérialisation totale des demandes de vote par procuration.
Enfin, je constate que les dépenses des fonctions support du ministère de l’intérieur devaient baisser en 2016, à périmètre constant, grâce notamment à la poursuite des réductions d’effectifs. Là encore, vous proposez de limiter cette baisse en finançant la création de 67 postes et en allouant 11 millions d’euros supplémentaires à des mesures de sécurisation des systèmes d’information et de communication. Peut-être pourriez-vous, là aussi, madame la secrétaire d’État, nous apporter des précisions nécessaires sur la façon dont ces crédits seront employés.
Sous réserve des précisions que vous nous apporterez, la commission des finances a proposé d’adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. François Marc applaudit également.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vouloir porter en trois minutes un jugement argumenté et nuancé sur une mission chère – ô combien ! – aux élus locaux que nous représentons – une mission qui, je le rappelle, retrace l’ensemble des actions du ministère de l’intérieur pour garantir la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire, détaille les moyens financiers et humains directement ou indirectement consacrés à ces objectifs et, enfin, décline les moyens destinés à garantir l’exercice du droit de vote et d’association ainsi que la liberté religieuse – serait une plaisanterie. Les plaisanteries les meilleures étant les plus courtes, le rapporteur pour avis que je suis se contentera de rapporter les conclusions de la commission des lois…
Considérant la nouvelle baisse des crédits et des moyens et considérant que les évolutions, ou l’absence d’évolution, dans des domaines aussi importants que la révolution permanente des services qu’évoquait notre collègue Hervé Marseille, la nouvelle organisation régionale ou la gestion du corps préfectoral posaient plus d’interrogations que de certitudes, la commission des lois a émis un avis négatif sur les crédits de cette mission. Pour les détails, je vous renvoie à mon rapport écrit sur lequel l’intervention qu’il me sera donné de faire, au titre du RDSE, me permettra de revenir.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. André Gattolin et Philippe Kaltenbach applaudissent également.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Favier.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faire des économies sur les dépenses publiques est devenu le leitmotiv de nos débats budgétaires. Nous sommes placés sous les injonctions permanentes de la Cour des comptes et sous le regard sourcilleux de la Commission européenne, qui veille au respect de ses exigences. S’il s’agissait de combattre des gaspillages, tout le monde s’en réjouirait, et nous les premiers ; mais, en réalité, c’est l’organisation même de l’État et des services rendus qui est affectée.
Cette mission budgétaire relative à l’administration territoriale de l’État en est l’illustration. De la révision générale des politiques publiques aux schémas d’emploi des politiques de modernisation de l’action publique, la saignée a été constante. Ce sont donc des services affaiblis par les réformes précédentes et non encore stabilisés qui doivent aujourd’hui faire face à quatre chantiers simultanés qui affecteront leurs missions et leur fonctionnement.
Le premier concerne bien entendu les collectivités territoriales. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et celle portant nouvelle organisation territoriale de la République remanient profondément les missions des collectivités territoriales. Elles modifient, de ce fait, les relations entre les administrations déconcentrées de l’État et les collectivités territoriales ou leurs établissements publics.
Le deuxième grand chantier concerne le regroupement régional, qui affecte directement et au premier chef, bien sûr, les services des préfectures régionales, mais aussi les services des départements amenés à changer de rattachement régional. Ce changement de périmètre fait disparaître des préfectures régionales ou bouleverse l’organisation et les missions de leurs directions. Il casse les équipes de travail, les circuits décisionnels et de contrôle, et il contraint le personnel à une mobilité géographique et fonctionnelle souvent de grande ampleur. À cet égard, les tenants de la disparition du statut des fonctionnaires devraient réfléchir à ce que serait la conduite de tels projets si ceux-ci devaient se faire dans le cadre de la législation sociale des entreprises privées. En effet, il n’est pas sûr que, en respectant le code du travail, de telles transformations pourraient se faire dans les délais imposés.
Par ailleurs, ces deux réformes, que l’on pourrait considérer comme liées à des impératifs externes, se doublent de deux réformes internes. Néanmoins, toutes doivent être mises en œuvre de façon concomitante. En effet, la réforme de la carte des sous-préfectures – troisième chantier – se poursuit en s’étendant à de nouveaux territoires. En outre, elle devra s’inscrire dans le développement des maisons de l’État et des maisons de services au public, à partir d’un diagnostic partagé que les préfectures départementales devront conduire avec les conseils départementaux.
Enfin, tout cela devra se faire dans le cadre du quatrième chantier : le plan gouvernemental dit « Préfectures nouvelle génération », destiné à optimiser les services à la population.
Je ne suis pas sûr que le budget de cette mission soit à la hauteur de tous ces objectifs très ambitieux et, malgré tout, souvent discutables. Le rapport souligne d’ailleurs que, à périmètre constant, les crédits diminuent de 1, 7 % et que les effectifs baissent de 297 équivalents temps plein. Aussi, malgré l’amendement du Gouvernement, notre groupe ne votera pas ce budget.
Qu’il me soit permis, en conclusion, de regretter que de telles réformes des services préfectoraux se mettent en place sans que le Sénat ait eu réellement à en débattre. Certes, ces réformes ne relèvent pas du domaine législatif, mais elles auront de tels impacts dans les territoires qu’il est déplorable que la Haute Assemblée n’en ait jamais été vraiment saisie.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord très brièvement les moyens alloués au programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Cela a déjà été dit, il n’y a pas d’élection en 2016, ces crédits subissent donc une baisse importante – 77 % – mais complètement justifiée. Cette pause que nous connaîtrons en 2016 pourrait être mise à profit pour conduire une réflexion sur la manière de mieux organiser nos élections, afin de favoriser la participation et la mobilisation des citoyens.
Pour ce qui concerne la propagande électorale, je reste favorable à l’envoi de documents imprimés pour toutes les élections, mais d’autres questions restent en suspens, comme l’envoi de la carte électorale, les conditions d’établissement des procurations, le système d’inscription sur les listes, voire un jour peut-être le vote obligatoire... Tout cela est devant nous !
Concernant le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », l’augmentation des crédits tient, pour une bonne part, à des mesures de transfert, puisque les personnels de la sécurité routière et des services déconcentrés du ministère de l’écologie dépendront désormais du ministère de l’intérieur. Toutefois, cette augmentation de crédits trouve aussi son explication dans la mise en œuvre du plan de lutte contre le terrorisme. En effet, ces crédits sont principalement affectés à la sécurisation des réseaux et des télécommunications du ministère de l’intérieur et à l’amélioration des capacités opérationnelles de gestion de crise des préfectures.
Au total, plus de 19 millions d’euros sont prévus en 2016 dans cette mission budgétaire pour financer le plan de lutte contre le terrorisme. En outre, à la suite des événements récents, de nouveaux moyens supplémentaires vont venir renforcer ceux déjà mobilisés pour lutter contre le terrorisme. C’est l’objet de l’amendement déposé par le Gouvernement, dont nous débattrons tout à l’heure. Dès 2016, 67 postes supplémentaires vont être affectés au développement et au renforcement de l’ensemble des systèmes d’information et de communication participant à la lutte antiterroriste, au renforcement des effectifs chargés d’améliorer le contrôle et la traçabilité des armes, ainsi qu’aux services juridiques.
Cette mobilisation de moyens nouveaux bénéficiera également au dernier programme de cette mission, « Administration territoriale », puisque 185 postes seront dédiés au soutien des préfectures dans l’accomplissement de leurs missions en lien avec le terrorisme, en particulier dans le contrôle des armes, la prévention de la radicalisation – sujet cher à notre collègue Mme Goulet – ou encore la lutte contre la fraude documentaire. C’est aussi dans ce programme que s’opère une profonde réforme structurelle, dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération. Elle passe par la mise en place de plateformes régionales, interrégionales et nationales des titres, qui permettront de mutualiser un certain nombre de fonctions dans le domaine des cartes d’identité, des passeports, des permis de conduire ou encore des cartes grises.
Cette rationalisation, induite également par une numérisation croissante des services, permettra des transferts de personnel de bureau vers le terrain, tout en satisfaisant dans le même temps aux efforts budgétaires demandés par le redressement de nos comptes publics. Ce mouvement s’accompagnera d’une recentralisation des préfectures sur leur cœur de métier, à savoir l’ingénierie, la lutte contre la fraude, le contrôle de légalité et, en amont, l’accompagnement juridique des collectivités territoriales.
Cette réforme conduira en outre à une refonte de la carte des sous-préfectures. Elles seront supprimées là où les évolutions sociologiques et démographiques le justifient, quand d’autres seront créées, là où le besoin de présence de l’État se fait plus fort.
Par ailleurs, les maisons de l’État pourront se substituer à des sous-préfectures, avec un élargissement du périmètre d’intervention et des compétences interministérielles que les sous-préfectures n’avaient pas jusqu’alors.
Enfin, dans le cadre des schémas départementaux d’accessibilités des services au public, ce sont 1 000 maisons de services au public qui seront créées.
Vous le constatez, mes chers collègues, toutes ces mesures visent à renforcer le maillage des services publics territoriaux et à garantir la proximité.
Nos concitoyens y sont très attachés, ainsi que l’ensemble des sénateurs.
À noter également que, dans le cadre de ces mutations, une attention particulière est portée à la gestion des ressources humaines. En effet, toutes ces évolutions peuvent être de nature à susciter des inquiétudes chez les agents concernés. L’accent sera donc mis sur la formation et la mobilité fonctionnelle pour éviter de recourir à la mobilité géographique.
L’entrée en vigueur de la nouvelle carte des régions, le 1er janvier prochain, induira une nouvelle répartition des administrations régionales de l’État entre les anciennes capitales régionales et les nouvelles, qui auront un périmètre élargi. Il faudra bien sûr tenir compte des spécificités territoriales et économiques des régions avant la fusion, ainsi que des blocs de compétences.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce budget prépare l’avenir, en renforçant l’efficacité des services territoriaux de l’État pour une meilleure efficacité et une gestion plus rigoureuse des moyens. Nous le savons, l’État a moins de moyens, et il doit réorganiser ses services, utiliser le numérique, se décharger de missions qui peuvent être faites par d’autres, comme les cartes grises ou les cartes d’identité, et se concentrer sur le cœur de métier de ses services, en particulier le soutien aux collectivités.
Il faut également garantir un maillage suffisamment dense pour ne pas rompre le lien avec la population. Tel est l’objectif des maisons de services publics.
On le voit, l’État se réorganise et se réforme. Bien évidemment, le groupe socialiste soutiendra l’adoption des crédits de cette mission et votera l’amendement présenté par le Gouvernement.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de cette mission est au cœur de l’actualité. Il est en effet impacté par la poursuite du plan de lutte contre le terrorisme et par la modification de la carte des régions.
En matière de sécurité intérieure, je profite des efforts qui vont être menés en matière de sécurisation des réseaux du ministère de l’intérieur pour insister, à nouveau, sur la nécessité de renforcer la protection des sites internet des préfectures. Je rappelle que, durant l’été 2011, une dizaine de sites de préfecture ont fait l’objet d’attaques informatiques. Leurs conséquences ont été relativement limitées, mais, avec le développement de l’e-administration, que seront-elles demain, si ce type d’attaques venait à se reproduire ?
Concernant la refonte de la carte des régions, cette réforme était nécessaire, mais les conditions de son application laissent encore à désirer. À moins d’une semaine du premier tour des élections régionales, bien des effets concrets de ce redécoupage sont encore mal connus. Dans ce cadre assez nouveau, le rôle des préfets sera très important, surtout dans les régions qui pourraient être dirigées par des élus ayant, le cas échéant, une conception de l’égalité des citoyens devant la loi des plus restrictives.
Mais il y a aussi d’importantes réflexions à mener sur le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative ».
En 2015, le budget consacré à l’organisation des élections s’est élevé à 361 millions d’euros, une somme importante, mais indispensable au bon fonctionnement de notre vie démocratique.
Vouloir diminuer ce budget en dématérialisant la propagande électorale, comme le propose le rapporteur spécial Hervé Marseille dans un récent rapport, c’est à mon sens faire peu de cas de la fracture numérique qui perdure dans notre pays. Il n’y a pas seulement un problème d’équipement et de sécurisation des données personnelles ; il y a aussi un problème d’accès équitable à l’information et à la propagande électorale. En cas de dématérialisation, il faudra aller chercher l’information dans la jungle d’internet – c’est ce qu’on appelle, en informatique, la logique du « pull » –, là où nous sommes jusqu’à présent dans l’envoi universel et égalitaire du matériel électoral au domicile de chaque électeur – ce qu’on appelle, toujours dans le discours informatique, la logique du « push ».
Une fois de plus, si nous suivons les recommandations du rapporteur spécial, nous risquons fort d’éloigner un peu plus le citoyen de l’engagement électoral. Les Français ne déserteront plus les urnes, seulement par rancœur, mais aussi par manque croissant d’information.
En revanche, les écologistes sont favorables à une vraie réforme du financement public des partis. Comme vous le savez, une fraction importante de ce soutien est calculée sur la base du nombre de voix obtenues au premier tour des élections législatives. Or ce critère de calcul est très discutable et même profondément injuste, car il n’intègre pas les résultats des élections intermédiaires, celles qui se déroulent entre deux élections législatives. Paradoxalement, plus l’abstention est forte, plus l’État y trouve son compte en faisant des économies.
Je conclurai mon propos en rappelant que l’abstention aux législatives a progressé de plus de 20 points en trente ans et que l’inversion du calendrier électoral a accru la bipolarisation des votes, et donc la diminution du financement public dévolu aux petites et moyennes formations politiques, qui font aussi la richesse de notre vie démocratique.
MM. Pierre-Yves Collombat et François Marc applaudissent.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en quatre minutes, mon intervention ne peut relever que du témoignage… Je n’évoquerai donc que deux points : la fraude documentaire et les crédits dédiés aux cultes.
En ce qui concerne la fraude documentaire, la mission est dotée de 19 millions d’euros supplémentaires au titre de la lutte contre le terrorisme. C’est très bien !
Le programme de communication électronique des données de l’état civil, dit COMEDEC, est relatif à la lutte contre la fraude documentaire. Là aussi, c’est très bien, car, récemment, des problèmes ont été mis au jour sur ces questions.
Néanmoins, la France a signé, il y a déjà quatre ans, une convention de coopération dans le domaine de la sécurité avec la Turquie. Or elle dort dans les tiroirs de Mme Guigou, à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Il serait grand temps que cette convention soit ratifiée ! Cela nous aiderait vraiment, car, en Turquie, il y a un trafic de vrais-faux passeports, ou plus exactement de faux-vrais passeports, qui contribuent à laisser passer sur notre territoire des gens qui disposent d’un passeport valide. Ces documents sont purement et simplement pris sur des soldats syriens morts au combat, dont l’état civil n’est pas à jour.
Ce n’est pas la peine de lutter contre la fraude documentaire dans notre pays si nous ne sommes pas capables de le faire à la source. Je vous encourage donc chaudement, madame la secrétaire d’État, à demander à Mme Guigou de bien vouloir exhumer cette convention, dont je suis rapporteur et que le Sénat attend depuis tout ce temps. En cette période, je pourrais dire que je l’attends comme les enfants attendent Noël !
Le second problème que je souhaite évoquer se rattache à l’action n° 6 du programme 232, qui concerne notamment le culte.
Nous faisons face à un problème de financement et de statut pour les imams et les aumôniers, ce qui cause d’importants soucis, sans compter la question du financement des associations ou officines qui s’occupent de déradicalisation et d’encadrement des familles. À cet égard, j’ai déposé un amendement, dont nous discuterons tout à l’heure, visant à mieux encadrer ces associations et permettre de contrôler la validité de leur travail. Je suis extrêmement inquiète en ce qui concerne l’encadrement offert aux familles, tant des victimes que des jeunes gens radicalisés.
Enfin, je suis absolument hostile à la formation des imams et des aumôniers à l’extérieur du territoire national. Lors de la commission d’enquête sur les filières djihadistes que j’ai eu l’honneur de présider au Sénat, on nous a expliqué que nous disposions de moyens suffisants pour assurer cette formation sans violer la loi de 1905. Je n’ai malheureusement pas le temps de vous l’expliquer complètement, mais il suffirait, en gros, de rendre un peu plus transparent le circuit de la viande halal, qui est réparti entre trois mosquées et pour lequel il y a une opacité complète. Il faudrait alors négocier un prélèvement avec le Conseil français du culte musulman, de façon à ce que la communauté prenne en charge elle-même la formation des imams et des aumôniers. C’est le directeur de l’institut de formation qui nous a fait cette déclaration lors de son audition par la commission d’enquête sénatoriale. L’idée ne vient donc pas de moi !
Aujourd’hui, tout le monde tâtonne pour savoir quoi faire avec l’islam en France ou l’islam de France. Il est grand temps de régler ce problème !
En tout cas, sachez que je suis absolument opposée à ce que les imams et aumôniers soient formés en dehors du territoire national, comme cela est par exemple prévu dans une convention qui vient d’être signée avec le Maroc. Il faut un « islam de France », qui connaisse nos principes, notre exception de laïcité, nos règles et nos cultures. Les imams et aumôniers doivent également parler correctement le français. Cela permettra à celles et ceux qui appartiennent à la communauté musulmane, qui est composée à 99, 9 % de parfaits citoyens ayant totalement leur place dans notre République, de ne pas être stigmatisés à cause d’une poignée de radicalisés, dont je vous rappelle que plus de 30 % sont des convertis.
Ce sujet, comme celui des préfectures, est beaucoup trop sérieux pour que les sénateurs et les rapporteurs puissent les traiter dans le temps vraiment insuffisant qui leur est imparti !
Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je me limiterai, par la force des choses, à deux sujets : la réorganisation des services de l’État à la suite du redécoupage des régions et la gestion du corps préfectoral, thème que j’avais déjà abordé l’année dernière.
Tout d’abord, la réorganisation des services de l’État, qui pour l’essentiel devrait être achevée à la fin de cette année.
Première remarque : cette réorganisation des services régionaux de l’État s’est faite – par force – dans l’ignorance de la future organisation des services des conseils régionaux issus des élections prochaines. Reste à espérer que les deux organisations coïncideront toujours et partout.
Deuxième remarque : dans le but louable de réduire l’effet des pertes symboliques et économiques des capitales des régions qui disparaissent, ainsi que les aigreurs qui vont avec, le Gouvernement n’a pas fait le choix de regrouper l’ensemble des services au nouveau chef-lieu, ce qui aurait pourtant été l’occasion de réaliser les fameuses économies d’échelle dont on nous parle tant. À la place, il a décidé, d’une part, de maintenir un tiers des directions dans d’anciens chefs-lieux et, d’autre part, de regrouper les fonctions de programmation stratégique de chaque direction sur le site d’implantation principal, tout en organisant le reste sur plusieurs autres implantations spécialisées ou susceptibles d’intervenir sur plusieurs départements.
Cette organisation « multisites » me laisse un peu rêveur… Je vous donne un exemple : un courrier adressé à l’antenne bordelaise de la DRAAF, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, installée à Limoges, sera d’abord transmis à Poitiers si son traitement relève des fonctionnaires spécialisés qui y sont affectés, puis retourné à Bordeaux pour validation, avant transmission à Limoges pour signature du directeur. Pour qu’un tel système fonctionne, il est prévu une « véritable révolution culturelle », selon les termes du Gouvernement.
Cette réforme est « l’occasion de muter vers une administration 3.0 ». Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela veut dire, mais je souhaite en tout cas que cette mutation intervienne rapidement.
J’en viens maintenant au corps préfectoral et à sa gestion.
Malgré les apparences, à savoir l’abandon de la tentation de remplacer le corps des préfets par un cadre d’emploi fonctionnel, la suppression de la position hors cadre et la création des préfets conseillers du Gouvernement, on retrouve peu d’évolution quant à l’affirmation de ce qui devrait être, selon moi, l’essence de ce corps : le lien avec les territoires, leurs problèmes, ceux qui y vivent et les font vivre.
Aujourd’hui, on peut être nommé et titularisé préfet sans jamais avoir exercé de responsabilité territoriale ; il suffit que le Prince en décide.
Le fond du problème est non pas de savoir si la fonction confiée à ces préfets est utile ou non, car elle l’est généralement, mais de pouvoir mener une carrière de préfet sans lien avec le territoire. Ainsi, dans les trois mois précédant la suppression de la position hors cadre, ont été nommés préfets « chargés d’une mission de service public » : le chef de cabinet et un conseiller spécial du Président de la République, le chef de cabinet du Premier ministre et le directeur du Service d’information du Gouvernement, connu, paraît-il, pour être proche du Premier ministre. Le deuxième personnage du cabinet du Premier ministre a, quant à lui, été titularisé en tant que préfet en début d’année.
En revanche, sur les quatorze nouveaux préfets nommés depuis le début de l’année, seuls cinq sont des sous-préfets, alors qu’ils devraient être, à mon sens, les plus nombreux. Il en résulte que, au 1er octobre 2015, la moitié des préfets n’a pas d’affectation territoriale.
Ma conclusion est qu’en matière d’adéquation des talents aux besoins territoriaux de la « République irréprochable », on devrait pouvoir faire mieux !
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe CRC et du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les défis auxquels la République est aujourd’hui confrontée concernent l’ensemble de notre territoire. Dans ce contexte, les représentants et les agents de l’État, en particulier sur le plan territorial, sont aux avant-postes pour apporter des réponses, pour affronter les menaces et protéger nos valeurs. C’est pourquoi le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, a tenu à ce que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » apporte un soutien sans faille à l’ensemble des agents qui se consacrent à ces missions, dans un contexte de réforme territoriale, de mouvements migratoires historiques, de lutte contre le terrorisme et les idéologies meurtrières.
Le projet de loi de finances vise à donner à ces services les moyens durables d’assurer leurs missions. Parallèlement, le Gouvernement a engagé une réforme structurelle majeure des missions des préfectures et des sous-préfectures dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération, qui a été annoncé par Bernard Cazeneuve le 9 juin dernier. Ce plan doit permettre aux services de mettre en œuvre des réformes touchant le quotidien de nos concitoyens, c’est-à-dire non seulement la gestion des crises, des catastrophes naturelles, mais également la réforme du permis de conduire et des taxis.
L’amendement que le Gouvernement vous soumettra, qui s’inscrit dans le cadre du pacte de sécurité annoncé par le Président de la République, vise, quant à lui, à amplifier le renforcement de missions cruciales exercées par les services dans la lutte contre le terrorisme.
Sur le plan des effectifs, le projet de loi de finances et cet amendement constituent une inflexion majeure. Pour la première fois depuis 2006, il est prévu de récréer des postes dans le réseau territorial. À l’échelle de l’ensemble du territoire, si vous adoptez l’amendement du Gouvernement, les créations de postes nettes s’élèveront à 15, ce qui correspond à un renversement de tendance après une incessante réduction des effectifs depuis des années. Ainsi, il a été supprimé 3 700 effectifs depuis 2009, soit l’équivalent de douze à treize préfectures de taille moyenne. Ce mouvement avait déjà été freiné dans les précédents budgets, la réduction des effectifs ayant été limitée à 180 dans le projet de loi de finances pour 2015.
Cette inflexion s’est traduite en premier lieu par l’annonce le 9 juin dernier d’une réforme structurelle du réseau territorial au travers du plan Préfectures nouvelle génération. Ce plan vise à adapter de façon structurelle et durable les missions du réseau en matière de production et de délivrance des titres.
L’objectif de ce plan est de renforcer quatre points essentiels, qui sont autant de préoccupations importantes : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; les sécurités et la gestion locale des crises ; l’animation interministérielle des politiques locales, en particulier l’ingénierie territoriale pour permettre à l’État de se redéployer afin d’accompagner les projets des élus locaux, des chefs d’entreprise, des responsables associatifs, au plus près des besoins.
Cette réforme va s’appuyer sur l’innovation technologique, sur l’innovation dans la gestion des ressources humaines, puisqu’il y aura à la clé un travail important de formation et de réadaptation des personnels aux nouvelles tâches enrichies qui leur seront proposées, et sur les plateformes interdépartementales, qui seront consacrées à ces titres. J’ajoute que toutes ces réformes ont été discutées largement dans le cadre d’un dialogue social approfondi.
À travers cette réforme structurelle, il y aura une action au service des usagers. Il est en effet très important de répondre aux besoins de proximité qui se font sentir partout sur le territoire, notamment dans les zones rurales. C’est dans ce cadre que le ministre de l’intérieur a obtenu que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » soit renforcée, y compris récemment avec la mise en place du plan antiterroriste annoncé par le Premier ministre au début de l’année ou avec le plan de prise en charge des réfugiés datant du mois de juin.
Ainsi, le plan antiterroriste prévoit la création de postes au sein de la direction des systèmes d’information et de communication. Monsieur Gattolin, vous qui souhaitiez que nous insistions sur ce point, vous serez donc satisfait par la création de 33 emplois supplémentaires dès cette année et l’attention portée sur ces systèmes d’information, dont vous avez signalé le rôle et la nécessité.
De la même façon, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques a accueilli 5 agents supplémentaires, chargés de la gestion des nouvelles procédures d’interdiction d’entrée et de sortie du territoire prévues par la loi relative au renseignement.
En outre, dans le cadre du plan de prise en charge des réfugiés, les préfectures bénéficieront de 30 équivalents temps plein supplémentaires et la direction générale des étrangers en France recevra 10 renforts.
Enfin, le ministre de l’intérieur a souhaité que le pacte de sécurité annoncé par le Président de la République le 16 novembre dernier devant le Congrès soit l’occasion de renforcer, au sein des préfectures, les services chargés de la lutte contre la radicalisation – madame Goulet, il me semble que vous avez satisfaction sur ce point –, contre la fraude documentaire, le contrôle des armes et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Au total, nous aurons 370 postes de plus affectés dans le réseau territorial en deux ans, dont 185 dès 2016, et 95 agents de plus affectés dans les services centraux en deux ans, dont 67 dès 2016.
Pour marquer la reconnaissance du Gouvernement à l’égard des personnels de l’administration générale et territoriale de l’État et les soutenir dans l’exercice de leurs missions, le Gouvernement a mis fin à l’inégalité de traitement qui existait entre les personnels du ministère de l’intérieur et ceux des directions départementales interministérielles s’agissant du régime de rémunération des astreintes. Ces astreintes ont été revalorisées pour l’ensemble des personnels du ministère par arrêté du 3 novembre 2015.
Par ailleurs, vous le savez, le Premier ministre a confirmé qu’il mettrait en œuvre des mesures transversales au bénéfice de l’ensemble des personnels de la fonction publique, au terme de la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations.
Pour permettre aux agents de remplir leurs missions, le ministre a également souhaité un renforcement des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement. Le projet de loi de finances prévoit d’ores et déjà que les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » seront portés à 611, 5 millions d’euros, soit une progression de 1, 4 %. Cela va permettre d’améliorer les conditions de travail des personnels avec, par exemple, le regroupement de sept services dans l’immeuble neuf « Le Garance » situé dans le XXe arrondissement de Paris, ou encore avec la modernisation du centre de formation de Lognes.
Enfin, le pacte de sécurité voulu par le Président de la République se traduit par un renforcement substantiel des moyens d’équipement, d’investissement et de fonctionnement de l’administration générale et territoriale de l’État. L’amendement que je vais vous présenter tend à prévoir un supplément de crédits de 11, 5 millions d’euros dès 2016 pour amplifier le plan de modernisation des systèmes d’information et de communication – monsieur Gattolin, encore une fois, nous répondons à vos préoccupations –, ainsi que la sécurisation des sites du ministère.
En conclusion, je dirai que la volonté du ministre de l’intérieur, qui se manifeste dans cette mission, est bien de renforcer les services de l’État, sur le plan territorial comme sur le plan central, tant leur rôle est crucial pour protéger les valeurs de la République et de moderniser la présence de l’État dans les territoires.
Pour répondre à une question de M. le rapporteur spécial concernant les implantations de sous-préfectures, je précise qu’il est toujours prévu d’arriver au terme de cette réforme au 1er janvier 2017. M. le ministre de l’intérieur souhaite toutefois l’intégrer dans le schéma global que j’ai décrit précédemment, avec plus de proximité et le déploiement de nouveaux services à l’échelon infra-départemental. Il souhaite non pas un plan de suppression de sous-préfectures, mais le redéploiement des services de l’État au travers des sous-préfectures, des maisons de l’État, mais aussi des maisons de services au public, en relation avec les acteurs du territoire, pour mieux répondre aux collectivités et à nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
En euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Administration générale et territoriale de l’État
Administration territoriale
Dont titre 2
1 461 415 727
1 461 415 727
Vie politique, cultuelle et associative
Dont titre 2
25 632 000
25 632 000
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Dont titre 2
479 572 162
479 572 162
L'amendement n° II-252, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Administration territoriale
dont titre 2
4 483 475
4 483 475
Vie politique, cultuelle et associative
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
dont titre 2
2 330 548
2 330 548
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Cet amendement a pour objet de créer 252 postes, pour un montant de 6, 8 millions d’euros : 185 ETP au profit du programme « Administration territoriale » et 67 ETP au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».
Par ailleurs, hors dépenses de personnel, il est demandé l’ouverture de 11, 5 millions d’euros en autorisations de paiement et crédits de paiement répartis comme suit : 400 000 euros au profit du programme « Administration territoriale », pour permettre de couvrir les coûts de fonctionnement courants associés à la création de 185 postes, et 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement au profit du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », pour couvrir le renforcement des systèmes d’information et la sécurisation des sites de l’État.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous venez de nous apporter, lesquelles sont confirmées par l’amendement que vous présentez.
Comme cet amendement apporte une évidente réponse aux préoccupations exprimées par bon nombre des orateurs et des membres de notre commission, j’émets un avis favorable.
On ne peut qu’être d’accord avec cet amendement, dont l’objet est d’améliorer les crédits. Il n’en demeure pas moins que cette proposition reste largement insuffisante pour assurer la présence de la République sur l’ensemble du territoire en termes de services et de sécurité. C’est aussi une question de symbole : les préfets, les sous-préfets, les personnels et les services qui accompagnent le corps préfectoral représentent l’État !
On peut me dire tout ce qu’on voudra, il n’est pas acceptable, surtout au moment où notre pays vit une situation très difficile, de voir les services de l’État se dégarnir ! Il n’est pas acceptable d’assister à cet abandon des territoires !
Tous les prêchi-prêcha sur les valeurs de la République ne serviront à rien si on ne montre pas comment doit vraiment fonctionner la République : la promotion par le talent et la connaissance, et non par les connaissances…
Cet amendement du Gouvernement est de bon aloi, car il répond à une préoccupation que j’exprime depuis de nombreuses années : renforcer la cybersécurité des sites publics.
Je vois qu’une grande partie des sommes engagées seront affectées au renforcement des systèmes d’information et de communication participant à la lutte antiterroriste et à la sécurisation des sites de l’administration centrale du ministère de l’intérieur. Cela s’impose absolument, car si les sites des ministères sont déjà assez bien protégés, l’importance des enjeux aiguise la nécessité d’améliorer le dispositif de protection.
Reste que la lecture des différentes missions budgétaires m’est toujours source de quelque étonnement, car certains éléments pourraient être regroupés. Je pense, par exemple, à la mission « Direction de l’action du Gouvernement », qui englobe le budget de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, laquelle participe au gros effort fait en matière de sécurité informatique des sites ministériels.
L’indispensable protection de l’ensemble des opérateurs de l’État représente un chantier extrêmement long. Si cet amendement du Gouvernement, qui tend à renforcer les moyens, va nécessairement dans le bon sens, je crois que l’État n’y arrivera pas seul. La coopération entre le secteur public et le secteur privé, notamment avec certaines de nos sociétés informatiques et nos start-up les plus performantes, doit donc être renforcée. Il existe aujourd'hui en France tout un noyau d’entreprises, dont certaines, loin d’être exclusivement animées par l’intérêt de s’enrichir ou, pis, utilisatrices de méthodes peu déontologiques en matière d’information et d’intelligence informatique, font preuve d’un vrai sens citoyen. Nous devons, à mon avis, mobiliser toutes les énergies et renforcer la coopération avec ces opérateurs privés volontaires, aujourd'hui très motivés et mobilisés pour défendre la société française et la République.
Il serait bon, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres missions, d’améliorer la visibilité, car les crédits affectés à la sécurité informatique sont ventilés sur différentes missions. Nous n’avons là qu’une partie de l’investissement fait par l’État en matière de sécurité informatique des administrations.
Nous soutiendrons cet amendement, qui apporte 18 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du pacte de sécurité – c’est mieux que rien !
Je rejoins les points de vue exprimés par le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis de la commission des lois. Il est important de réaffirmer nettement la présence de l’État dans nos départements respectifs, car les élus, comme la population, sont très attachés au maillage de notre territoire, aux préfectures, aux sous-préfectures.
Les élus locaux se sentent de plus en plus isolés. Ce sont souvent les sous-préfets qui reçoivent les élus de base que nous sommes. Mais, il faut également le dire, les moyens humains se réduisent au fil du temps dans les sous-préfectures et les horaires d’ouverture sont de plus en plus étroits.
Notre groupe votera cet amendement, car il permet d’ouvrir 18 millions d'euros de crédits et de rétablir 252 postes.
Cela étant, ces moyens, qui ne sont rétablis que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, sont exclusivement consacrés à la sécurité de notre pays. Or les missions de l’administration territoriale dépassent largement les tâches uniquement sécuritaires. Cet amendement apporte la démonstration que nous pouvons sortir du carcan austéritaire du pacte de stabilité. Si on peut le faire dans ce domaine, j’espère que l’on pourra le faire dans d’autres ! En outre, ces 252 postes ne suffisent pas à rétablir les 297 postes qui ont été supprimés. Le solde reste donc négatif.
Pour notre part, nous considérons que les moyens actuellement alloués à l’administration territoriale de l’État restent très insuffisants, surtout quand on voit la grande misère dont souffrent aujourd'hui nos préfectures et sous-préfectures. L’appareil de l’État sur les territoires est très loin de pouvoir remplir les missions qui devraient être les siennes.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-278, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Administration territoriale
dont titre 2
Vie politique, cultuelle et associative
dont titre 2
Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Si je reviens à la charge, c’est parce que la prévention de la radicalisation est pour moi une préoccupation constante depuis que j’ai présidé la commission d’enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Je pense aussi au désarroi des familles et des victimes.
Madame la secrétaire d'État, je sais très bien que les outils de déradicalisation sont nouveaux. Il faut donc former les formateurs. Or, si on les forme mal, qu’ils interviennent au sein de l’éducation nationale, des services sociaux ou auprès des maires, vous n’aurez pas le personnel nécessaire pour signaler la radicalisation et encore moins pour la traiter.
Je souhaite vivement que vous puissiez évaluer les personnes qui sont actuellement sur le terrain en charge de cette déradicalisation. Un certain nombre d’effets d’aubaine bénéficient à l’évidence aux associations qui ont joué un rôle précurseur sur le terrain – en tout cas en titre, sinon en compétence. Si vous n’endiguez pas le problème à la source, ce n’est pas la peine de faire des frappes en Syrie, car les réseaux de Daech sur notre territoire continueront d’être alimentés. Je vous assure que des gens comme Mourad Benchellali ou Latifa Ibn Ziaten, récente lauréate du prix de la Fondation Chirac, nous expriment chaque jour leur isolement, leur manque d’outils, l’absence de coopération et de moyens pour travailler sur les questions de déradicalisation.
Je le sais, des appels d’offres ont été lancés par le ministère de l’intérieur. Je demande, par ce petit « ripage » de 150 000 euros, de disposer d’un outil de vérification. À défaut d’évaluation, nous avons des doutes absolus sur l’efficacité des mesures que vous mettez en place et qui sont pourtant absolument nécessaires pour endiguer ce fléau de plus de 7 500 radicalisés signalés à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste. Ce n’est pas la peine que tout le monde fasse ce travail et que l’UCLAT tienne les comptes des signalements qui augmentent chaque mois si l’on ne peut pas évaluer les moyens mis à son service !
Ma chère collègue, vous avez mis en évidence un problème qui nous interpelle évidemment tous. Nous partageons votre souci sur ce sujet que vous connaissez bien pour avoir mené une importante mission. Pour autant, la somme dont il s’agit est à la fois trop et pas assez importante pour le sujet en question, qui nécessite une politique globale. Des efforts ont été mis en œuvre – Mme la secrétaire d'État en a parlé à l’instant –, il faut encore les poursuivre et les prolonger.
L’étude en elle-même apportera un résultat assez marginal par rapport à la politique globale que vous avez énoncée et qui doit être mise en œuvre. C'est la raison pour laquelle, sans méconnaître votre préoccupation, la commission vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable. Je considère que le sujet est plus important que l’étude en elle-même, laquelle peut, au demeurant, sans doute être menée par les services du ministère de l’intérieur.
Madame la sénatrice, le ministre de l’intérieur, comme tout le monde ici, partage pleinement vos préoccupations quant à la déradicalisation. Des moyens y sont consacrés, comme M. le rapporteur spécial vient de le rappeler. Par ailleurs, le ministre de l’intérieur a indiqué qu’il était prêt à venir, en commission, détailler avec précision les moyens employés et les résultats obtenus.
Les actions de prévention de la radicalisation sont confiées à des associations financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance ; elles sont choisies par appels à projets et sont soumises à un cahier des charges. Au regard de cette méthode, une évaluation nationale est mise en œuvre par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance. Celui-ci rend des comptes à l’administration, ce qui permet à celle-ci d’avoir accès à des avis extrêmement précis et à des évaluations sur non seulement l’utilisation des crédits, mais aussi les résultats obtenus grâce aux actions engagées par lesdites associations.
Les services de renseignement, qui suivent les parcours de ces personnes, sont également en mesure de juger des résultats obtenus. Ils le font d’une autre façon, ce qui offre à l’administration un regard différent et des critères supplémentaires d’appréciation.
Enfin, je tiens à citer l’équipe mobile d’intervention, qui a été commissionnée, là encore, par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance, pour déradicaliser des jeunes dans le cadre d’un appel à projets de 600 000 euros. On évalue à 234 le nombre de jeunes qui, grâce à son action, se sont désengagés de la radicalisation et à 50 le nombre de repentis.
Je mesure bien ce que vous pourrez répondre à ces éléments et à ces données. Toutefois, le Gouvernement entend poursuivre l’effort d’amplification de ce travail déjà largement engagé, par des outils de suivi et de mesure des résultats.
Au vu de cet objectif partagé, de ces actions engagées et de la proposition de M. le ministre de venir s’expliquer devant votre commission, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; faute de quoi, l’avis sera défavorable.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de vos explications. Il se trouve cependant que j’appartiens à la commission des affaires étrangères et de la défense. Si M. le ministre de l’intérieur vient s’expliquer devant la commission des finances, je risque d’être quelque peu frustrée…
Néanmoins, je retiens son invitation à venir rencontrer ses services. Lorsque nous serons dans une période un peu moins troublée et que chacun aura repris un rythme de travail normal, et une fois que les nouveaux services rendus possibles par ces nouveaux crédits auront été mis en place, je ne manquerai pas de revenir vers le Gouvernement pour lui demander à rencontrer le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance. Je vous assure qu’il y a dans ce domaine des effets d’aubaine absolument intolérables compte tenu de l’importance du sujet.
Cela étant, je retire mon amendement.
L'amendement n° II-278 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits, modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.