Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens ici non plus en tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, mais en tant que membre du groupe écologiste sur l’ensemble de la mission « Immigration, asile et intégration ».
J’attirerai votre attention sur plusieurs points concernant le volet asile.
Il demeure essentiel d’assurer la mise en œuvre de la réforme de l’asile engagée dans le cadre de la loi du 29 juillet 2015. Dans le contexte de forte contrainte budgétaire actuelle, les efforts engagés pour garantir l’exercice du droit d’asile méritent d’être salués, et le groupe écologiste ne peut que s’en féliciter.
Le dispositif national d’accueil restera toutefois insuffisant pour garantir des conditions d’accueil et un hébergement à tous les demandeurs d’asile, vu la sous-budgétisation en la matière depuis des années.
Cette réalité a, d’une part, des conséquences sur la qualité de la prise en charge des demandeurs d’asile. Elle conduit, d’autre part, à dégrader leurs conditions de vie. Il est pourtant essentiel d’organiser un accueil digne et humain pour les réfugiés.
Il est particulièrement regrettable que l’État se soit vu condamné par le Conseil d’État pas plus tard que la semaine dernière pour sa mauvaise gestion de la situation à Calais. Les juges du Palais royal ont ainsi considéré que les conditions de vie des migrants dans la « jungle » étaient « de nature à exposer ces personnes, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2016, M. le ministre avait rappelé la mobilisation du Gouvernement pour faire face à la situation à Calais. Il avait d’ailleurs affirmé que « la résolution de la situation à Calais, dans un contexte extraordinairement difficile, implique de la persévérance, de l’opiniâtreté, de la constance et de la maîtrise ». S’il est vrai que nul ne peut se targuer d’avoir une solution toute faite pour faire face à cette situation, nous devons nous assurer qu’une réponse humanitaire adaptée soit apportée.
Le contexte migratoire est certes difficile, mais il ne doit pas justifier que les migrants soient exposés à des conditions de vie peu dignes.
Les écologistes refusent que les demandeurs d’asile comme les migrants soient délaissés dans un climat anxiogène, propre à l’insécurité, lequel exacerbe incontestablement les tensions.
Depuis le 29 octobre dernier, 134 personnes ont été placées au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes en cinq convois, dont le dernier le 15 novembre. La plupart d’entre elles avaient été arrêtées à Calais et quelques-unes, qui comptaient se diriger vers Calais, le furent dans des gares parisiennes. Elles sont toutes arrivées au centre de rétention administrative en faisant l’objet d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, 118 personnes, parmi lesquelles, notamment, 17 Syriens, 25 Érythréens et 27 Irakiens, sont issues de pays d’origine non sûrs. Dix-neuf personnes sont encore là, sans comprendre pourquoi d’autres ont été libérées et pas elles. Des ressortissants irakiens, syriens et érythréens y sont toujours retenus.
Répondant à ma récente question au Gouvernement sur ce sujet, M. le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, avait omis de donner les vraies raisons de cette rétention, évoquant juste une vérification de l’identité des personnes envoyées au centre de rétention administrative. Elles arrivent pourtant sous le coup d’une OQTF. Les OQTF qui sont délivrées par la préfecture du Nord-Pas-de-Calais comportent une restriction : les personnes venant de Syrie, d’Irak et d’Érythrée ne peuvent pas être expulsées. Pourquoi enfermer dans un CRA des personnes non expulsables ? S’agit-il seulement de désengorger quelque peu Calais ?
Je tiens à rappeler que, sur les 134 personnes arrivées au CRA de Paris-Vincennes, une seule a été éloignée : il s’agit d’un Albanais, l’Albanie faisant partie des pays sûrs. J’espérais que M. Cazeneuve apporterait aujourd'hui des réponses plus argumentées à mes interrogations. Mais peut-être le ferez-vous à sa place, madame la secrétaire d’État ?
Pour conclure, nous sommes prêts à soutenir le budget alloué à la mission « Immigration, asile et intégration », tout en souhaitant l’amélioration des conditions d’accueil de ces réfugiés – je pense notamment au raccourcissement des délais de traitement des dossiers – et de leur hébergement.