Intervention de Jean-Marie Morisset

Réunion du 30 novembre 2015 à 21h00
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Jean-Marie MorissetJean-Marie Morisset :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le maintien et le développement de l’agriculture dans ses formes collectives.

La crise structurelle, qu’ont illustrée les manifestations de l’été dernier, nécessite de trouver des solutions pragmatiques et de simplifier règles et normes pour la profession agricole.

Dans de nombreuses régions, en particulier dans les terres d’élevage, l’agriculture a besoin de regrouper ses moyens, de constituer des formes collectives permettant de partager les matériels, le temps, l’espace et les investissements.

Les groupements agricoles d'exploitation en commun, les GAEC, constituent ces structures collectives et mutualisées où se croisent la solidarité et l’efficience économique, tout en améliorant les conditions de travail et de vie, notamment familiale.

Monsieur le ministre, vous avez signé un décret permettant l’application de nouveaux critères européens de transparence en matière de calcul des aides de la PAC pour les GAEC. Malheureusement, certaines régions, pour des raisons plus militantes qu’économiques, en limitent la portée. Ainsi, dans la région Poitou-Charentes, les aides sont plafonnées à 35 000 euros, dans la limite de trois associés. Un GAEC de trois associés ou plus, hypothèse qui n’est pas rare, se trouve donc pénalisé par cette disposition.

Une évolution du calcul de ces aides doit être négociée avec les régions et admise par celles-ci, afin de ne pas rendre caduque l’avancée en droit européen et français que vous avez bien défendue et que vous avez bien voulu rendre effective.

D’autres interrogations demeurent sur ces formes collectives.

Je pense aux 11 545 CUMA, qui représentent 224 300 adhérents.

Monsieur le ministre, vous indiquiez dernièrement que « la mutualisation du matériel agricole par l’intermédiaire des CUMA concourt à l’objectif de limitation de la consommation des espaces agricoles, avantage auquel s’ajoute l’intérêt économique pour les exploitations, qui peuvent ainsi réduire leurs charges opérationnelles ». Nous ne pouvons que souscrire à ces propos.

Toutefois, comme vous le savez, l’installation des CUMA, pourtant implicitement liée aux besoins de l’activité agricole, est toujours contrainte par leur statut juridique – et par lui seul. En effet, ces coopératives sont considérées, en droit, comme des prestataires de services, et non comme des entreprises agricoles, et leur installation dans les zones agricoles de nos communes rurales n’est pas possible. Alors que ses adhérents sont des exploitants agricoles, la CUMA ne peut pas construire ou étendre des bâtiments pour stocker le matériel dans des zones agricoles.

Au mois de mars dernier, dans un courrier, vous m’indiquiez que « les services déconcentrés étaient sensibilisés à cet enjeu ». Vous souligniez également qu’« une jurisprudence récente avait considéré que les projets des CUMA visant au stockage de matériel agricole étaient bien nécessaires à l’activité agricole et pouvaient donc être implantés dans des zones agricoles ». Vous confirmiez également que « les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, les STECAL, mis en place par la loi ALUR, permettaient ces installations ». Enfin, vous précisiez que, « afin de limiter toute ambiguïté sur l’interprétation du code de l’urbanisme (...), un travail était en cours de finalisation avec les services du ministère chargé de l’urbanisme, conduisant à une modification réglementaire. »

La jurisprudence récente n’est pas source de confiance et de stabilité. Elle suscite de l’incertitude et conduit à un climat non apaisé dans les relations entre administrations et pétitionnaires. Dans ces conditions, il est nécessaire de confirmer des choix politiques.

Quant aux STECAL, vous le savez, ils demeurent exceptionnels et limités. Ils nécessitent de revoir des documents d’urbanisme, ce qui peut être long en ces temps de révisions générales tous azimuts – nouveaux périmètres des intercommunalités, plans locaux d’urbanisme intercommunaux, schémas de cohérence territoriale, autres schémas divers…

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger de nouveau sur le sujet : qu’en est-il de l’évolution réglementaire entérinant la jurisprudence que l’on attend depuis si longtemps et dont tout le monde convient qu’elle est nécessaire ? Celle-ci pourra-t-elle être étendue aux silos des coopératives ? C’est une question que se posent les acteurs du monde de la coopération. En effet, considérées comme des entreprises de négoce, les CUMA ne peuvent s’installer que dans des zones artisanales, consommant en cela du foncier viabilisé et coûteux du fait de leur périmètre de protection. Cette situation entraîne souvent des déplacements d’engins agricoles inappropriés dans lesdites zones économiques. Nous avons donc tout intérêt à permettre l’installation des CUMA en zones agricoles, diminuant, ainsi, leurs incidences foncières et environnementales !

Toujours dans le domaine foncier, et dans la continuité de l’activité agricole, de nombreux exploitants cherchent à développer et à diversifier leurs activités, mais en restant dans le cadre agricole : création d’hébergements touristiques, transformation et vente sur leurs exploitations… Afin de diminuer les risques financiers, ils créent souvent des sociétés distinctes de l’entreprise agricole.

En agriculture, ce choix interdit la réhabilitation et la construction de bâtiments en secteur agricole pour accueillir cette diversification. Pourtant, cette dernière est bien en lien direct avec l’activité principale et la nature du site !

Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de mener une réflexion sur cet enjeu, en associant les représentants du monde agricole, afin de trouver des solutions pertinentes.

Soyons pragmatiques ! Simplifions notre droit sans le galvauder pour faciliter le développement de nos activités agricoles.

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