Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du 19 mai 2016 à 14h45
Instauration d'un revenu de base — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Baptiste LemoyneJean-Baptiste Lemoyne :

Oui, madame Bricq, il s’agit bien d’un débat d’actualité sur l’articulation des différents niveaux de négociation collective, du terrain vers le haut.

La proposition de résolution n’évoque pas la contribution des personnalistes, dans les années trente, autour d’Emmanuel Mounier ou d’Alexandre Marc.

Face à la crise, que ce dernier décrit comme la rupture entre élites et masses, le schisme social, un étatisme envahissant – ce qui nous parle aussi aujourd’hui –, le fédéralisme global qu’ils élaborent a vocation à s’appliquer dans tous les ordres : dans l’ordre politique, avec la valorisation des communes, des « petites patries » ; dans l’ordre économique, avec la valorisation d’une association harmonieuse entre le capital et le travail ; dans l’ordre social enfin, avec ce minimum social garanti.

Nous sommes donc à la confluence de Pierre-Joseph Proudhon, d’Albert de Mun et de Fernand Pelloutier, le promoteur des bourses du travail et de la libre association de producteurs.

Pour les personnalistes, et je sais que notre collègue Yves Pozzo di Borgo s’attache à mieux faire connaître ce courant de pensée, le minimum social garanti est une condition de départ pour atteindre et concrétiser une véritable dignité pour chacun.

C’est le fondement pour que l’homme soit un être libre, responsable et créateur. Le revenu de base libère, donne la capacité d’oser, de prendre des risques.

Les libéraux ont, eux aussi, vu le caractère émancipateur du revenu universel. Maurice Allais et Milton Friedman, cela a été dit, en ont largement débattu. Gaspard Koenig remet aujourd’hui le concept au goût du jour avec son LIBER.

Pour eux, il s’agit non pas tant d’une somme distribuée à tous que d’un crédit d’impôt universel, dans lequel la simple soustraction du montant du revenu de base, déterminé en fonction des besoins fondamentaux, aboutit soit à une contribution nette à la collectivité pour les plus hauts revenus, soit à un impôt négatif versé directement par l’État pour les plus faibles revenus.

Ce système a pour intérêt, et la proposition de résolution l’évoque, de considérables simplifications et une réduction des coûts bureaucratiques. En poussant la logique jusqu’au bout, le pendant d’un revenu universel pourrait aussi être un impôt universel, fût-il symbolique. On est là également dans la cohérence.

On le constate, d’un point de vue théorique, tout cela est riche et intéressant. Toutefois, en tant que législateurs et évaluateurs des politiques publiques, il nous revient de penser la mise en œuvre, le passage de la théorie à la pratique, avec toutes les difficultés, les complexités déjà évoquées.

Du coup, nos convergences ne sont-elles pas dues au fait que nous en restons aux généralités ? Dès lors qu’il faudra mettre un chiffre derrière ce revenu de base, nos divergences ne risquent-elles pas de ressurgir ? Ce revenu doit être suffisant pour couvrir les besoins de base sans inciter pour autant à l’inactivité, car l’activité et le travail sont une façon de se réaliser.

Les questions du périmètre et du montant du revenu de base sont posées. Les travaux de la mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France permettront d’y répondre.

D’autres interrogations se font jour. C’est la raison pour laquelle nous devons être attentifs aux expérimentations qui se mettent en place ici et là, en particulier en Europe. On a parlé de la Finlande et des Pays-Bas, ce qui me paraît plus pertinent que d’évoquer l’Inde ou la Namibie, exemples un peu moins « vendeurs » aux yeux de nos administrés.

On le constate, le revenu universel peut et doit être un outil de libération permettant à chacun de devenir entrepreneur de lui-même. C’est à la fois banal et révolutionnaire. Alors aux actes, citoyens !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion