Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 31 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Article 1er

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

En application des articles 723-37 et 723-38 du code de procédure pénale, la commission régionale de la rétention de sûreté, ou plus exactement la juridiction régionale de la rétention de sûreté - cette nouvelle dénomination ayant été adoptée hier - pourra prolonger une décision de placement sous surveillance judiciaire ou sous surveillance électronique mobile, et ce indéfiniment.

Jusqu'à présent, ces obligations ne pouvaient excéder la durée correspondant aux réductions de peine.

Sur le plan des faits, la commission des lois n'a pas manqué de souligner les difficultés, pour une personne, de demeurer, dans la durée, sous surveillance électronique. Du point de vue du droit, elle n'a pas manqué de pointer les contradictions et les risques d'inconstitutionnalité, notamment au regard du principe de non-rétroactivité des lois.

Cependant, tenant malgré tout à valider ce projet de loi, elle a tenté de contourner la difficulté en proposant de modifier les dispositions de ce paragraphe III. Toutefois, - et c'est inévitable - on demeure dans la confusion.

Je rappelle que si, dans sa décision en date du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a indiqué que la surveillance judiciaire pouvait être rétroactive, c'est parce qu'elle est « limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné, qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ». On sort pourtant ici de ce cadre, puisque la commission régionale pourra prolonger ce qui est donc une modalité d'exécution de cette peine, après le jugement.

La commission des lois propose donc de reconnaître la spécificité des décisions prises après la peine, en supprimant la notion de « prolongation » et en définissant le dispositif comme une « surveillance de sûreté ».

Ainsi, même dans le cas où la juridiction qui est à l'origine de la condamnation aura prévu, en fin de peine, la possibilité d'appliquer la mesure de sûreté envisagée, l'appréciation fondant la décision de la commission régionale ne se fera pas sur la base d'un fait commis au moment de cette décision. Retenir cette disposition reviendrait à accepter que la juridiction d'origine, en l'occurrence la cour d'assises, délègue une partie de son pouvoir à une commission, même si cette dernière est désormais dénommée « juridiction ».

J'ajoute qu'il est pour le moins bien difficile, pour une cour d'assises, d'apprécier au moment du jugement la dangerosité et la nécessité de soins au moins quinze années plus tard. Qu'est-ce qui prévaudra ? Le principe de précaution ou le risque d'erreur de l'estimation ?

En tout état de cause, la mission de la justice, et donc son intervention, s'arrête quand prend fin la peine, en ayant apporté une réponse à l'infraction commise. En l'occurrence, aucune infraction n'est exigée et la peine est achevée.

En conséquence, la juridiction régionale, même composée de trois magistrats de l'ordre judiciaire, ne saurait être considérée comme une juridiction à proprement parler : elle relève du domaine administratif. Or une instance administrative ne saurait remettre en cause une décision juridictionnelle.

Par ailleurs, les manquements à l'obligation de la surveillance judiciaire pourront être sanctionnés par la rétention de sûreté. Seront donc concernées les personnes actuellement détenues. Voilà une autre manière de faire revenir la rétroactivité de cette loi par la petite porte !

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer le paragraphe III.

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