Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 31 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Article 12

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Cet amendement a pour objet la suppression d'une partie de l'article 12, qui est, selon moi, l'un des articles les plus importants et les plus dangereux de ce projet de loi.

Il vise en effet à inscrire le principe de la rétroactivité de la loi dans le temps, dans le mépris le plus total de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La mesure concernée est non pas une mesure, mais une peine. Tant que le système que vous nous proposez, madame le garde des sceaux, ne remplira pas les conditions qui en feront une modalité d'exécution de la peine, la rétroactivité de la loi pénale sera anticonstitutionnelle.

Dans sa décision relative au placement sous surveillance électronique mobile, le Conseil constitutionnel avait considéré, je vous le rappelle, que cette mesure n'était pas contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale garanti par l'article 8 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen, en se fondant sur trois critères.

Tout d'abord, le but de la mesure est de prévenir une récidive. Elle repose non pas sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité.

Ensuite, la mesure est limitée à la durée des réductions de peine dont a bénéficié le condamné, ce qui en fait une modalité d'exécution de la peine initiale.

Enfin, la mesure est ordonnée par la juridiction de l'application des peines.

Ainsi, ces critères cumulatifs, si nous les appliquons à la mesure de rétention de sûreté que vous nous proposez, nous permettent de conclure que cette dernière est anticonstitutionnelle.

Elle s'ajoute en effet au quantum de la peine prononcée par la juridiction de jugement. Elle est donc non pas une modalité d'exécution de la peine, mais bien une peine supplémentaire.

Je citerai, pour conclure, le rapport intitulé « Réponses à la dangerosité » de M. Jean-Paul Garraud, député de l'UMP, à propos de la mise en place de centres fermés de protection sociale, soit l'équivalent des centres que vous souhaitez créer : « Le placement en centre fermé de protection sociale présente plusieurs caractéristiques qui sont de nature à le faire entrer dans la catégorie des ? sanctions ayant le caractère d'une punition ? au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce qui aurait pour effet de soumettre la loi nouvelle à l'exigence de non-rétroactivité des peines et des sanctions résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. » Ce n'est pas moi, mais c'est un député de votre majorité qui le dit mot pour mot !

Or, dans le projet de loi, il s'agit bien d'une privation totale de liberté qui s'ajoute à la peine initiale. Cela signifie qu'une rétroactivité s'applique, ce qui est contraire à nos principes.

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