Avant de présenter cet amendement, je voudrais rappeler un certain nombre de points et répondre à certaines interprétations à mon avis erronées qui ont pu se faire jour sur ce sujet.
J’ai déjà eu l’occasion de rappeler mon attachement plein et entier à la création musicale francophone, dont je veux saluer la vitalité et le rayonnement, et au système des quotas, qui, depuis plus de vingt ans, a fait la preuve de son efficacité, au-delà même du seul secteur de la musique.
Le dispositif que je vous présente au travers de cet amendement ne marque aucunement un retrait à cet égard ; au contraire, il vise à rendre ce système pleinement effectif.
Je relève d’abord que la quasi-totalité des représentants de la filière musicale – auteurs, artistes et producteurs – ont publiquement exprimé leur soutien à cet amendement de compromis, en soulignant qu’il permettrait d’améliorer la diversité de l’offre musicale tout en « présentant une ambition forte pour la francophonie ».
Mais, ne voulant pas m’en tenir à cet argument d’autorité, je souhaite vous convaincre, sur le fond, que cet amendement est inspiré par un unique objectif : renforcer le dispositif en assurant son application effective, de sorte que la création musicale francophone, dans toute sa diversité, soit mieux exposée.
Renforcer les quotas, c’est faire en sorte qu’ils ne puissent être dévoyés par une concentration excessive des titres diffusés pour satisfaire à cette obligation.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu, depuis le début des travaux parlementaires, le plafonnement des rotations introduit à l’article 11 ter. Cette disposition vise à empêcher qu’une radio puisse remplir les deux tiers, voire les trois quarts de ses quotas avec les dix mêmes titres.
Cette disposition a été modifiée par votre commission, qui a autorisé le CSA à y déroger, sans encadrer en aucune façon cette possibilité. Il serait donc paradoxal de reprocher au Gouvernement de vouloir affaiblir les quotas, alors que l’amendement adopté par votre commission peut être considéré comme un recul à cet égard dans la mesure où, faute d’encadrement, la mise en œuvre de son dispositif les fragiliserait.
Je vous propose donc de revenir sur cet amendement, qui risque de vider de sa substance le plafonnement des rotations. Je rappelle que ce dispositif, voté en des termes identiques par les deux assemblées, a pour objet de mieux exposer la création musicale francophone dans toute sa diversité.
Renforcer les quotas, c’est aussi permettre leur application effective, en les adaptant à la diversité des formats qui font la richesse de notre paysage radiophonique. C’est l’objet des deux dispositions introduites, sur l’initiative du Gouvernement, en seconde lecture à l’Assemblée nationale.
La première – je n’y reviens pas au travers de cet amendement – instaure un régime dérogatoire pour les radios spécialisées dans la « découverte musicale ». Ce régime concernera un petit nombre de radios, qui répondent à des critères exigeants et sont indispensables à la richesse et à la diversité du paysage radiophonique français. Le format de ces radios est très spécifique et caractérisé par une très grande diversité de programmation ; le système actuel de quotas n’y est pas pleinement adapté. Je propose donc de rétablir ce régime dérogatoire que votre commission a supprimé.
La seconde disposition, qui a également été supprimée par votre commission, concerne la faculté de modulation des quotas.
Je veux rappeler que c’est ici même, en première lecture, que la possibilité d’une modulation a été pour la première fois discutée. Cette disposition a ensuite été reprise par l’Assemblée nationale, dans une version mieux encadrée. Votre commission a souhaité supprimer cette faculté de modulation, au motif qu’elle porterait en elle le risque d’un affaiblissement généralisé des quotas. Or il n’en est rien : la modulation, dès lors qu’elle est clairement définie et précisément encadrée, vise au contraire à les rendre plus efficaces, tout en incitant les radios à mieux exposer la diversité de la création musicale. Elle est donc le complément naturel du plafonnement des rotations de titres.
Tel est le sens de l’amendement que je vous présente ce soir : encadrer plus clairement le champ d’application de la modulation, qui sera réservée aux seules radios musicales, en fonction de l’originalité de leur programmation ; clarifier l’encadrement de l’utilisation par le CSA de cette faculté de modulation, qui sera plafonnée à cinq points et proportionnée en fonction des engagements de diversité musicale souscrits –les critères seront définis dans une délibération du CSA, prise après consultation publique ; enfin, et cela répond à une demande très forte de la filière musicale, fixer par la loi deux critères quantifiés précis, s’agissant du taux de nouvelles productions et du taux de rotation maximal. Nous avons trouvé avec les acteurs de la création une solution à une situation, dénoncée depuis plus d’une quinzaine d’années, d’insuffisante prise en compte de la diversité musicale. Je pense que nous pouvons nous en féliciter.
En conclusion, je vous demande de ne pas affaiblir les quotas en vidant de sa substance le plafonnement des rotations. Le texte du Gouvernement permettra de renforcer les quotas par le rétablissement du plafonnement effectif des rotations et de promouvoir la diversité musicale par une modulation précisément encadrée, assortie de critères objectifs. Mais la modulation, ne l’oublions pas, n’est pas un objectif en soi, et les radios qui ne souscriraient pas aux engagements se verront simplement appliquer les quotas actuels, qui seront désormais effectifs.