Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 31 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Article 12, amendements 77 12

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

Cet amendement comporte deux dispositions à caractère transitoire, dont la seconde est d'ailleurs plus importante que la première.

En premier lieu, cet amendement adapte la mesure qui prévoit que les dispositions relatives à la prolongation des obligations de la surveillance judiciaire sont applicables à compter du 1er septembre 2008.

Le choix de cette date est lié au délai de mise en place du centre socio-médico-judiciaire de sûreté, structure dont l'ouverture est prévue le 1er septembre 2008 au sein de l'Établissement public de santé national de Fresnes.

Cependant, on ne peut exclure que, dans l'intervalle qui sépare l'entrée en vigueur de la loi et le 1er septembre 2008, la surveillance judiciaire imposée à certaines personnes entrant dans le champ d'application du texte arrive à son terme, la durée correspondant aux réductions de peine étant écoulée.

Il ne serait plus possible alors de placer ces personnes sous surveillance de sûreté, puisque cette procédure constitue une prolongation des obligations de la surveillance judiciaire, mais ne saurait en revanche être imposée à une personne qui ne serait plus sous ce dispositif de contrôle.

Afin d'éviter que des personnes, pourtant très dangereuses, puissent échapper à tout dispositif de contrôle dans les mois à venir, il nous semble souhaitable de permettre l'application immédiate de la surveillance de sûreté.

En cas de manquement grave à ces obligations, la personne pourrait être placée jusqu'au 1er septembre 2008 dans un établissement visé par l'article L. 6141-5 du code de la santé publique, c'est-à-dire un établissement public de santé spécifiquement destiné à l'accueil des personnes incarcérées. Il pourrait s'agir de l'établissement public de Fresnes ou d'une unité d'hospitalisation sécurisée interrégionale, UHSI.

En second lieu, point sur lequel la commission est plus vigilante car il lui paraît plus important, cet amendement permet, à titre transitoire, d'imposer une observation, dans un centre chargé de l'observation des détenus, aux personnes qui sont condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées par l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

Autrement dit, nous avons voté hier une disposition prévoyant la nécessité de procéder à une évaluation dans l'année qui suit l'incarcération, disposition judicieuse pour ceux qui seront incarcérés demain. Mais il serait dommage que les personnes déjà incarcérées, qui ont été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes visés par le présent projet de loi, échappent à cette évaluation, à laquelle, je le rappelle, chacun a intérêt, la société tout autant que le condamné.

C'est la raison pour laquelle la commission propose d'adapter cette obligation d'évaluation pour les personnes déjà condamnées.

J'en viens à l'avis de la commission sur les différents amendements et sous-amendements.

En ce qui concerne l'amendement n° 77, qui tend à la suppression totale de l'article 12, la commission émet un avis défavorable. Même ceux qui n'adhèrent pas à l'ensemble de cet article estiment cependant que certaines de ses dispositions méritent d'être retenues.

L'amendement n° 41 est contraire à la position de la commission car il vise à supprimer des paragraphes pour lesquels elle propose une nouvelle rédaction. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 78 rectifié ter, qui propose une nouvelle rédaction du II de l'amendement n° 29, présente deux mérites incontestables.

En premier lieu, il tient partiellement compte de l'amendement de la commission, puisqu'il prévoit que la personne peut être soumise à une assignation à domicile. En outre, s'il ne retient pas le principe de la mesure de déplacement surveillé figurant dans l'amendement de la commission, il lui substitue le régime du placement sous surveillance électronique mobile, ce qui peut parfaitement se concevoir. Il maintient néanmoins la faculté d'appliquer la rétention de sûreté immédiatement après la peine de réclusion pour les personnes actuellement détenues pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi.

En second lieu, ce sous-amendement s'efforce de maintenir un lien de causalité entre la décision de condamnation et la rétention de sûreté afin de respecter, notamment, les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, la rétention de sûreté ne serait applicable que si la chambre de l'instruction avertit la personne condamnée que sa situation pourra faire l'objet d'un réexamen en vue d'une telle rétention.

Le sous-amendement ne règle pas le problème de la rétroactivité, si ce n'est en considérant que, s'agissant d'une mesure de sûreté, cette question ne se pose pas.

Les auteurs du sous-amendement ayant fait valoir l'impérieuse nécessité de protéger les victimes potentielles des criminels les plus dangereux, une majorité des membres de la commission se sont ralliés à ce point de vue.

En conséquence, la commission émet un avis favorable.

Le sous-amendement n° 92 n'ayant pas été examiné par la commission, je me permettrai de donner mon point de vue personnel.

À la différence du sous-amendement n 78 rectifié qui concerne les personnes condamnées à la date d'entrée en vigueur de la loi, le sous-amendement n° 92 s'applique aux personnes qui ont commis les faits avant l'entrée en vigueur de la loi, mais n'ont pas encore été condamnées.

Si l'hypothèse visée par ces deux sous-amendements est différente, il s'agit bien, dans les deux cas, d'une dérogation à l'application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, puisque ce principe interdit l'application d'une disposition plus sévère aux personnes condamnées pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de cette loi.

Cependant, le sous-amendement n° 92 ne prévoit pas d'appliquer aux personnes ayant commis des faits avant l'entrée en vigueur de la loi le dispositif qui est retenu par le sous-amendement n° 78 rectifié . En effet, pour cette catégorie de personnes, contrairement à celles qui ont déjà été condamnées, la juridiction de jugement pourra prévoir le réexamen de leur situation en vue d'une rétention de sûreté.

Le sous-amendement n° 92 n'envisage pas davantage, et c'est peut-être la petite critique que je me permettrai de lui faire, de limiter l'application immédiate de la rétroactivité aux criminels récidivistes les plus dangereux, à la différence du sous-amendement n° 78 rectifié . La restriction du champ d'application de la rétention de sûreté prévue par ce dernier contrebalance, d'une certaine manière, le caractère immédiat de l'application de la rétention de sûreté. Cette restriction n'est pas retenue par le sous-amendement n° 92. Dès lors qu'ils répondront aux critères de droit commun - les critères prévus par l'article 706-53-13 du code de procédure pénale -, les criminels concernés pourront se voir appliquer la rétention de sûreté, même si les faits ont été commis avant l'entrée en vigueur de la loi. Il y a là, de mon humble point de vue, un risque accru d'inconstitutionnalité.

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