Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 25 mai 2016 à 9h30
Renforcer la liberté l'indépendance et le pluralisme des médias — Indépendance des rédactions - suite et fin de l'examen des amendements au texte de la commission, amendement 88

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteure :

Le sous-amendement n° 88 complète l'amendement n° 73 rectifié du Gouvernement, auquel notre commission a donné un avis favorable. Les auteurs du sous-amendement souhaitent inclure dans le champ de la protection des lanceurs d'alerte les fonctionnaires qui choisissent de se confier à un journaliste, et pas seulement aux autorités administratives et judiciaires.

Cela pose plusieurs difficultés : le régime des fonctionnaires lanceurs d'alerte a été entièrement revu dans la récente loi du 20 avril 2016 dite de déontologie des fonctionnaires. Les canaux d'alerte ont été explicités à cette occasion et il n'a jamais été question d'y inclure les journalistes. Les fonctionnaires ne sont en outre pas des salariés comme les autres. Ils sont déjà soumis à l'article 40 du code de procédure pénale et doivent transmettre au Procureur de la République les éléments en leur possession concernant des crimes ou des délits. Ils ont des devoirs spécifiques conférés par leur position statutaire et réglementaire : devoir d'obéissance aux instructions données par leur supérieur hiérarchique, sauf si celles-ci sont manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public (selon l'article 28 du titre I du statut général de la fonction publique), et devoir de discrétion. Par l'article 26, le secret professionnel s'impose à eux sur les informations dont ils ont pris connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Si le supérieur hiérarchique n'entend pas l'alerte, le fonctionnaire pourra s'adresser au référent déontologue, créé par l'article 28 bis de la loi sur la déontologie des fonctionnaires, dont l'une des missions est justement d'aider les lanceurs d'alerte. Le référent déontologue est lui-même astreint à l'article 40 du code de procédure pénale, ce qui n'est pas le cas des journalistes. Enfin, le sous-amendement proposé ne comprend aucune gradation des canaux d'alerte. Pire : la rédaction de l'article 6 ter A de la loi du 20 avril 2016 consolidé disposerait que le fonctionnaire prévient les journalistes, puis l'autorité hiérarchique ! Le récent rapport du Conseil d'État insiste pourtant sur la nécessaire gradation des canaux d'alerte, « prévenir le public » devant être un ultime recours. Il se fonde ainsi sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, reprise dans le projet de loi dit Sapin II. Avis défavorable.

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