Intervention de Philippe Bas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 25 mai 2016 à 9h00
Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales — Audition de M. Philippe Brassac directeur général de crédit agricole sa

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

directeur général de Crédit Agricole SA. - Je répondrai d'abord à une question que certains peuvent se poser : comment se fait-il que le Crédit Agricole, dont on connaît l'histoire plutôt rurale et française, puisse être significativement concerné par la banque privée internationale ? En réalité, nous sommes très présents dans ce domaine, et ce notamment depuis l'acquisition d'Indosuez, en 1995, et du groupe Crédit Lyonnais, en 2003. Cette activité, si elle n'est pas négligeable au sein du groupe Crédit Agricole, y reste néanmoins marginale, puisque la banque privée internationale représente 2,4 % de notre produit net bancaire (PNB), dont 0,9 % hors Europe, où se situent les activités dites « offshore ».

Je vais vous présenter l'organisation que nous avons mise en place pour lutter de la façon la plus efficace possible non seulement contre le blanchiment et le financement du terrorisme, mais aussi contre l'évasion fiscale. Nous avons mis en oeuvre trois types de mesures depuis 2010.

Tout d'abord, en 2010, la décision a été prise de nous retirer physiquement, en termes de structure de banque privée internationale, des territoires dits « non coopératifs ». Nous nous sommes fondés sur une liste de quatorze pays, plus large que la liste de l'administration fiscale française. C'est ainsi que nous avons quitté les Îles Caïmans, les Îles Vierges britanniques et les Bahamas.

Nous avons aussi décidé, en 2012, de mettre fin à toute activité de prestation dans le domaine du conseil en fiducie, c'est-à-dire l'intermédiation, le conseil, la création ou la gestion de structures dites « offshore ». Pour cette activité, qui est en elle-même parfaitement licite, nous avions recours à divers intermédiaires, parmi lesquels le cabinet Mossack Fonseca.

Ces deux retraits ont été totalement achevés en 2015 ; tout cela relève donc pour nous totalement du passé. L'arrêt de ces activités s'est fait soit par la cession des structures, soit par leur extinction.

Nous avons pris une troisième décision, qui l'emporte sur toutes les autres en termes de preuve : nous avons décidé, en 2013, de vérifier à nouveau la rectitude fiscale de l'ensemble de notre clientèle de banque privée internationale. Cela concerne aussi bien les ayants droits des structures offshore et onshore que des personnes physiques, soit, sur l'ensemble du groupe Crédit Agricole, environ 70 000 clients. Ce travail a été achevé fin 2014 pour tous les résidents français et fin 2015 pour tous les résidents de l'Union européenne. Nous l'avons entrepris en mars 2015 pour les clients du reste du monde ; nous prévoyons de le conclure fin 2016 pour les structures, et en 2017 pour les personnes physiques.

J'en viens au nombre de structures offshore toujours clientes du Crédit Agricole, notamment par le biais de nos structures au Luxembourg, en Suisse et à Monaco.

Tout d'abord, nous avons aujourd'hui encore onze structures offshore enregistrées au Panama par Mossack Fonseca ; aucun ayant droit de ses structures n'est résident français. Tous pays confondus, avons également quatre-vingts structures offshore établies par Mossack Fonseca ; là encore, aucun de leurs ayants droit n'est résident français non plus. Tous prestataires confondus, nous avons quatre structures offshore enregistrées au Panama concernant des résidents fiscaux français, et vingt-trois structures offshore concernant des résidents fiscaux français dans le monde entier.

Tous ces clients ont fait l'objet d'une vérification fiscale. De plus, comme nous opérons à partir de l'Europe, ils seront tous soumis, dès 2017 ou 2018, à l'échange automatique d'informations ; ces clients en sont conscients.

Je voudrais résumer en conclusion la politique du groupe Crédit Agricole pour la banque privée internationale. L'affaire des « Panama Papers » m'a enseigné qu'il ne suffit pas aujourd'hui de respecter strictement les réglementations des différents pays dans lesquels nous opérons ; il faut aussi être suffisamment lisible, de façon simple et non équivoque, sur nos champs d'acceptabilité et de non-acceptabilité. Nous voulons être présents en banque privée internationale exclusivement dans les territoires qui s'engagent dans l'échange automatique d'informations, et nous voulons y accepter seulement les clients qui nous donnent le mandat d'échange automatique d'informations. En d'autres termes : il n'y a pas de bénéfice du doute en faveur des clients pour lesquels nous ne pouvons pas matériellement effectuer ces vérifications, c'est-à-dire ceux qui relèvent d'États qui ne coopèrent pas sous forme d'accords bilatéraux ou multilatéraux.

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