Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 mai 2016 à 9h40
Réforme de la prescription en matière pénale — Examen du rapport

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Sur quoi se fonde la prescription et comment justifier sa légitimité ? Je ne trouve aucune base de rémission ou d'indulgence, ni dans l'histoire du droit, ni dans la société actuelle. Les sociétés soumises au droit romain ou au droit médiéval n'étaient pas particulièrement indulgentes ; le vrai fondement de la prescription, c'est la reconnaissance de la faillibilité de la justice, alors même que celle-ci est le premier pilier d'une société ordonnée. Plus on creuse l'écart entre le moment où les faits sont accomplis et celui où ils sont jugés, plus il y a de risques que la justice se trompe.

Qu'est-ce qui justifie le changement ? Pour ce qui est des infractions commises à l'encontre des mineurs, le temps d'acceptation et de maturation de la souffrance est essentiel et la volonté de faire la justice peut venir tard. C'est un progrès que de fixer le point de départ de la prescription à la majorité de la victime. En revanche, le débat mérite d'être approfondi sur l'allongement du délai au-delà de 20 ans.

L'exception faite pour les crimes contre l'humanité est justifiée, dans la mesure où il s'agit de crimes perpétrés par des institutions, la plupart du temps par des pouvoirs dotés de forces militaires. Les modalités de preuve ou de reconnaissance de la culpabilité relèvent d'un travail d'historien, pas d'un travail d'inspecteur de police judiciaire. On l'a bien vu lorsqu'on a tenté d'établir l'intention de génocide en Turquie, en 1915.

Pour le reste, je partage les craintes révérencielles de Jacques Bigot sur les textes adoptés à l'unanimité. Après 50 ans de vie politique, le sottisier de ce genre de textes est fourni, avec au premier rang la loi Edgar Faure sur les universités. Pour échapper à la pression du calendrier, il est toujours possible de voter le renvoi en commission. Il y a manifestement une convergence entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement pour statuer sur ce texte, alors que ce n'est pas le bon moment. J'ose espérer qu'on ne nous imposera quand même pas l'urgence. Légiférer sur un tel sujet sans préparation n'est pas envisageable.

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