Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec l'article 3, le volet du projet de loi relatif à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
Cette irresponsabilité pénale est aujourd'hui régie par le principe posé à l'article 122-1 du code pénal, qui opère une distinction entre l'abolition et l'altération du discernement, afin de déterminer si la personne est pénalement irresponsable ou, au contraire, responsable.
La personne poursuivie fait l'objet d'une expertise psychiatrique au moment de l'instruction, une telle expertise étant de toute façon obligatoire lorsqu'elle a commis un crime.
Mais, de façon surprenante, l'irresponsabilité mentale est de moins en moins retenue par les juges d'instruction : ainsi, le nombre d'ordonnances de non-lieu rendues pour ce motif est passé de 444 en 1987 à 233 en 2003, soit une diminution de moitié environ.
Ces chiffres viennent confirmer le constat que faisait déjà la commission d'enquête parlementaire sur les prisons en 2000, qui indiquait ainsi : « les psychiatres, s'appuyant sur le deuxième alinéa de l'article 122-1 du nouveau code pénal, ont interprété la loi dans un sens univoque. À leur sens, peu de troubles psychiques ou neuropsychiques abolissent le discernement de la personne ou entravent le contrôle de ses actes. En conséquence, le nombre d'accusés jugés ? irresponsables au moment des faits ? est passé de 17 % au début des années quatre-vingt à 0, 17 % pour l'année 1997 ».
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant de retrouver ces personnes souffrant de troubles mentaux dans nos prisons : 30 % environ des détenus seraient concernés. L'augmentation du nombre de ceux qui nécessitent l'application de l'article D. 398 du code de procédure pénale permettant aux établissements pénitentiaires de procéder à des hospitalisations d'office dans les hôpitaux psychiatriques est un signe de cette évolution.
Ce n'est donc pas tant l'application de cet article 122-1 du nouveau code pénal qui pose problème, mais c'est bien la médiatisation des faits divers se rapportant à des cas d'irresponsabilité pénale et l'instrumentalisation de la souffrance des victimes. D'ailleurs, ce sont bien deux faits divers qui sont à l'origine de ce projet de loi, dont l'un concerne un jeune homme ayant tué deux infirmières de l'hôpital psychiatrique de Pau et ayant bénéficié d'un non-lieu pour raison psychiatrique.
Nous entendions le Président de la République déclarer, le 20 août 2007, que « le premier des droits de l'homme à défendre, c'est celui des victimes ». Pourtant, la loi n'est pas muette s'agissant des droits des victimes dans les cas d'irresponsabilité pénale. Depuis 1995, l'ordonnance de non-lieu motivée par un trouble mental est notifiée oralement dans le cabinet du juge d'instruction et la contre-expertise sollicitée par la partie civile est de droit.
La loi du 9 mars 2004 a introduit l'obligation faite au juge, en cas d'application de l'article 122-1, de préciser dans son ordonnance de non-lieu s'il existait des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. Pourquoi, par conséquent, vouloir réformer dans l'urgence cette procédure ?
Cette loi est donc clairement une loi d'affichage et non, évidemment, une loi destinée à améliorer le traitement des personnes irresponsables pénalement et à soutenir le secteur de la psychiatrie dans les hôpitaux et dans les établissements pénitentiaires.
Ce que le Gouvernement ne comprend pas, c'est qu'en donnant davantage de moyens à la prévention et au suivi des personnes malades mentales, que ce soit en prison ou en hôpital psychiatrique, on favorise la lutte contre les actes violents et la récidive et, de fait, on agit bien plus efficacement pour la réinsertion de ces personnes dans la société. Faire en sorte qu'il y ait moins de victimes, n'est-ce pas le meilleur moyen d'agir en leur faveur ?