Intervention de Richard Yung

Réunion du 31 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Article 3

Photo de Richard YungRichard Yung :

Je souhaite présenter quelques remarques sur la nouvelle procédure instaurée à l'article 3.

Je ferai deux types d'observations, les unes concernant la procédure applicable, les autres l'introduction de « mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».

En premier lieu, la participation du malade mental, atteint au point de ne pas être responsable de ses actes, à une forme de procès public qui aboutit à la déclaration d'irresponsabilité porte de sérieuses atteintes aux règles de procédure.

Elle entraîne, tout d'abord, une confusion entre la juridiction d'instruction et la juridiction de jugement, cette dernière devant se prononcer sur la réalité et l'imputabilité des actes. J'ai déjà développé ce point en défendant la motion d'irrecevabilité déposée par mon groupe. Il s'agit d'un problème lourd sur lequel le Conseil constitutionnel devra se prononcer.

Apparaît, ensuite, une confusion entre l'audience de jugement et l'instruction, alors même que, durant l'instruction, l'individu demeure présumé innocent.

En second lieu, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dite Convention européenne des droits de l'homme, dispose que « tout accusé a droit notamment à [...] se défendre lui-même ». Or, dans la procédure envisagée, il existe un cas dans lequel l'accusé ne serait pas convoqué par le président de la chambre d'instruction, peut-être à juste titre s'il n'est pas en état de comparaître, mais aussi dans d'autres situations. En tout état de cause, cet accusé doit être représenté par son avocat, ce qui constitue une remise en cause de son droit à se défendre lui-même.

Un autre point est plus préoccupant. Cette nouvelle procédure, dont l'organisation est compliquée, ne représentera pas nécessairement un grand progrès pour les victimes et leurs familles. En effet, la confrontation physique avec un auteur de crime malade ne constituera pas une explication ou une réparation, mais sera plutôt un drame ajouté au drame, une confrontation de souffrances.

Dans un cas, si la personne présumée coupable est dans un état normal, ce qui peut arriver au cours des cycles de maladie mentale, la famille, les ayants droit ou la victime en tireront la conclusion négative que la déclaration d'irresponsabilité n'est qu'un artifice de procédure, que la personne dispose en réalité de toutes ses capacités, qu'elle est donc vraiment coupable et qu'elle échappe au véritable jugement en faisant semblant d'être malade.

Dans un autre cas, si le coupable présumé est dans un état tel que sa maladie mentale apparaît clairement, il n'y aura pas de dialogue possible. On verra probablement se jouer une mauvaise scène de théâtre, douloureuse pour chaque partie, et les familles n'en tireront pas un grand réconfort.

Une autre variante possible consisterait à prévoir la représentation du coupable présumé par son avocat, comme cela se fait, dans un certain nombre de cas, en cour d'assises. Ainsi, le président de la cour d'assises de Paris nous a dit avoir organisé, à plusieurs reprises, des réunions entre des familles de victimes et les avocats des deux parties concernées, ce qui a permis de faire le tour de l'affaire, sans rien cacher, et de dégager la vérité sur la situation. J'ai cru comprendre que ceux qui avaient participé à ces réunions en étaient sortis plus réconfortés que si le coupable présumé avait été présent.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l'article 3.

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