Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 31 janvier 2008 à 15h00
Rétention de sûreté — Article 12 bis

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je vais vous lire un extrait de l'intervention de M. Pascal Clément, alors garde des sceaux, inaugurant le 8 juillet 2005 le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles : « [...] pour que la justice soit efficace, elle se doit d'être fidèle à ses valeurs. Elle doit en particulier garantir le respect de la vie privée.

« [...] ce nouveau fichier est conforme à nos principes. Il nous permettra de mieux assurer la sécurité des Français et il nous permettra de garder ces informations confidentielles.

« Ce fichier est, en effet, exclusivement destiné aux professionnels en charge de la prévention et de la répression de la délinquance sexuelle.

« Il concerne donc les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire et les préfets. La liste des autres administrations de l'État autorisées par la loi à consulter le FIJAIS fera l'objet d'un décret complémentaire au terme de travaux interministériels. »

Or l'article 12 bis vise à étendre la liste des personnes habilitées à consulter le fichier aux présidents de conseils généraux et aux maires, autrement dit aux administrations territoriales. Dois-je en conclure que ce qui était présenté par le garde des sceaux en 2005 comme une garantie de respect de nos principes ne l'est plus moins de trois ans plus tard ou que cet article ne respecte pas nos principes ?

Le FIJAIS a été créé par la loi du 9 mars 2004, loi dont les modalités d'application ont été fixées par un décret du 30 mai 2005 pris après avis de la CNIL, peu de temps après la mise en place de celle-ci.

La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a étendu substantiellement son contenu et sa finalité.

La CNIL, relevant que les préfets et certaines administrations de l'État pourraient utiliser le fichier pour contrôler l'exercice des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs, soulignait alors qu'il n'était pas précisé si ce contrôle concernait uniquement les activités soumises à agrément ou si l'extension concernait l'exercice de l'ensemble des professions impliquant un contact avec des mineurs.

Le fichier est ainsi profondément modifié avant qu'un bilan ait pu être tiré de sa première version et sans que la CNIL ait pu se prononcer sur les modifications envisagées.

Or, je ne vois pas dans l'article 12 bis tel qu'il nous est proposé une quelconque prise en compte des inquiétudes de la CNIL.

Je constate en revanche qu'une fois de plus on nous demande d'accroître le nombre de personnes habilitées à consulter un fichier, en tentant de nous faire croire que cela va régler tous les problèmes. Or nous savons tous que cette multiplication permanente des fichiers et des personnes pouvant les consulter n'a absolument rien réglé.

J'ajoute que, pour ceux qui emploient des personnes susceptibles d'avoir des contacts avec les enfants, la formule est à l'évidence inopérante : y compris en matière de service public, du fait des délégations de service public, dans beaucoup de cas, ce ne sont pas les maires qui emploient directement ces personnes.

S'il s'agissait de permettre à tous les employeurs de consulter le fichier, ce serait un autre problème. Là, on adopte une solution bancale qui, à mon avis, ne résoudra pas le problème censé devoir être résolu, mais qui va en revanche multiplier encore le nombre de personnes habilitées à consulter le fichier.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais, madame le garde des sceaux, que vous nous donniez l'avis de la CNIL, si vous l'avez.

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