Quoi qu'il en soit, nous avons beaucoup appris sur l'être humain. La référence à l'être humain idéal du XVIIIe siècle ne correspond plus à nos connaissances actuelles. Il faudrait peut-être un peu réviser notre position.
Cela étant, on a brandi, tel un épouvantail, la question de la rétroactivité. Mais, je le répète, selon moi, aucun problème ne se pose de ce point de vue parce que la condamnation d'origine, sans doute très ancienne, est la condition, et non la cause, de l'examen de l'état psychiatrique de la personne concernée. On évoque la rétroactivité sans donner d'explication. Il faut expliquer en quoi consiste cette rétroactivité ! La condamnation d'origine, qui sera bien sûr très antérieure, n'est que la condition.
Prenons un exemple simple. Imaginons l'adoption d'une loi prévoyant qu'une personne, qui, ayant atteint l'âge de la majorité, commet ensuite tel ou tel acte répréhensible, encourra telle ou telle punition. Va-t-on faire remonter l'appréciation de la rétroactivité à la date de sa majorité ? La majorité est la condition, mais non la cause de la condamnation. Ici, le fondement de cette dernière, c'est l'examen par une commission de l'état psychologique de la personne poursuivie, puis la décision de la juridiction. Telle est la cause de la mesure technique de sûreté, qui ne constitue pas une mesure morale de punition. La cause sera, par conséquent, forcément postérieure au vote de la loi. Donc, aucun problème de rétroactivité ne se pose.
J'ai déjà indiqué ce que je pensais de l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme. On s'est trompé en ne retenant que la première hypothèse visée par ladite convention. En réalité, il faut plutôt se situer dans l'hypothèse d'une variante de l'aliénation, qui ne suppose pas de condamnation préalable.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous pouvons adopter ce texte avec sérénité.
Madame la ministre, je formule le voeu que nous trouvions le moyen pratique - indépendamment des discussions théoriques intéressantes que nous avons eues - de créer pour ces malheureux, que nous protégeons aussi contre eux-mêmes - on oublie de le dire ! -, des conditions de rétention telles que personne ne puisse soutenir qu'elles peuvent être confondues avec la détention.