Le Sénat prend toujours une part prépondérante dans l’élaboration de tels textes fondateurs pour notre société.
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures de la présente proposition de loi telle qu’adoptée par le Sénat ; je me bornerai à retracer ses grandes lignes, avant de présenter les apports de l’Assemblée nationale.
La première ligne directrice est l’amélioration du fonctionnement et du financement des MDPH.
Vous le savez, les MDPH sont confrontées à trois types de difficultés : l’instabilité de leurs personnels et la diversité de leurs statuts, l’insuffisance de garanties à court terme pour leurs ressources et la persistance de certaines lourdeurs administratives dans l’instruction des demandes.
En ce qui concerne le traitement des demandes, le texte comporte deux dispositions qui devraient permettre de réduire les délais : l’une tend à autoriser les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, à statuer en section locale ou spécialisée, l’autre à clarifier les conditions dans lesquelles ces commissions peuvent adopter une procédure simplifiée de prise de décision.
S’agissant des personnels, le texte comporte trois mesures visant à les stabiliser, à améliorer leur formation et à enrichir leurs perspectives de carrière.
La première d’entre elles vise à réformer le régime de mise à disposition des personnels issus de la fonction publique d’État, en portant la durée de mise à disposition de trois à cinq ans et en allongeant le préavis de trois à six mois, de façon à mieux anticiper le retour des agents dans leur administration d’origine.
La deuxième mesure instaure un système de mise à disposition contre remboursement, qui permettra à l’État de verser en début d’année, et non a posteriori, une subvention de fonctionnement globale intégrant la somme correspondant aux rémunérations des personnels mis à disposition. Cette mesure est de nature, je crois, à satisfaire les présidents de conseil général !
La troisième mesure a pour objet de permettre au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, d’ouvrir les formations qu’il dispense aux fonctionnaires territoriaux à tous les personnels, quel que soit leur statut, et de prélever les cotisations correspondantes.
J’en viens à la question sensible des financements. Chacun le sait, les MDPH rencontrent des problèmes financiers importants, du fait de la compensation partielle des postes mis à disposition par l’État lorsqu’ils ne sont pas pourvus, mais aussi faute de trésorerie et de plan pluriannuel de financement.
Plusieurs dispositions du texte permettront de remédier à cette situation et d’offrir aux MDPH une meilleure visibilité financière. Il s’agit tout d’abord de stabiliser le statut des MDPH, avec le maintien du groupement d’intérêt public, le GIP, ensuite de mettre en place une convention triennale d’objectifs et de moyens entre chaque MDPH et les membres du groupement, qui devra préciser en particulier les modalités de compensation des postes que l’État s’est engagé à transférer au GIP dans la convention constitutive, ainsi que les moyens supplémentaires qu’il apporte en cas d’élargissement des missions assignées aux MDPH.
La deuxième ligne directrice consiste en la clarification du pilotage des politiques en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
Au cours des dernières années, la gouvernance des politiques en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées a connu des évolutions importantes, si bien que des inquiétudes ont surgi quant au rôle dévolu à l’État et au service public de l’emploi.
Afin de ne laisser subsister aucune ambiguïté sur ce point, la proposition de loi réaffirme la place de l’État et du service public de l’emploi dans le pilotage des politiques d’insertion professionnelle des personnes handicapées. Elle prévoit également la signature d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens entre l’État, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, Pôle emploi, l’AGEFIPH et le FIPHFP, assortie de déclinaisons régionales et locales associant les organismes de placement spécialisés. Cette convention devra déterminer les modalités de mise en œuvre des objectifs et des priorités de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Une existence légale est par ailleurs redonnée aux Cap emploi, qui ont démontré leur compétence spécifique en matière d’orientation, de placement et de suivi professionnel des personnes handicapées.
Enfin, la Haute Assemblée a enrichi ce volet du texte de deux nouvelles dispositions.
La première autorise le FIPHFP à financer des actions réalisées sur son initiative dans les trois fonctions publiques et à subventionner des organismes ou associations avec lesquels il a conclu une convention. Elle permet également aux fonctionnaires handicapés souhaitant obtenir des aides de saisir directement le FIPHFP, sans avoir à passer par leur employeur. Bien sûr, je suis conscient que l’attribution de ces nouvelles missions au FIPHFP va exiger de son personnel d’importants efforts en termes de réactivité, d’adaptabilité et d’efficacité, mais je suis convaincu que celui-ci saura relever le défi !
La seconde disposition modifie les critères de versement de la subvention spécifique et des aides au poste aux entreprises adaptées et aux centres de distribution de travail à domicile, en supprimant notamment la référence à la notion d’« efficience réduite ».
La troisième ligne directrice est l’amélioration de la prise en charge du handicap.
La loi du 11 février 2005 a fixé des objectifs ambitieux en matière d’accessibilité, la prise en charge du handicap passant aussi par l’adaptation de l’environnement des personnes handicapées.
Dans ce domaine, deux dispositions ont été adoptées par le Sénat.
La première, tendant à favoriser la mise en accessibilité des constructions neuves, prévoit des mesures de substitution en cas d’impossibilité avérée de remplir les exigences réglementaires et légales. Cette disposition, dont les déclinaisons réglementaires seront placées sous l’œil vigilant du Conseil national consultatif des personnes handicapées et dont l’application sera contrôlée sur le terrain par les commissions départementales consultatives de sécurité et d’accessibilité, se traduira non par l’octroi de dérogations de portée générale –comme je l’entends dire ici ou là –, mais par la mise en place de dispositifs de substitution pour permettre de rendre les bâtiments accessibles dans des conditions plus souples.
La seconde disposition vise à étendre l’obligation faite aux distributeurs de services – ADSL, câble, satellite – d’offrir gratuitement les prestations nécessaires à la diffusion des programmes audiovisuels audiodécrits destinés aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Intéressons-nous maintenant aux principales modifications apportées par nos collègues députés en première lecture. D’une manière générale, je crois pouvoir dire qu’elles approfondissent utilement notre texte et en confortent la philosophie générale.
Nous avions cherché à clarifier les compétences territoriales des MDPH. L’Assemblée nationale a prolongé notre démarche en améliorant la règle du lieu de résidence.
Les députés ont ensuite sécurisé l’échange d’informations entre intervenants soumis au secret professionnel dans le cadre des missions des MDPH, en le limitant aux seules informations nécessaires à la prise de décision, comme cela est déjà le cas pour l’aide sociale à l’enfance.
L’Assemblée nationale a prévu la reconnaissance automatique de la qualité de travailleur handicapé pour les étudiants handicapés bénéficiant d’une convention de stage. Cette mesure constituera une incitation forte pour les entreprises, qui pourront ainsi remplir leurs obligations d’emploi, mais aussi bénéficier d’aides pour adapter les postes de travail aux personnes handicapées.
Les députés ont donné une base légale aux plans régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés afin de les rendre plus visibles. Certes, je reconnais que ces plans régionaux relèvent davantage du domaine réglementaire, mais en inscrire le principe dans la loi devrait favoriser leur déploiement.
L’Assemblée nationale a, par ailleurs, encadré le dispositif d’exonération du paiement de la « sur-contribution » pour les entreprises qui n’emploient directement aucun travailleur handicapé, mais qui effectuent des achats auprès d’une entreprise adaptée ou d’un établissement d’aide par le travail.
Les dispositions introduites par le Sénat relatives aux normes d’accessibilité applicables aux bâtiments neufs, qui ne visent que les habitations occupées à titre permanent, ont été étendues aux logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière, telles les résidences de tourisme ou les résidences étudiantes.
Enfin, le texte qui nous est soumis assouplit les conditions dans lesquelles les organismes transcripteurs –bibliothèques, services d’archives, centres de documentation, établissements spécialisés – peuvent accéder aux fichiers sources des œuvres imprimées auprès des éditeurs, afin de les reproduire sur des supports adaptés aux publics handicapés.
Vous le voyez, mes chers collègues, la navette parlementaire a permis d’améliorer et d’enrichir les dispositions de cette proposition de loi, qui est le fruit d’un travail approfondi d’écoute, de concertation et d’analyse. Elle contribuera, j’en suis convaincu, à apporter des réponses aux difficultés que rencontrent les MDPH et surtout à faire progresser la cause des personnes handicapées.
Aussi la commission des affaires sociales du Sénat a-t-elle adopté le texte dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. J’émets le souhait qu’il soit voté à l’unanimité ce soir.