Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 2 juin 2016 à 14h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Georges Clemenceau aurait dit de la guerre qu’elle est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires. De la même manière, vous pourriez dire, monsieur le garde des sceaux, que la loi pénale est une chose trop sérieuse pour que l’on laisse les avocats la faire. Si vous aviez cette pensée, je me référerais à l’excellence du garde des sceaux que fut Robert Badinter.

Cela dit, pourquoi notre commission des lois a-t-elle unanimement voté le renvoi de ce texte à la commission, alors que l’Assemblée nationale l’avait adopté à l’unanimité ?

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, le Sénat est une chambre de réflexion, car la réflexion est souvent source de sagesse. À cet égard, je déplore que vous nous priviez de réflexion sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, car vous renoncez ainsi à un travail extrêmement constructif et efficace dans l’intérêt général.

Pour expliquer pourquoi nous avons voté à l’unanimité le renvoi à la commission, je citerai les propos de deux de nos collègues, d’abord ceux de François Pillet, vice-président de la commission : « Comment admettre que l’on puisse déposer plainte à l’âge de quarante-huit ans pour une agression sexuelle ayant eu lieu dans l’enfance ? Pour tout dire, je suis ravi que cette proposition de loi n’émane pas du Sénat. De grâce, ne faisons par disparaître la prescription de notre droit. »

Je citerai ensuite la conclusion de l’ancien ministre et excellent collègue Alain Richard : « Il y a manifestement une convergence entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement » – nous y sommes habitués ! – « pour statuer sur ce texte alors que ce n’est pas le bon moment. J’ose espérer que l’on ne nous imposera quand même pas l’urgence. Légiférer sur un tel sujet sans préparation n’est pas envisageable. »

Nombreux sont ceux ici qui considèrent qu’une réforme des questions de prescription est souhaitable. S’il peut paraître raisonnable d’allonger certains délais, doit-on pour autant aller vers l’imprescriptibilité dans certains cas, comme cela nous est proposé ? Certains délais proposés sont manifestement beaucoup trop longs.

Permettez-moi, monsieur le garde des sceaux, vous qui connaissez bien le droit, qui avez fréquenté les universités et qui en savez beaucoup

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