Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 2 juin 2016 à 14h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Nous ne sommes pas contre certaines améliorations. Ce qui nous pose problème, c’est le caractère totalement hétéroclite des réformes des uns et des autres. Lorsque l’on parle de prescription, comment ne pas évoquer en même temps l’échelle des peines ? On voit bien que l’accumulation des réformes successives des différents gouvernements a conduit à un imbroglio. Tous les magistrats le disent d’ailleurs et répètent à juste titre qu’ils s’y perdent, que la loi est trop compliquée et qu’elle change tout le temps.

Toute modification des délais de prescription doit se faire en adéquation avec l’échelle des peines. Or tel n’est pas le cas ici.

Si réforme il doit y avoir, comme nous le souhaitons – il faut effectivement moderniser notre droit –, elle doit être globale. Or de nombreux points du texte nous semblent poser problème. Notre excellent rapporteur a ainsi évoqué la question des plaintes. S’il faut se caler sur les plaintes des citoyens pour interrompre les délais de prescription, et s’il suffit d’adresser une plainte aux services de police judiciaire ou aux fonctionnaires compétents, je puis vous assurer que nous ne sommes pas sortis de l’auberge ! Cette réforme n’est pas bonne du tout ; elle est même dangereuse.

Comme je le dis souvent à cette tribune, la justice a besoin de moyens. Vous en convenez d’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous qui vous battez beaucoup, et plus que tous les autres à ce jour, sur ce point. Au-delà des moyens humains et matériels, qui vont ensemble, je le répète souvent, se pose la question de l’exécution des peines. À quoi cela sert-il d’allonger les délais de prescription si l’on est incapable d’exécuter les sanctions prononcées par les tribunaux ? Commençons par le début !

Dans ce texte, on fait plaisir à l’opinion en allongeant considérablement les délais de prescription, mais est-ce une bonne chose ? Dans certains cas, oui, monsieur le garde des sceaux, dans d’autres, c’est catastrophique, aussi bien pour les victimes que pour ceux qui sont poursuivis. Je vous le dis en tant que professionnel de terrain, parce que je l’ai vécu dans de nombreux cas. Il faut agir avec sagesse et modération.

C’est pour cela, monsieur le garde des sceaux, que nous avons besoin du temps de la réflexion. Peut-être aurions-nous pu travailler sur ces questions dans le cadre du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, si vous nous en aviez donné l’occasion ?

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