Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie les initiateurs de ce débat.
Comme cela a été rappelé, nous fonctionnons sur deux piliers clairement identifiés : d’une part, les aides directes, couplées et découplées ou droit à paiement unique, aussi appelé DPU, représentent 70 % du budget de cette politique ; d’autre part, la politique de développement rural. L’Union européenne cofinance les mesures qui contribuent au dynamisme socio-économique des territoires et à la préservation des paysages, à hauteur de 25 % du budget de la politique agricole commune.
Les enjeux nationaux ont été abordés lors de la réunion des ministres européens de l’agriculture à Amsterdam la semaine dernière. Cette rencontre, que nous avons suivie, a bien montré que la politique agricole commune d’après 2020 se jouait dès maintenant. Plusieurs points délicats, mais fondamentaux qui avaient déjà été discutés en 2013 le seront de nouveau.
Le premier concerne la convergence dans la redistribution des aides.
Sous la pression de certains « gros pays », notamment l’Allemagne, il avait été décidé d’abandonner le plafonnement des aides directes. En échange, le principe de dégressivité était appliqué. Une convergence externe et interne devrait – nous y tenons – conduire à plus de justice.
Nous ne pouvons qu’être favorables à une distribution plus juste des aides, notamment pour aider les plus petites exploitations. Je le rappelle, ces dernières années, les grosses exploitations ont récupéré plus de 80 % des aides directes.
Le deuxième point est relatif à l’élevage. Nous devons défendre une orientation toujours plus marquée en ce sens.
Certes, le taux pour les aides couplées a été renforcé, passant de 10 % à 13 %, avec une possibilité supplémentaire de 2 % pour la production de protéines végétales. Cela permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique, donc l’élevage. Une telle démarche s’accompagne d’un mécanisme de « limitation des pertes ».
Mais c’est évidemment insuffisant. L’ensemble mérite d’être amélioré. Il faut à tout prix utiliser la totalité des mesures disponibles pour accorder le soutien maximum aux exploitations, notamment, de bovins-viande. Il s’agit, je le répète, du couplage, de la compensation du handicap – j’y reviendrai – et des mesures adaptées de soutien au deuxième pilier. Il faut aussi préserver le niveau des DPU des systèmes naisseurs-engraisseurs et engraisseurs.
La pleine utilisation de toutes les mesures disponibles vaut également pour la production laitière, dont la situation s’aggrave toujours, comme l’a encore démontré la triste journée mondiale du lait de la semaine dernière.
Le troisième point porte sur le verdissement. J’imagine que nous aurons l’occasion d’en reparler. C’est un sujet fondamental et récurrent. Un tiers des aides directes dépendraient de la mise en œuvre de bonnes pratiques environnementales de base. En outre, 30 % des aides indirectes, rurales, iront en direction de ceux qui feront plus d’efforts pour la biodiversité ou le climat.
Bien entendu, une agriculture écoresponsable est souhaitable. Elle est d’ailleurs souhaitée par les consommateurs, qui sont de plus en plus demandeurs.
Mais ne tombons pas dans les clichés ! Regardons objectivement les efforts et la contribution de nos agriculteurs à la qualité de l’environnement. La plupart font déjà d’énormes efforts, en prêtant une très grande attention à leur environnement.
Nous sommes très réservés quant à l’augmentation des sommes consacrées au verdissement. Nous pensons en effet que, dans leurs retombées, au regard de leurs contraintes, elles méritent d’être revisitées.
Surtout, il me semble indispensable de prendre en compte les spécificités locales. Nous avons eu l’occasion d’en parler à plusieurs reprises. Il est absolument nécessaire d’adapter les exigences environnementales en fonction des départements, de leur climat, de leurs caractéristiques agronomiques et de leurs caractères propres.
Je souhaite également évoquer les indemnités compensatoires de handicaps naturels, ou IPHN, et la prime herbagère agroenvironnementale, ou PHA. Ces moyens doivent être préservés, voire accentués compte tenu de la situation. On ne peut plus accepter qu’ils soient distribués de manière toujours plus restrictive. Je fais notamment référence aux surfaces prises en compte.
L’avenir des jeunes agriculteurs est un autre point primordial. L’installation est évidemment une nécessité. Nous sommes véritablement à un moment de la vie agricole française et même communautaire où des signes supplémentaires d’espérance doivent être adressés en direction des jeunes agriculteurs.
Notre collègue Jean-Claude Lenoir a abordé la question des risques, ce qui a suscité quelques réactions. Je suis bien d’accord pour dire que, au-delà des enjeux récurrents, le débat doit aujourd'hui s’orienter vers les risques climatiques et les risques économiques. Si les deux sujets sont, certes, liés, nous devons les traiter en tant que tels.
Sur les risques climatiques, nous sommes plusieurs parlementaires à travailler sur l’évolution du système assurantiel. Nous faisons un constat : l’assurance concerne trop peu d’agriculteurs. Sa généralisation doit être un objectif. Son intérêt réside dans les 65 % d’aides publiques versées par l’Union européenne.
Sur les risques économiques, le débat doit s’engager sur la notion de « couverture » de tels risques, qui sont essentiellement liés à l’évolution des prix de marché.
Toutefois, et je m’adresse à mes amis du groupe socialiste, ce serait, je le crois, une grave erreur de penser réguler des prix de marché totalement hors contrainte exclusivement par des fonds publics, qu’ils soient européens, nationaux ou régionaux. Les mécanismes, même insuffisants, de régulation des échanges internationaux doivent être très scrupuleusement surveillés, leur libéralisation intégrale conduisant à des situations catastrophiques.
Les propositions formulées par la profession agricole sur les relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs doivent être enfin mises en application. La libre circulation des produits au sein de l’espace communautaire, de même que les accords internationaux méritent de l’encadrement. À ce moment-là, la couverture des risques économiques par la puissance publique sera envisageable.
Monsieur le ministre, nous avons entendu votre proposition d’épargne de précaution obligatoire. Nous y serons attentifs.
De même, le caractère « contracyclique » de la PAC est une notion audible, à condition d’en définir très précisément l’application.
Les flambées, ou la chute, des prix mondiaux concernent essentiellement les grandes cultures. Les flambées, très conjoncturelles et limitées dans le temps, justifient une redistribution plus affinée des aides européennes. Cela peut être la base de l’épargne de précaution que vous évoquez par ailleurs.
L’exercice est différent, notamment pour l’ensemble des productions animales, qui ne connaissent pas, elles, ces caractères cycliques.
Les aides européennes devront toujours avoir un caractère de stabilité et de durée à un niveau suffisant.
Nous sommes prêts à examiner le principe contracyclique des aides européennes. Des modèles qui existent dans le monde nous apparaissent beaucoup plus performants que l’organisation de la PAC. Nous serons très attentifs aux initiatives prises.