Ces deux questions ont un point commun : montrer que lorsque l'on s'affranchit du principe de réalité, celui-ci vous revient violemment à la figure. Nous sommes incapables de réfléchir à des réformes sereinement, en visant le long terme. Cette incapacité pousse à poser des rustines inutiles, à ravauder un système jusqu'à l'usure complète...
La justice des mineurs souffre d'un conflit de logiques. À l'éducation, philosophie même de la justice des mineurs, on a voulu ajouter la force. Les tribunaux correctionnels pour mineurs n'ont pas fonctionné parce qu'ils ne le pouvaient pas. Il est temps de sonner le glas de cette réforme.
Le juge d'instruction est depuis trente ans à la fois une bête noire et un bouc émissaire. On n'a eu de cesse de vouloir le réduire à l'inexistence dans le domaine pénal, et on y est parvenu. Le juge d'instruction n'est presque plus saisi. Il est en coma dépassé parce qu'on est incapable de penser une vraie réforme de la procédure pénale en fonction de ce que sont devenues la délinquance et la criminalité. On désire le supprimer, sans oser prendre une décision frontale qui aurait le mérite de la clarté. Faute de courage, on assiste à la mort lente du juge d'instruction, sous sédatif, qui n'apporte plus rien d'utile à la procédure pénale. Le juge d'instruction doit principalement veiller au délai des actes auxquels il est contraint, envoyer des lettres recommandées, attendre les délais qu'on lui impose, attendre le recours contre ses décisions ou non décisions. On arrive à une juridiction qui ne fonctionne plus, mais offre au justiciable le maximum de garanties.
À côté, on a développé les pouvoirs du parquet qui ne sont contrôlés par rien ni personne. Le JLD effectue un contrôle formel alors qu'il n'a en réalité aucun positionnement dans l'architecture judiciaire et n'a acquis de légitimité que dans le domaine du contrôle de la détention provisoire. Le JLD est le surveillant-chef du juge d'instruction dans les domaines de la criminalité organisée et du terrorisme, mais il n'a qu'un pouvoir d'enregistrement des décisions. D'un côté, on a un système qui prévoit une multitude de garanties mais ne s'applique plus, et de l'un autre, un système qui n'en offre aucune mais tourne à plein régime.
L'abandon de la collégialité n'est que le monument au mort sur la tombe du juge d'instruction, enterré alors qu'il n'était que dans le coma dépassé.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -