Intervention de Marie-Pierre Hourcade

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 juin 2016 : 2ème réunion
Modernisation de la justice du xxième siècle — Auditions sur la suppression de la collégialité de l'instruction et les dispositions relatives à la justice des mineurs

Marie-Pierre Hourcade, présidente de l'association des magistrats de la jeunesse et de la famille :

Notre association est loin d'être la seule à se féliciter de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Leur création était une aberration. Comment qualifier la justice des mineurs de « correctionnelle » quand il s'agit d'abord d'éducation ? Comment justifier d'avoir évincé la formation ordinaire du tribunal pour enfants qui associait des assesseurs issus de la société civile, nommés par décret en fonction de leurs compétences ou de leur intérêt pour la jeunesse ? Professeurs, chefs d'entreprise, responsables de formation, ils avaient tous quelque chose à apporter dans l'appréciation des faits et du parcours des jeunes. Supprimer le tribunal pour enfants, cette institution intelligente qui date de 1945, sans préciser les missions affectées au nouveau tribunal correctionnel pour mineurs, hormis plus de sévérité... Rien de moins judicieux.

La justice des mineurs est très particulière. Que l'on intervienne pour la protection de l'enfance ou auprès de mineurs délinquants, la démarche est la même : il s'agit de déterminer ce qui peut modifier le comportement d'un individu. Voilà le coeur de métier du juge des enfants qui intervient tout au long de la procédure afin d'éclairer le parcours de l'individu, son histoire familiale. Cette approche s'inscrit forcément dans la durée. Rien à voir avec la comparution immédiate où tout est bouclé en un quart d'heure. Après un premier rappel à la loi pour souligner la gravité des faits, le juge doit créer des liens pour faire comprendre au mineur et à sa famille quels changements la justice attend de lui, en termes de comportement social. Il faut parfois plusieurs mois pour évaluer l'évolution et rendre une décision. La logique n'est pas la même que dans la fonction correctionnelle. Éduquer plutôt que punir, tel est l'objectif. Un enfant est un être en devenir, c'est l'avenir d'une société. Beaucoup de jeunes ont les ressources pour s'en sortir. Au juge pour enfants de les repérer et de les valoriser pour enclencher une dynamique de réussite.

Une justice rapide, avec des non professionnels et des sanctions de plus en plus graves : ce tribunal correctionnel des mineurs était tout ce qu'il ne fallait pas faire. Il aurait été complètement inefficace. Plutôt que d'infliger une peine lourde, mieux vaut déterminer la solution la mieux adaptée au parcours du jeune.

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